Le mal-être d’Hugo…

N° 284 - Janvier 2024
FacebookXBlueskyLinkedInEmail

À 25 ans, Hugo présente de nombreux symptômes dépressifs. Le premier rendez-vous d’accueil infirmier permet d’explorer différentes dimensions de son parcours avant de l’orienter.

La démarche hésitante, Hugo, 25 ans, pénètre dans le bureau infirmier pour un premier rendez-vous. Il ne sait plus depuis quand ça ne va pas bien, il est si fatigué et triste en permanence. « Peut-être que ça a commencé à cause de mon travail, vous savez, ce grand musée parisien qui va fermer pour travaux en 2025. Personne ne sait si on va nous reprendre à la réouverture en 2030. Alors oui, ça stresse, on dort mal, on y pense un peu, on se réveille même parfois la nuit pour pleurer. Depuis quelques mois peut-être. Et puis on prend un petit verre pour oublier et arrêter de ressasser, parfois deux, parfois même une bouteille de vin avec les amis ». Avec ce « on » pour parler de lui, Hugo semble vouloir se raccrocher à une norme, et masquer son anxiété.

« L’ANGOISSE MONTE »
Malgré son air soigné, le jeune homme dégage une forte odeur de tabac. Il fume des cigarettes et « quelques joints le soir », mais il a remarqué que ça le rendait « parano » : « Parfois, j’ai l’impression qu’on me suit dans la rue, le soir », son coeur alors bat la chamade. D’ailleurs, Hugo a aussi du mal à respirer dans le métro qui l’emmène à son travail. « Au bout de quelques stations, l’angoisse monte, je ferme les yeux, tente de respirer calmement et de faire abstraction en pensant à quelque chose d’agréable mais souvent rien ne me vient. »
Durant le confinement, Hugo a vu une psychologue, qui l’avait beaucoup aidé. Il se sentait très seul, anxieux, et cet accompagnement lui a beaucoup appris sur lui-même. Il aimerait bien reprendre un suivi de ce type.
Quand je lui demande de monter sur la balance, il me dit qu’il a certainement beaucoup maigri car il n’a plus du tout d’appétit depuis plusieurs mois et se force à manger. « Il n’y a plus grand-chose qui me donne du plaisir d’ailleurs, sauf peut-être faire un foot avec mes potes… Et encore… »
Hugo n’a pas d’idées noires mais évoque des cauchemars avec des scènes de guerre où il se fait systématiquement tuer.
Je lui explique qu’il présente beaucoup de symptômes dépressifs et qu’un rendez-vous avec un psychiatre serait important pour évaluer plus finement son mal-être. Un traitement médicamenteux pourrait être nécessaire, la psychothérapie risquant de ne pas suffire. Je souligne les effets dépressogènes de l’alcool et du cannabis en usage régulier. Hugo acquiesce, il essaye déjà, « à cause de la parano », je le félicite et l’invite à continuer ses efforts.

« JE ME SENS COUPABLE »
Je lui demande ensuite s’il y a autre chose d’important que nous n’avons pas abordé. Gêné, il finit par me raconter l’objet de ses ruminations anxieuses. Sa mère s’est remariée quelques années plus tôt et il a une demi-soeur de 4 ans. Il adore cette petite fille, qu’il emmène au parc, jouer au ballon… Il y a un an, sa mère et son beau-père ont demandé à lui parler : l’enfant racontait avoir vu à plusieurs reprises Hugo nu dans la salle de bains. Choqué, le jeune homme a essayé de se souvenir s’il n’avait pas par mégarde laissé la porte de la salle de bains ouverte. Depuis, les échanges avec sa mère et son beau-père ont permis de clarifier les choses (en particulier d’aborder le « soupçon » d’exhibitionnisme ou de relations inadaptées entre les frère et soeur) et les relations se sont normalisées, mais Hugo se sent coupable, sans savoir vraiment de quoi, et se demande sans cesse s’il n’a pas fait quelque chose de mal.
Je lui dis que la psychothérapie va certainement l’aider à comprendre cette histoire et à l’apaiser, et je lui donne des adresses d’associations qui proposent des prises en charge gratuites.

LE TEMPS DE L’ÉCOUTE
Ce rendez-vous infirmier d’accueil sert à faire le point sur les difficultés actuelles rencontrées par le jeune. Dans le cas de Hugo, comme les signes de dépression et d’anxiété sont au premier plan, un traitement antidépresseur semble indispensable et avec son accord, je lui fixe un rendez-vous médical. Mon rôle est également de proposer quelques orientations dans la prise en charge, par exemple un suivi infirmier, un rendez-vous avec un psychologue ou un addictologue… Il faut surtout prendre le temps d’écouter, de laisser se dérouler le récit du patient. Ici, il me paraît indispensable que Hugo puisse explorer son sentiment de culpabilité et son histoire familiale, pour y trouver sa propre place…