Syndrome post-Covid : une prise en charge « insatisfaisante »

FacebookXBlueskyLinkedInEmail

Un avis du Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) relatif au syndrome post-Covid met en lumière un manque de lisibilité de l’offre de soins, une grande hétérogénéité géographique, un niveau de connaissances des professionnels de santé souvent insuffisant, et une tendance à la psychiatrisation des symptômes, dans un contexte général de pénurie médicale. Résumé.

Au terme d’auditions organisées avec des professionnels de santé, des associations de patients, des agences de santé publique et de recherche, et des autorités sanitaires, le Comité de Veille et d’Anticipation des Risques Sanitaires (COVARS) rend cet avis avec la conviction que la question du syndrome post-Covid (SPC) doit être abordée sous l’angle plus général des syndromes post-infectieux (SPI), qui peuvent subvenir à la suite d’une infection par divers micro-organismes, et sont plus fréquemment liés à des pathogènes spécifiques. Ce parallèle entre SPC et SPI a conduit le COVARS à émettre une série de recommandations, à l’attention des décideurs, des administrations centrales et de l’Assurance Maladie et à l’attention des chercheurs (Partie 1).


Bientôt quatre ans après le début de la pandémie et l’apparition des premiers cas de SPC, les connaissances scientifiques ont beaucoup progressé sur cette affection malgré des questions persistantes concernant la définition du SPC pour les experts internationaux, ses mécanismes, son diagnostic et son traitement (Partie II.A.). La littérature est à lire avec précaution: il existe une hétérogénéité dans l’estimation de la prévalence, en plus des biais de sélection et de la subjectivité du diagnostic auxquels les études épidémiologiques se heurtent (Partie II.B.1). En France, sur la base des données de SPF corroborée par l’estimation de la HAS, la perception des médecins généralistes, et des médecins du travail, le COVARS estime que le nombre des patients encore aujourd’hui invalidés dans leur quotidien par un SPC se situerait autour de plusieurs centaines de milliers de personnes (Partie II.B.2), en prenant en compte la diminution du risque de SPC et de l’incidence du SPC avec les variants les plus récents et la progression de l’immunité populationnelle acquise après infections et vaccination (Partie II.B.3). Toutefois, au-delà des estimations globales, il convient d’être particulièrement attentif aux populations à risque de SPC ainsi qu’aux populations chez lesquelles cette affection est sous-détectée, à savoir les enfants et adolescents, les personnes âgées et les personnes atteintes de comorbidités (Partie II.B.4).


La littérature portant sur la présentation clinique du SPC fait état de plus de 200 symptômes généralement multi-systémiques, fluctuants au cours du temps et de sévérité variable, le caractère fluctuant au cours du temps étant assez caractéristique des SPI (Partie II.C.1). Ces symptômes ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien, et si la majorité des patients (91%) voient leur état de santé s’améliorer très lentement au fil des mois et années, ils ont toutefois des rechutes hebdomadaires fréquentes et invalidantes, même 18 mois après l’infection (Partie II.C.2). Il est apparu au COVARS qu’il existait un amalgame fréquent entre le SPC et les troubles somatoformes alors que les définitions et les présentations cliniques diffèrent sensiblement (Partie II.C.3). Cet amalgame conduit en pratique à une incompréhension de la part des patients et exacerbe souvent le retentissement psychologique lié à la difficulté de vivre avec une maladie persistante, fluctuante et peu reconnue (Partie II.D). Aujourd’hui encore, l’imputabilité des symptômes au SPC peut être rendue difficile par l’absence de critères établis (Partie II.E), ce qui, en retour, rend difficile la mise en place d’une alliance thérapeutique efficace (Partie II.F).

Dans une troisième partie, cet avis dresse un état des lieux de l’offre de soins, plus de 3 ans après l’apparition des premiers cas de SPC, en confrontant la réponse institutionnelle de la France, structurée en trois niveaux (Partie III.A) avec la réalité du terrain, qui se caractérise par un manque de lisibilité de l’offre, une grande hétérogénéité géographique, un niveau de connaissances des professionnels de santé souvent insuffisant, et une tendance à la psychiatrisation des symptômes, dans un contexte général de pénurie médicale (Partie III.B). Ces difficultés de prise en charge doivent amener l’Etat français à entamer une réflexion sur l’offre de soins optimale qu’il conviendrait d’implémenter : une prise en charge holistique mettant le médecin généraliste au centre du dispositif et intégrant les structurations existantes qui apportent les compétences de cliniciens, d’explorateurs et rééducateurs fonctionnels ou kinésithérapeutes et de psychologues ou psychiatres (Partie III.C). Après une analyse des prises en charge du SPC plus satisfaisantes développées dans les pays voisins et anglo-saxons, un renforcement et une restructuration de l’offre de
soin est, pour le COVARS, d’autant plus essentielle que l’analyse de l’impact du SPC sur la vie des patients montre clairement ses retentissements multiformes sur la vie quotidienne : difficultés financières, familiales, professionnelles, et difficultés d’accès à une protection sociale efficace (Partie IV.A). Au-delà de ces impacts d’ordre individuel, c’est toute la société qui doit supporter le fardeau du SPC à travers son impact notable – bien que malheureusement peu documenté en France – sur l’économie (Partie IV.B).

Le ministère de la Santé et de la Prévention est mobilisé depuis le début de l’épidémie pour apporter une réponse adaptée aux besoins des personnes concernées, réduire l’errance médicale, faciliter et harmoniser l’organisation de la prise en charge sur l’ensemble du territoire. A ce titre :
- Une plateforme d’information aux patients et d’orientation pour la prise en charge sera mise en place sur le site Santé.fr.
- Chaque agence régionale de santé a mobilisé sur son territoire un dispositif coordonné de soins, permettant de guider les patients.
- Le ministre a saisi la Haute Autorité de santé (HAS), en août 2023, pour disposer de ses recommandations autour de la mise en place de parcours organisés et coordonnés de soins pour le syndrome post-Covid. L’objectif est de préciser le rôle de chaque professionnel, l’articulation entre les différents acteurs et niveaux de prise en charge des patients, selon la nature de leurs troubles et la complexité de leur situation.
À l’occasion de son entretien avec la présidente du COVARS, le ministre de la Santé et de la Prévention a annoncé qu’il réunirait un nouveau comité de pilotage de suivi de ces actions au début de l’année 2024, une fois l’avis de la HAS rendu.

Avis du COVARS du 7 novembre 2023 – Syndrome post-Covid – PDF | 1.67 Mo