Certificats médicaux, attestations : prudence et rigueur sont la règle

N° 282 - Novembre 2023
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Si médecins et infirmières sont régulièrement sollicités pour produire des certificats médicaux ou des attestations, ils doivent le faire dans le respect des règles déontologiques.

Les professionnels de santé sont régulièrement sollicités par des patients ou des tiers (tuteurs, avocats…) pour la délivrance de certificats ou d’attestations, dont ils peuvent en effet avoir besoin pour faire valoir des droits en lien. Cependant, la rédaction de certificats engage la responsabilité du professionnel. Quelle conduite tenir ?

Règles pour les médecins
Le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) rappelle que « l’établissement des certificats médicaux est une des fonctions du médecin » (1). Plus largement, selon le Code de la santé publique (CSP), « l’exercice de la médecine comporte normalement l’établissement par le médecin, conformément aux constatations médicales qu’il est en mesure de faire, des certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Tout certificat, ordonnance, attestation ou document délivré par un médecin doit être rédigé lisiblement en langue française et daté, permettre l’identification du praticien dont il émane et être signé par lui. » (2) .
Notons que le Code de déontologie médicale précise que le médecin n’est pas tenu de satisfaire « aux demandes indues ou abusives (3) » (voir infra). Par ailleurs, il doit veiller à ne pas s’immiscer « dans les affaires de famille » (4) et « ne doit pas rédiger un document de complaisance (5) ».
La demande émane parfois du tuteur du patient. Dans ce cas, si le médecin répond favorablement à la sollicitation, il doit en informer l’usager et lui remettre le certificat médical en main propre. Soulignons que les sollicitations des tiers (avocats, conjoint, enfant…) dans la délivrance de certificats médicaux, de manière directe (téléphone, courrier) ou indirecte (par l’intermédiaire du patient), ne reposent sur aucune assise juridique, sauf s’ils sont dûment mandatés. En effet, selon le Code de la santé publique, les tiers ne sont pas habilités à accéder aux informations médicales détenues par les établissements de santé (6) .
En dehors des certificats légaux et réglementaires (7) (accident du travail, application des lois sociales…), il appartient au médecin, et à lui seul, de décider de la délivrance d’un document sollicité par un patient, selon l’objet.
Ainsi, à titre d’exemple, un psychiatre sollicité par un patient pour les besoins de sa défense dans le cadre d’une procédure judiciaire n’est nullement tenu de délivrer un certificat médical. Par ailleurs, si le médecin répond favorablement à la sollicitation, le contenu du certificat n’a pas à lui être « dicté ». Il en va de sa responsabilité, notamment sur un plan déontologique.

Règles pour les infirmières
L’infirmière peut aussi être amenée à rédiger des attestations dans le cadre de son exercice professionnel. Comme pour les médecins, le CSP précise en effet : « L’exercice de la profession d’infirmier comporte l’établissement par le professionnel, conformément aux constatations qu’il est en mesure d’effectuer, de certificats, attestations et documents dont la production est prescrite par les textes législatifs et réglementaires. Ces documents doivent être rédigés lisiblement en langue française et datés, permettre l’identification du professionnel dont ils émanent et être signés par lui. (…) Il est interdit à l’infirmier d’en faire ou d’en favoriser une utilisation frauduleuse, ainsi que d’établir des documents de complaisance. » (8) Plusieurs règles déontologiques sont soulignées dans le CSP :
« L’infirmier respecte en toutes circonstances les principes de moralité, de probité, de loyauté et d’humanité indispensables à l’exercice de la profession. » (9)
«Sont interdits tout acte de nature à procurer à un patient un avantage matériel injustifié ou illicite, ainsi que toute ristourne en argent ou en nature. » (10).

Responsabilité et sanction
Fréquemment, les patients demandent une attestation qui mentionne un suivi initié à la suite d’une procédure de divorce ou d’un problème professionnel. Le professionnel de santé, doit s’en tenir à ce qu’il a personnellement constaté. Ainsi, s’il peut attester d’un suivi, de son antériorité en déclinant les dates des rendez-vous, il ne peut émettre aucun lien de causalité entre le suivi et un élément factuel de nature privée.
Il est conseillé d’indiquer au sein du document l’objet de la demande du patient : « Attestation établie à la demande de Monsieur… destinée à être produite en justice dans le cadre d’un litige opposant Monsieur à… », avec les mentions classiques suivantes : « Document remis en main propre à l’intéressé. Pour faire valoir ce que de droit. »
Dans ces situations, le professionnel engage sa responsabilité professionnelle. « Nul n’est responsable pénalement que de son propre fait », précise le Code pénal (11). Ce qui signifie que si, de manière intentionnelle, le professionnel viole les règles réglementaires et déontologiques, il encourt une mise en jeu de sa responsabilité déontologique, disciplinaire et pénale (12). Des sanctions peuvent être ordinales – pour les professions régies par un ordre –, mais également disciplinaires, ou pénales si une infraction prévue par le Code pénal (comme le faux en écriture) est relevée.

