Quelle conduite tenir face à un patient détenteur d’une arme ?

N° 281 - Octobre 2023
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Que doit faire un soignant qui découvre, à l’hôpital ou dans le cadre d’un suivi ambulatoire, qu’un patient détient une arme ou souhaite en acquérir une ? Que dit la loi ?

Le respect du secret professionnel interroge régulièrement les soignants sur la conduite à tenir face à un certain nombre d’informations délicates. Que faire lorsqu’une personne suivie en psychiatrie possède ou indique être en possession d’une arme ? Différents cas de figure peuvent se présenter.

LE PATIENT DÉTENTEUR D’UNE ARME À L’ADMISSION

La détention d’une arme par une personne apparaît naturellement incompatible avec son hospitalisation en psychiatrie. Pour autant, ni la loi ni le règlement intérieur ne précisent la conduite à tenir pour les professionnels de santé.

Une très ancienne circulaire du 31 mai 1928 (1) a fixé des principes généraux, précisant que les armes et objets dits « dangereux » ne devaient pas être laissés en possession des personnes hospitalisées.

Il est important de rappeler dans ce contexte que les fouilles ne sont pas autorisées. De fait, stricto sensu, les soignants ne sont pas habilités à ouvrir les valises, sacs, sacs à main ou portefeuilles… sans l’accord de l’intéressé. Toutefois, des mesures de contrôle adaptées et proportionnées, légitimées par les pouvoirs de police générale du Directeur de l’hôpital (2) peuvent être mises en place en vue de garantir la sécurité des personnes. Un inventaire des effets personnels peut ainsi avoir lieu avec l’assentiment du patient.

La découverte d’une arme induit sa saisie administrative (2). Dans ce cas, par analogie avec les termes de l’instruction de 2011, présentant la conduite à tenir en cas de détention illégale de stupéfiants par un patient accueilli dans un établissement de santé (3) , il est souhaitable que les armes soient confiées dans les plus brefs délais aux autorités de police ou de gendarmerie territorialement compétentes. La plupart du temps, les établissements de santé ont formalisé les procédures avec ces autorités par voie de convention ou de charte (3).

Si le patient est détenteur d’un permis de port d’arme, il sera invité à récupérer son arme après sa sortie au commissariat ou à la gendarmerie.

LE PATIENT SUIVI EN AMBULATOIRE

Signaler la situation d’un patient suivi en ambulatoire qui détient une arme ou qui manifeste l’intention d’en acquérir une constitue une dérogation facultative au secret professionnel, introduite dans le Code pénal par la loi dite Sarkozy relative à la sécurité intérieure (4).

L’infraction de violation de secret professionnel (5) ne sera pas applicable « aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police, du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une (6) ».

Notons qu’il s’agit là d’une possibilité de signaler, et non d’une obligation. La situation doit ainsi être appréciée au cas par cas. L’existence d’un « péril imminent et actuel » impose au professionnel d’agir, au risque, en cas d’inaction, de voir sa responsabilité pénale engagée pour non-assistance à personne en péril (7).

• Comment rédiger un signalement ?

Sur la forme, il n’y a pas de précisions légales ou réglementaires. Le signalement doit être adressé par simple courrier au Préfet (le soignant prendra la précaution d’en conserver une copie). Sur le fond, le bon sens vient en dicter le contenu, en l’absence de précisions légales ou réglementaires. Un minimum d’informations doit être délivré auprès de cette autorité administrative : identité du patient, domiciliation, éléments factuels relatifs à la découverte de la possession d’armes ou de l’intention d’en acquérir, identification et énumération (éventuelles) des armes.

Valériane Dujardin-Lascaux
Juriste, EPSM des Flandres

1– Circulaire du 31 mai 1928 relative à la fouille des malades et au dépôt des objets dangereux.
2– Instruction DGOS/DSR/mission des usagers no 2011-139 du 13 avril 2011. Note, p. 2. « Le Conseil d’État a en effet jugé dans un arrêt du 17 novembre 1997 (Conseil d’État no 168606 SCP Richard, Mandelkern, SCP Vier, Barthélemy) que le pouvoir de police générale dans un établissement de santé était détenu par le directeur, notamment au titre de l’article L. 6143-7 du code de la santé publique ».
3– Instruction DGOS/DSR/mission des usagers no 2011-139 du 13 avril 2011.
4– Loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, article 85.
5– Article 226-13 du Code pénal : « La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »
6– Article 226-14 du Code pénal, 4e alinéa.
7– Article 223-6 du Code pénal – Cet article dispose : « Quiconque pouvant empêcher par son action immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle de la personne s’abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Sera puni des mêmes peines quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril l’assistance que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours. »