Marion Bohec, infirmière en psychiatrie, a accompagné Marc sur les chemins du rétablissement. A l’automne dernier, c’est ensemble qu’ils ont sauté en parachute, concrétisation d’un projet mené de concert. Le courage et la détermination de Marc ont signé sa capacité à prendre de la hauteur pour vivre la liberté de la chute libre !
C’est en 2009 que j’ai rencontré Marc pour la première fois. Il souffrait d’hallucinations auditives de persécution et était hospitalisé en service de réhabilitation à l’EPSM Charcot (Sud Bretagne). J’y travaillais depuis un an. Lorsque les symptômes ont régressé, je lui ai proposé des séances d’éducation thérapeutique (ETP) sur la schizophrénie, d’abord en individuel, puis accompagné de sa mère. A cette époque, on ne parlait pas beaucoup d’ETP, on faisait, ponctuellement, de la simple « éducation à la maladie ». La mère de Marc était satisfaite car c’était la première fois qu’on lui expliquait la pathologie de son fils. Au fil des séances d’ETP, un lien de confiance s’est créé entre Marc et moi. Sorti de l’EPSM en 2010, il n’a plus jamais été réhospitalisé. Fin 2011, je postule sur la création de poste d’infirmière de Réhabilitation Psycho-sociale. Je partage mon temps entre l’Association Socio-Thérapeutique de Réhabilitation et d’Entraide (ASTRE) pour le suivi à domicile d’usagers en appartement associatif, et un centre social : l’Espace Bonnafé. En 2013, par suite d’une convention avec le GEM (Groupe d’Entraide Mutuelle) local, une fois par mois, j’anime des ateliers d’éducation à la santé sur des thèmes choisis par les les « gemmeurs ». Je recroise Marc. Fidèle adhérent, il vient au GEM quasiment tous les jours. Il vit maintenant seul en appartement dans la commune d’Hennebont. Marc est une personne agréable mais plutôt passive, un brin nonchalante.
« On a traversé les nuages » !
Un jour de 2017, de façon informelle, je lui parle de ma passion pour le parachutisme depuis mes 15 ans. Je vois alors ses yeux s’illuminer. « Je rêve depuis longtemps de faire un saut moi aussi ! ». Dès lors, à chaque fois qu’il me verra, il me dira « tu pourrais m’aider dans ce projet ? » Jusqu’en 2023, nous avons donc fait murir et préparé ce Projet Personnalisé de Réhabilitation Atypique (PPRA) ! Après maintes explications, visualisation, avis de son psychiatre, certificat médical d’aptitude, je réserve « un saut » au centre de parachutisme de Vannes – Meucon. Marc et moi nous nous y retrouvons le 28 septembre dernier à 13h30. Je suis, ce jour-là, en repos. Marc est venu accompagné de la coordinatrice du GEM, Peggy Savoye, qui l’a également soutenu dans son projet et Christian, un de ses ami, également adhérent du GEM. Après un briefing avec le moniteur sur le matériel, les consignes de sécurité, le déroulement du saut… nous voici maintenant dans le même avion ! A 4000 mètres, la porte s’ouvre. Marc est accroché au moniteur, les pieds dans le vide. Je saute en même temps qu’eux. Je les rejoints en faisant un piqué pour voler en face de Marc, à 50 cm de lui ! S’en suivent 44 secondes de chute libre, de 4000 à 1500 mètres d’altitude, à une vitesse de 220 km/h. A 1500 m, le moniteur ouvre le parachute. Je les regarde s’éloigner, ouvrant le mien quelques secondes après. 653ème sauts en parachute pour moi, premier pour Marc qui avait réussi à économiser 260 euros pour son saut en tandem. Arrivé au sol, Marc était souriant. En me regardant plier mon parachute, il me fait part de ses émotions : « j’ai un peu mal aux oreilles, c’est normal ? Je t’ai vu accrocher les mains du moniteur pour me faire tourner, c’était incroyable ! J’ai bien aimé la montée en avion mais la chute libre, c’est quand même violent, on a traversé des nuages ! » J’étais ravie d’avoir pu accompagner Marc, d’avoir fait avec lui ce grand saut qu’il souhaitait tant !

« La coordinatrice du GEM a été étonnée de voir à quel point ce projet mobilisait Marc, elle ne l’avait jamais vu « aussi motivé pour quelque chose ».
Le chemin parcouru
Les projets des personnes que l’on accompagne sont variés et il faut y croire autant qu’elles pour avoir une chance de les voir aboutir. Mon seul regret est de ne pas avoir eu de caméra sur mon casque pour filmer le saut de Marc. Il en gardera néanmoins le souvenir dans sa mémoire « à vie ». Quatre jours après le saut, j’ai revu Marc à la fête champêtre du GEM. Il a témoigné, une fois encore de son émotion : « ce saut en parachute, c’était vraiment super, mais il faut s’y préparer quand même, tout le monde ne peut pas le faire ». Marc, lui, il l’a fait !
Marion Bohec, infirmière de réhabilitation psycho-sociale, EPSM Charcot, Sud Bretagne.
Cet article sera à retrouver dans « La revue », journal interne de l’EPSM Charcot.