La Société française de santé publique publie un dossier relatif à l’engagement des patients partenaires dans la formation des étudiants en médecine, dossier qui fait suite au récent rapport de la direction générale de l’offre de soins (DGOS) et de la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP) qui propose 23 recommandations afin de faciliter le déploiement de la participation des patients dans la formation initiale des médecins. A cette occasion, la SFSP interpelle Emmanuel Allory, directeur du Département du Partenariat Patient dans l’Enseignement et la Recherche (DPPER) à la Faculté de médecine de Rennes.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Emmanuel Allory, je suis maitre de conférences des universités en médecine générale et directeur du Département du Partenariat Patient dans l’Enseignement et la Recherche (DPPER) à la Faculté de médecine de Rennes. Ce récent département a été créé en juillet 2023, après validation par le conseil d’administration de la faculté de médecine. Ses missions sont de former et accompagner les enseignants universitaires, les patients partenaires et les étudiants à la mise en œuvre du partenariat patient dans l’enseignement et la recherche. Il comprend 4 pôles : un comité de pilotage, une cellule d’accompagnement au développement du partenariat, une cellule d’échanges de pratiques et une cellule de recherche. Un coordinateur pédagogique à mi-temps est en cours de recrutement pour animer ce département. Je travaille également en tant que médecin généraliste à raison de deux jours et demi par semaine dans une maison de santé pluriprofessionnelle universitaire en quartier prioritaire des politiques de la ville à Villejean (Rennes). Au cours de mon activité d’enseignant-chercheur, j’ai particulièrement été amené à travailler sur la question de la place des patients partenaires dans l’enseignement, mais également à me questionner sur la place des patients partenaires au sein des soins primaires : quelle est la place des patients au sein des Maisons de Santé Pluriprofessionnelles (MSP) ?, existe-t-il un intérêt à l’existence d’un comité d’usager ?, comment prendre en compte les attentes et besoins des patients dans les projets de santé des équipes de soins primaires ?

« La démarche d’engagement des patients dans la formation initiale des médecins interroge plus globalement la démarche d’engagement des patients dans le système de santé et donc la démocratie en santé. » Emmanuel Allory
Pouvez-vous nous rappeler brièvement le contexte actuel dans lequel agissent les patients intégrés au cursus de formation initiale des médecins ?
L’engagement des patients partenaires dans la formation des étudiants en médecine est récent. Plusieurs actions à différents niveaux de notre société viennent soutenir cet engagement. Tout d’abord sur le plan politique, le plan Ma santé 2022, publié en 2018, pose le souhait d’associer pleinement le patient à la formation des professionnels de santé. Sur un plan stratégique, en 2020, la Haute Autorité de Santé recommande l’engagement des usagers à tous les niveaux du système de santé dont les cursus de formation initiale et continue des professionnels de santé. Dans cette même période, on répertorie plusieurs travaux scientifiques issus de différents équipes françaises et internationales (notamment nord-américaines et anglo-saxonnes), qui démontrent les apports pédagogiques de la participation des patients dans les enseignements auprès des étudiants en santé. Et enfin, en novembre 2023, un rapport du Ministère de la santé et de la prévention, en collaboration avec le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche établit 23 recommandations pour la participation des patients à la formation des médecins. L’ensemble de ces éléments sont des incitations à sensibiliser et encourager les enseignants-chercheurs impliqués dans la formation des étudiants à mobiliser les patients partenaires. Nous sommes au début de cette transformation des organisations de formation. La formation des médecins est ainsi un terrain d’exploration, avant d’envisager une potentielle extension à l’ensemble des formations en santé.
Selon vous, quels freins au développement du partenariat patient faut-il travailler prioritairement ?
Avec d’autres collègues enseignants-chercheurs, nous avions pu travailler en amont du développement du DPPER à cette question des freins parmi la communauté enseignante-chercheuse. Nous avions valorisé les résultats notamment par l’écriture d’un article publié dans Santé publique. Lorsque l’on a interrogé les enseignants-chercheurs, la communauté était globalement favorable à l’arrivée des patients dans la formation en médecine. Les freins relevés étaient de plusieurs ordres :
- intellectuel avec la méconnaissance du partenariat patient pour plus de la moitié des répondants
- organisationnel avec la nécessité d’un accompagnement méthodique dans la mise en œuvre de cette innovation pédagogique, notamment pour optimiser leur temps
- Juridique avec une absence de cadre législatif et administratif permettant de sécuriser la place des patients partenaires dans leurs interventions d’enseignement.
Pour accompagner l’intégration des patients en tant que co-enseignants, il est nécessaire de mettre en place une stratégie d’accompagnement des enseignants et de travailler sur ce changement de paradigme. Pour cela, il faut agir à trois niveaux :
- Le soi, c’est-à-dire les enseignants-chercheurs, en travaillant autour des valeurs de coopération et d’échange avec les patients
- La situation de changement, en facilitant la pratique du partenariat, par une feuille de route réaliste des institutions, des temps dédiés à cette mise en œuvre, des moyens de coordination
- Le soutien aux acteurs, en créant des réseaux de soutien et de formation à destination des enseignants-chercheurs, en mettant à disposition les ressources pédagogiques adaptées, en facilitant l’échange de pratique.
Lire la suite de l’interview sur le site de la Société française de santé publique.
A lire pour aller plus loin
• Rapport « Participation des patients à la formation initiale des médecins », ministère de la santé et de la prévention, janvier 2024.
• Vers une participation effective des patients en formation initiale des médecins, Santé mentale 24 janvier 2024.