Délit d’outrage sur les professionnels de santé, dispositif d’alarme pour les soignants les plus exposés, vidéosurveillance, possibilité pour les directeurs d’hôpitaux de porter plainte pour un agent agressé… le Gouvernement dévoile son plan pour la sécurité des professionnels de santé. S’appuyant sur les données de l’Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), il s’articule autour de trois axes : sensibiliser le public et former les soignants ; prévenir les violences et sécuriser l’exercice des professionnels ; déclarer les agressions et accompagner les victimes.
Les données de l’ONVS mettent en avant depuis plusieurs années près de 20 000 signalements de violences à l’encontre de professionnels de santé par an, ce qui représente environ 30 000 atteintes aux personnes et 5 000 atteintes aux biens chaque année (voir chiffres clés dans l’encadré ci-dessous). Par ailleurs, les Ordres et les Fédérations professionnelles témoignent de façon récurrente d’un climat de violences toujours plus inquiétant.
Pour enrayer ce phénomène, au début 2023, le Dr Jean-Christophe Masseron, président de SOS Médecins, Nathalie Nion, cadre supérieure de santé à l’AP-HP ainsi que la Conférence nationale de santé (CNS), ont été missionnés par Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, pour consulter l’ensemble de l’écosystème et formuler de nouvelles propositions pour lutter contre ces violences, en établissement de santé comme en cabinet privé. Les deux rapporteurs ont remis leur rapport le 8 juin et la CNS a rendu son avis le
14 juin. À l’issue d’un travail interministériel avec les ministères concernés (Intérieur, Justice, Transformation et Fonction Publiques, Enseignement supérieur et Recherche), et avec les ordres professionnels de santé et les fédérations d’établissements, un plan d’actions a été présenté le 29 septembre par Aurélien Rousseau, ministre de la Santé et de la Prévention, et Agnès Firmin le Bodo.
Ce plan d’actions est construit autour de trois axes :
– Sensibiliser le public et former les soignants ;
– Prévenir les violences et sécuriser l’exercice des professionnels ;
– Déclarer les agressions et accompagner les victimes.
Il s’articule autour de mesures déployées par ailleurs par le Gouvernement pour protéger l’ensemble des agents publics (qui feront l’objet d’une circulaire interministérielle à l’automne) et décline 42 mesures, applicables « dans les meilleures délais ». Les mesures qui relèvent de partenariat entre les forces de sécurité intérieure, les représentants de la justice et les professionnels de santé seront prises « dans les toutes prochaines semaines».
L’Ordre National des Infirmiers (ONI) se félicite du plan de sécurité des soignants dévoilé ce jour par le Gouvernement et particulièrement le renforcement des mesures judiciaires et la création d’un délit d’outrage sur les professionnels de santé, la possibilité pour un professionnel de se faire remplacer lorsqu’il ne peut revenir au domicile d’un patient auteur de violence et le renforcement du rôle pour assurer la continuité des soins.
Axe 1 : Sensibiliser le public et former les soignants
Si les agressions que subissent les professionnels de santé sont d’abord les conséquences directes d’une montée de la violence dans la société, il convient de mener une réflexion autour de la place du patient dans le système de santé et de s’adresser directement à lui pour faire cesser les intimidations ou les violences. Le patient peut ainsi être un acteur important de la sécurité des soignants. Par ailleurs, tous les professionnels doivent se former pour faire face aux situations et apprendre à gérer un moment d’agressivité.
Dans cet axe, citons par exemple :
– Organiser une campagne nationale de sensibilisation du grand public au respect dû aux soignants ;
– Améliorer la délivrance d’informations aux patients ;
– Conduire une campagne de formation des personnels administratifs et soignants des établissements publics et privés de santé.
