Des représentants de la psychiatrie publique, des patients et des familles s’inquiètent à nouveau du statut et du fonctionnement des unités de soins intensifs en psychiatrie (Usip) où l’on dispenserait « des soins intensivement asilaires ». Communiqué (ci-dessous). De son côté, la Fédération française des soins psychiatriques intensifs (2FSPI) est au travail et annonce une charte de fonctionnement « en cours de validation ».
Ce communiqué intervient à l'issue d'une journée organisée par la Fédération française des soins psychiatriques intensifs (2FSPI). Pour ses membres, les Usip sont « le chaînon manquant d'une psychiatrie déboussolée » . Selon l'association, une charte de fonctionnement de ces unités est en cours de validation.
Représentants des usagers patients et professionnels de la psychiatrie, nous nous retrouvons pleinement dans les questionnements et les réserves majeures très justement formulés et argumentés avec précision par le Secrétaire général du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL), André Ferragne, à propos de dispositifs autoproclamés « de soins intensifs » (USIP) lors d’une journée qui s’est tenue à Lyon le 4 avril (1) dernier. Nous lui apportons d’autant plus notre plein soutien que nous avions collectivement déjà exprimé dans un communiqué du 15 juillet 2022 (2) les mêmes très vives inquiétudes quant à la qualité des soins et au respect des libertés individuelles dans ces structures.
Soulignons à nouveau avec force que ces structures se sont mises en place sans aucun cadre légal et, bien plus grave encore, sans aucune évaluation et validation nationales indépendantes quant à la pertinence de leurs objectifs et de leurs modalités de fonctionnement.
A l’évidence, les tentatives « d’autovalidation à posteriori » de ces dispositifs par un entre soi se sont poursuivies à Lyon, tentatives qui manifestement n’ont pas supporté la moindre critique comme l’illustrent les réactions outragées à l’intervention du contrôle général des lieux de privation de liberté : circulez, il n’y a rien à voir !
C’est pourquoi nous avions demandé dans notre communiqué la mise en place rapide d’une mission indépendante associant notamment les représentants des patients et des familles ainsi qu’un moratoire sur tout nouveau projet d’USIP.
A ce sujet, qui peut raisonnablement comprendre que c’est à un établissement vendéen signalé à plusieurs reprises pour de très graves dysfonctionnements par le CGLPL, établissement en pleine crise de recrutement et où se multiplient les démissions de médecins, que seront confiés, loin de leurs proches, les patients souffrant des troubles les plus graves pour toute la région des Pays de la Loire après l’ouverture prévue de l’USIP régionale à La-Roche-sur-Yon (Nantes , Angers, Le Mans, Saint Nazaire, Cholet, Saumur, etc ..) Comment ne pas y reconnaitre le retour asilaire des maisons de force et du grand enfermement qui reléguaient “le fou qui dérange » loin des grandes villes !
Rappelons que c’est suite à la ratification du protocole facultatif se rapportant à la convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains et dégradants, adopté par l’Assemblée Générale des Nations Unies, le 18 décembre 2002, que le législateur français a institué par la loi du 30 octobre 2007, un Contrôleur général des lieux de privation de liberté et lui a conféré le statut d’autorité administrative indépendante dont la mission et de veiller à
ce que les personnes privées de liberté soient traitées avec humanité et dans le respect de la dignité inhérente à la personne humaine.
Notre communiqué était resté sans réponse, sans même un accusé de réception.
Espérons que les pouvoirs publics entendent la voix du CGLPL et ouvrent enfin les yeux sur ce véritable scandale d’Etat qui concerne et concernera inévitablement dans notre dispositif sanitaire les plus fragiles d’entre nous. Il en est grand temps !
Claude Finkelstein, Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en PSYchiatrie
Yvan Halimi, Ex-Président du Comité de suivi Psychiatrie et Santé Mentale de la Haute Autorité de Santé et ex-Président du Comité National de Pilotage de la Psychiatrie
Gladys Mondière, Présidente de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie
Christian Müller, Ex-Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
Sylvie Peron, Ex-Présidente de la Commission Médicale d’Etablissement du Centre Hospitalier Laborit – Poitiers
Annick Perrin-Niquet, Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)
Christophe Schmitt, Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Établissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
Jean-Louis Senon, Co-Président de la sous-commission nationale de psychiatrie légale
Noël Vanderstock, Directeur d’hôpital, Personnalité qualifiée de la Commission Nationale de Psychiatrie
1/Article de presse APM News en date du 5 avril 2024 « Les droits des patients en USIP au cœur d’un débat houleux entre le CGLPL et des psychiatres »
2/Communiqué de presse du 15 juillet 2022 « Les USIP : les symptômes de la dérive d’une psychiatrie sans boussole ».
Illustration : Alain Signori