Une infirmière sanctionnée
La chambre disciplinaire de première instance du Conseil régional de l’Ordre des infirmiers du Centre-Val-de-Loire (13) a eu l’occasion de rappeler les principes régissant la délivrance d’attestations à la demande des patients.
Dans cette affaire, Mme L., infirmière libérale exerçant comme remplaçante, a effectué des soins à Mme B., résidente en foyer pour femmes séparées de leur conjoint. à cette occasion, la patiente, lui a présenté son fils âgé de 2 ans, qui présentait des lésions aux mains. Quatre mois plus tard, recroisant cette infirmière, Mme B. lui a demandé une « attestation de témoin », afin que soient retranscrits les propos tenus par son petit garçon. L’infirmière a accédé à cette demande et a été poursuivie suite à une plainte de l’ex-conjoint de Mme B., père de l’enfant.
Dans son document, la soignante indiquait que «  (…) l’enfant m’a répondu que son papa lui avait fait bobo [aux mains] avec un “couteau” ou “marteau” jouet qu’il a pris pour me montrer. C’est pour cette raison que j’ai réalisé des photos et enregistrements. La présente est établie en vue de sa production en justice et je sais qu’une fausse attestation de ma part m’expose à des sanctions ». De fait, la soignante avait en effet pris des photographies des marques visibles sur les mains de petit garçon, « recevant ainsi, comme le soulignent les juges, la thèse de la mère » attribuant ces lésions au père. Ils ont relevé que, dans cette posture, l’infirmière pouvait apparaître « comme prenant parti dans un conflit de séparation, assorti ou non de maltraitance, vraie ou feinte, dont elle n’est pas en mesure d’apprécier la véracité des thèses de chaque protagoniste en vif conflit. »
Les juges ont ainsi rappelé la prudence qui s’impose au professionnel et pointé un fait non-conforme au Guide des bonnes pratiques de recueil de la parole de l’enfant (14). Ce manquement à la déontologie les a conduits à infliger une sanction disciplinaire, sous la modalité de l’obligation de suivre une formation, les faits ayant révélé « une insuffisance de compétence professionnelle ».
De son côté, l’infirmière a reconnu qu’elle avait pu « être instrumentalisée dans le cadre d’une séparation » mais contestait vivement avoir eu conscience de commettre un manquement au code de déontologie.

Points clés
À la lumière des conseils prodigués par le Cnom (15) , dégageons quelques points clés :
– s’informer de l’usage du certificat demandé ;
– ne pas se prononcer sur les dires du patient ou la responsabilité d’un tiers ;
– ne pas s’immiscer dans les affaires de familles ;
– ne pas établir, sur les seuls dires du patient, de lien de causalité entre l’état de santé et un élément extérieur ;
– dater le certificat du jour de sa rédaction, même si les faits sont antérieurs ;
– remettre le certificat exclusivement au patient lui-même, en main propre, jamais à un tiers ; mentionner cette modalité de remise et la finalité « pour faire valoir ce que de droit » ;
– garder un double ;
– apprendre à dire non aux demandes abusives ou illicites…

Valériane Dujardin-Lascaux
Juriste, EPSM des Flandres.

1– Commentaire de l’article R.4127-76 du Code de la santé publique, Site du Conseil national de l’ordre des médecins.
2– Article R. 4127-76 du CSP.
3– Article R.4127-50 du CSP.
4– Article R.4127-51 du CSP.
5– Article R.4127-28 du CSP.
6– Article R.1111-1 du CSP.
7– Les certificats obligatoires se déclinent comme suit : certificats de santé de l’enfant ; de vaccinations obligatoires ; accident du travail et maladie professionnelle ; demande à la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) ; soins psychiatriques sans consentement ; constatation de violences ; certificat de décès.
8– Article R4312-23 du CSP.
9– Article R4312-4 du CSP.
10– Article R4312-24 du CSP.
11– Article 121-1 du Code pénal.
12– Article 441-7 du Code pénal : « (…) est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende le fait : 1° D’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ; 2° De falsifier une attestation ou un certificat originairement sincère ; 3° De faire usage d’une attestation ou d’un certificat inexact ou falsifié. »
13– Décision N° 28-2021-00369 du 10 mai 2023 – Affaire M. A c/Mme L. Voir https://www.ordre-infirmiers.fr/assets/files/000/D%C3%A9cisions%202023/D%C3%A9cision%20aff%20369.pdf
14– Guide publié en février 2023, après les faits, mais visé dans la décision du 10 mai 2023.
15– CNOM – Rédiger un certificat médical – https://www.conseil-national.medecin.fr/medecin/exercice/rediger-certificat-medical