De l’importance de la dimension relationnelle dans la crise du sens au travail

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Dans une note publiée en partenariat avec la CFDT, Henri Bergeron et Patrick Castel, sociologues, avancent l’hypothèse que la crise du sens au travail tire son origine d’une dimension relationnelle trop souvent négligée. Selon eux, cette perte de sens est en partie liée aux difficultés de coopération et celle-ci devrait être favorisée en tant que dimension essentielle du « mieux travailler ».

Dans cette note les auteurs pointent les difficultés contemporaines à se projeter dans un futur lointain et positif en raison de l’accumulation de menaces et leurs conséquences importantes sur le travail et sur le fonctionnement des organisations. Les relations d’interdépendance et d’échanges réciproques, qui ont besoin pour s’épanouir qu’existe un futur partagé, sont fragilisées.

« Cette note n’avait pas pour objectif de fournir des outils prêts à l’emploi pour résoudre les problèmes de coopération, de sens du travail et de ressources humaines, notamment dans les secteurs sanitaires et sociaux, que nous avons souvent pris en exemple. Elle visait plus modestement à attirer l’attention sur l’importance d’une dimension ou variable souvent oubliée quand on se penche sur la satisfaction au travail : savoir et pouvoir coopérer sont des déterminants essentiels du contentement professionnel que le management et les réformes de fonctionnement trop souvent ignorent ou négligent. Une enquête récente de la CFDT16 montre pourtant que les interviewés ne veulent pas plus de travail, ni moins de travail, mais travailler mieux. Nous défendons que la coopération, conséquence d’un temps relationnel et de sociabilités qui ne seraient plus réduits à la part congrue, est l’une des conditions à l’épanouissement de ce « mieux travailler ».

Les confinements successifs ont contribué à distendre la relation au travail et à fragiliser l’engagement des agents et salariés dans l’action collective ; le télétravail peut être considéré comme ayant approfondi ce mouvement. Les transformations organisationnelles incessantes, l’extension du lean management ou le New Public Management visant à améliorer les performances des organisations, le contrôle des coûts toujours plus poussé, etc., ont des conséquences potentiellement négatives sur la coopération entre agents ou salariés :

  • la réduction du travail à l’activité de production. Travailler, désormais, c’est produire, produire un geste de soins, produire une pièce industrielle… Ce qui relève du temps relationnel – un temps dédié à l’initiation et l’entretien des relations professionnelles – est de moins en moins considéré comme nécessaire ou utile.
  • l’accroissement des charges de travail, y compris administratives et de reporting. L’augmentation de ces charges explique peut-être la plainte lancinante d’un empêchement croissant à accomplir les tâches placées au cœur du métier et pour la réalisation desquelles, souvent, les salariés et les agents se sont engagés à l’origine dans une activité ou une profession.

Sociabilité, coopération et satisfaction au travail. Une hypothèse de sociologie des organisations, Henri Bergeron, Patrick Castel, Fondation Jean Jaurès, 04/2024