Axe 2 : Prévenir les violences et sécuriser l’exercice des professionnels
Si l’axe 1 vise à désamorcer certaines situations, d’autres faits de violence sont plus difficiles à anticiper. Il convient alors d’être doté des moyens de répondre de façon adaptée aux menaces et de sécuriser au mieux l’exercice des professionnels de santé. La façon dont on aménage l’environnement, les dispositifs de sécurité ou encore l’organisation des équipes sont des facteurs clés pour améliorer la réaction face aux violences. Lorsqu’une agression, qu’elle soit verbale ou physique, n’a pas pu être évitée, il est nécessaire d’y répondre le plus fermement et le plus rapidement possible : le renforcement de la protection pénale dont bénéficient les professionnels de santé est donc centrale pour être exemplaire dans la lutte contre ces violences.
Des mesures importantes consistent à développer une culture de la sécurité des bâtiments et de l’environnement et à mieux outiller les professionnels :
– Inciter les collectivités locales à déployer des caméras de vidéosurveillance sur l’espace public à proximité des structures de santé de ville ;
– Déployer des expertises complémentaires, notamment en matière de santé mentale, dans les structures les plus à risque ;
– Financer des dispositifs d’alerte pour les professionnels hospitaliers amenés à être isolés (Pharmacie à usage intérieur, internes rejoignant leur chambre de garde…) via le Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) ;
– Financer des dispositifs d’alerte pour les professionnels libéraux les plus exposés;
– Organiser en 2024 un temps fort autour de la sécurité des biens et des personnes en milieu de santé ;
– Créer un délit d’outrage * sur les professionnels de santé ;
– Faciliter le traitement de certaines infractions pour rendre plus systématique la réponse pénale ;
– Étendre aux établissements de santé l’aggravation des peines pour les faits de violences entraînant une incapacité totale de travail
Axe 3 : Déclarer les agressions et accompagner les victimes
Aujourd’hui, nombre de victimes sont confrontées à la double peine : devoir faire face à l’agression et se retrouver démunis face aux démarches qui leur incombent. Le dernier volet du plan vise à mieux les accompagner les victimes, pour les aider à porter plainte et bénéficier de réel soutien psychologique, à court et plus long terme. Relevons les mesures suivantes :
– Repenser le pilotage local des Conventions Santé – Sécurité – Justice pour assurer une remontée d’information effective
– Permettre aux directeurs d’établissement de santé de déposer plainte en cas de violences ou de menaces à l’encontre d’un agent;
– Systématiser la prise de plainte dans l’établissement, au cabinet ou à domicile pour les soignants victimes de violences ;
– Faire connaître les dispositifs de soutien psychologique accessibles
Les chiffres clés 2022 D'après l'ONVS, en 2022, 18 768 signalement de faits de violence lui ont été signalés, par 368 établissements. Les infirmiers représentent 45% des victimes. Les personnels d'accueil font également partie des plus exposés. La psychiatrie a elle seule effectue près de 23% des ces signalements, les Urgences, 13% et et les unités de soins longue durée (USLD) et Ehpad environ 10%. Les trois premiers motifs évoqués pour ces violences sont un reproche sur la prise en charge (53%), un refus de soins (17%), un temps d'attente jugé excessif (10%). Viennent ensuite l'alcoolisation (5,6%) et le règlement de compte (5,5%). • En savoir plus : les Rapports annuels de l'ONVS.
• En savoir plus : Plan pour la sécurité des professionnels de santé, dossier de presse, 29 septembre 2023, sur le site du ministère.
(*) Selon Article 433-5 du Code pénal : « Constituent un outrage puni de 7 500 euros d’amende les paroles, gestes ou menaces, les écrits ou images de toute nature non rendus publics ou l’envoi d’objets quelconques adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont elle est investie.
Lorsqu’il est adressé à une personne dépositaire de l’autorité publique, à un sapeur-pompier ou à un marin-pompier dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses missions, l’outrage est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Lorsqu’il est adressé à une personne chargée d’une mission de service public et que les faits ont été commis à l’intérieur d’un établissement scolaire ou éducatif, ou, à l’occasion des entrées ou sorties des élèves, aux abords d’un tel établissement, l’outrage est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende.
Lorsqu’il est commis en réunion, l’outrage prévu au premier alinéa est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende, et l’outrage prévu au deuxième alinéa est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende ».