Selon le dernier Baromètre de Santé publique France, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide en France a fortement augmenté depuis la covid-19, en particulier chez les plus jeunes. En 2021, 4,2 % des adultes (18-85 ans) déclaraient avoir pensé à se suicider au cours des douze derniers mois.
La France présente, au sein des pays européens, un des taux de suicide les plus élevés. Comme à l’étranger, la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 a eu un impact important sur la santé mentale de la population. L’objectif de ce travail est de présenter les résultats concernant la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide en France en 2021, d’identifier les populations les plus concernées et d’observer les évolutions survenues depuis les années 2000.
Matériel et méthode
En 2021, le Baromètre de Santé publique France a interrogé un échantillon aléatoire de 24 514 personnes âgées de 18 à 85 ans résidant en France métropolitaine et 6 519 résidant dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) par collecte assistée par téléphone et informatique (Cati). Les variables d’intérêt de notre étude sont les pensées suicidaires et les tentatives de suicide au cours des 12 derniers mois, ainsi que les tentatives de suicide au cours de la vie. Les évolutions des prévalences ont été établies sur les18-75 ans grâce aux baromètres santé 2000, 2005, 2010, 2014, 2017, 2020 et 2021 dont la méthodologie était comparable.

Résultats
En 2021, 4,2% des 18-85 ans déclaraient avoir pensé à se suicider au cours des 12 derniers mois. Au total, 6,8% déclaraient une tentative de suicide au cours de leur vie et 0,5% au cours de l’année écoulée. Parmi les 18-75 ans, la prévalence des pensées suicidaires et des tentatives de suicide déclarées dans l’année était en légère baisse depuis 2014, tandis que celle des tentatives de suicide au cours de la vie s’était stabilisée aux alentours de 7%. Le résultat principal est une augmentation importante des pensées suicidaires et des tentatives de suicide au cours de la vie chez les 18-24 ans, observée depuis une dizaine d’année.
– 64% des personnes ayant déclaré des pensées suicidaires dans l’année avaient déclaré en avoir parlé à quelqu’un (55% pour les hommes vs 71% pour les femmes), avec un pourcentage plus élevé chez les 35-44 ans (74% par rapport à la moyenne observée dans les autres tranches d’âge) et moins élevé chez les 75-85 ans (49%). Dans la majorité des cas, il s’agissait d’un professionnel de santé (69%) ou d’un membre de sa famille (52%). Viennent ensuite un ami (45%), puis dans une proportion nettement moindre un collègue (9%).
– Indépendamment de l’âge, du niveau de diplôme, de la situation matrimoniale, financière et professionnelle, les femmes étaient significativement plus à risque d’avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois que les hommes. Après ajustement, le fait de vivre seul (ménage d’une seule personne) était fortement associé, chez les hommes (2,5) comme chez les femmes (3,1), au risque de pensées suicidaires dans l’année si l’on se réfère au fait de vivre en couple avec enfant(s). C’était également le cas des personnes au chômage (2,1 pour les hommes et 1,7 pour les femmes), ainsi que de celles appartenant à la catégorie « inactivité professionnelle » (1,5 pour les hommes et 1,9 pour les femmes), par rapport aux actifs occupés.
– En terme d’intentions, parmi les personnes ayant tenté de se suicider, 32% ont déclaré qu’elles étaient décidées à mourir mais ont survécu par chance et 15% qu’elles souhaitaient vraiment mourir mais savaient que le moyen utilisé n’était pas le plus efficace. Ainsi, un peu plus de la moitié (53%) des tentatives de suicide ont donc été désignées comme étant un appel à l’aide.

– Plus de la moitié des individus déclarant avoir fait une tentative de suicide (58%) ont affirmé s’être rendus à l’hôpital. Parmi ces derniers, 89% ont été hospitalisés au moins une nuit et 57% ont déclaré avoir bénéficié d’un suivi après leur sortie de l’hôpital.La majorité d’entre eux l’ont été par un psychiatre (70%), puis par un psychologue (41%), un médecin traitant (32%) et enfin par un infirmier (14%).
Détérioration de la santé mentale des jeunes
Cette étude confirme la détérioration de la santé mentale des jeunes adultes observée par ailleurs à partir des données de passage aux urgences et d’hospitalisation.
Les pensées suicidaires ont ainsi été multipliées par plus de deux depuis 2014 chez les 18-24 ans (passant de 3,3% à 7,2% en 2021), les tentatives de suicide déclarées au cours de la vie ont augmenté de 50% par rapport à 2017 (passant de 6,1% à 9,2% en 2021) et celles déclarées au cours des 12 derniers mois, de plus de 60% (passant de 0,7% en 2017 à 1,1% en 2021).
En parallèle de la mise en œuvre de la stratégie nationale de prévention du suicide et du renforcement des dispositifs de prise en charge, une meilleure compréhension des mécanismes qui affectent la santé mentale des plus jeunes depuis la pandémie de Covid-19 s’avère nécessaire en vue de renforcer les politiques de prévention.
• Prévalence des pensées suicidaires et tentatives de suicide chez les 18-85 ans en France : résultats du Baromètre santé 2021. Christophe Léon (Santé publique France, Saint-Maurice) et coll., BEH, n°3, février 2024 Santé publique France, (PDF).