Maryline, 18 ans, m’est adressée après un premier épisode psychotique (PEP). Elle a passé 4 mois à l’hôpital, et un traitement antipsychotique à action prolongée (Apap) a été mis en place.
Vers l’âge de 16 ans, Maryline a présenté une tristesse et des changements de comportement. Elle pratiquait assidûment la danse au Conservatoire et s’est mise à jeûner. Puis, elle a affiché un refus total de s’alimenter et de s’hydrater, un mutisme et une agitation qui ont conduit ses parents à appeler les pompiers.
À l’hôpital, la jeune fille était catatonique, dans une attitude d’apathie et de refus. Méfiante envers les soignants, elle délivrait quelques éléments sur son histoire au compte-goutte. « Je voulais faire un jeûne pour purifier mon corps et être la meilleure danseuse ». « En me regardant dans le miroir, j’ai vu des ailes d’oiseau pousser sur mon dos. J’ai eu peur puis je ne suis dit que je pourrais voler ». Elle acceptait les médicaments de manière passive et sa famille montrait surtout de l’inquiétude par rapport à ses absences scolaires, c’était l’année du bac français…
À sa sortie, j’accueille Maryline à la Consultation jeunes adultes NineTeen. Je vais la recevoir chaque semaine pendant 2 ans, pour l’aider à reprendre pied dans son quotidien.
LA VIE D’AVANT
Très grande, de longs cheveux blonds, Maryline garde en entretien un sourire d’enfant un peu discordant et ses grands yeux semblent souvent ailleurs. J’explore avec elle ce qui lui pose problème, ce qui a changé par rapport à « sa vie d’avant », pour l’aider à trouver un nouvel équilibre.
Maryline confie qu’elle se sent souvent triste mais qu’elle n’arrive plus à pleurer. Elle décrit une fatigue et une angoisse face à ce corps qu’elle ne reconnaît pas.
La jeune fille a pris 8 kg depuis son hospitalisation. Elle mange à nouveau normalement mais le traitement lui donne des fringales. Elle grignote puis saute des repas…
Maryline a redoublé sa classe de seconde. Malgré l’allégement d’emploi du temps prescrit par le psychiatre, elle éprouve des difficultés. Elle tente de se placer au premier rang, pour rester concentrée mais cela ne suffit pas. « J’écoute le cours, le prof dit des phrases mais ce sont des mots les uns à côté des autres, qui n’ont plus de sens pour moi. Je n’arrive pas à comprendre le sens général de la phrase, ce qui fait que je ne peux pas prendre de notes. »
Il devient assez vite évident que Maryline ne pourra pas suivre en filière générale. Plutôt soulagée, elle explique que sa mère la poussait à faire des études mais qu’elle-même a toujours souhaité entrer rapidement dans la vie active. Une réorientation en voie professionnelle est discutée pour l’année suivante avec elle et sa famille.
Nous évoquons sa passion de la danse. Au moment de sa crise, Maryline travaillait le rôle d’Odette dans le Lac des cygnes. Très délirante et envahie de voix, elle s’est prise pour un cygne. « La danse, c’est mauvais pour moi, j’ai failli mourir. Tout était mélangé dans ma tête, la réalité, le cygne, j’ai commencé à entendre des voix qui me disaient de faire des choses, de sauter dans le vide… C’est ma passion qui m’a conduit à l’hôpital. Je ne veux plus en entendre parler. Et puis de toute façon, je ne rentre plus dans mes leggings. J’ai peur que les autres se moquent de moi. »
« JE NE SUIS PAS UNE SI MAUVAISE PERSONNE »
Un an après ce PEP, Marilyne semble stabilisée, même s’il lui reste du chemin à faire. Elle a bénéficié d’une orientation en première professionnelle « soin à la personne ». S’occuper des autres la motive : « Cela me permet de ne pas trop penser à moi et à ce qui m’est arrivé ». Maryline garde souvent ses frères et soeurs plus jeunes pendant les vacances, elle les fait déjeuner et les emmène au parc ou à la piscine… Elle accompagne aussi sa grand-mère se promener ou faire des courses. « J’aime m’occuper des autres, ce sont les seules choses qui me donnent envie de bouger, et qui me rendent heureuse. J’ai beaucoup de plaisir, je me sens utile, j’existe, et je me dis que je ne suis pas une si mauvaise personne car je fais du bien aux autres ».
Au fil du suivi, Maryline est parvenue à verbaliser de mieux en mieux ses difficultés. Elle a mûri et s’est fixée progressivement de nouveaux objectifs. Cette prise en charge sur mesure a permis d’éviter les réhospitalisations et de maintenir Maryline dans son environnement.
VIRGINIE DE MEULDER
Infirmière, Consultation jeunes adultes NineTeen, GHU Paris psychiatrie et neurosciences.