Un recours déposé contre la « formation accélérée » des aides-soignants au diplôme infirmier

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Plusieurs organisations professionnelles*, représentant les infirmières ou étudiants en sciences infirmières, ont déposé le 3 septembre dernier un recours devant la justice administrative (Conseil d’État) contre un nouveau parcours de formation « raccourci » pour les aide-soignants expérimentés, qui prévoit de les dispenser de première année de formation en Institut de formation en soins infirmiers.

Rappelons que l’arrêté, paru au journal officiel début juillet, ouvre en effet la possibilité aux aides-soignants justifiant d’au moins trois ans d’expérience à temps plein sur les cinq dernières années et « sélectionnées par la voie de la formation professionnelle continue », d’intégrer « directement la deuxième année de formation d’infirmier », après un « parcours spécifique de formation de trois mois validé ».

Dès la parution de l’arrêté, cette nouvelle disposition avait fait réagir la profession, arguant que le gouvernement « bradait les études infirmières » et soulignant « qu’il n’y avait aucun rapport entre le référentiel d’activité des aides-soignants et la première année de licence infirmière. » Ce texte est « inadapté aux exigences du métier », et « met en danger les patients » et « la reconnaissance du diplôme au sein de l’Union européenne », alertent les organisations professionnelles* dans un recours déposé début septembre devant le Conseil d’État.

«Derrière cette décision irresponsable de réduire d’un tiers la durée de formation il y aura des morts», a averti le porte-parole du SNPI, Thierry Amouroux.

Ces professionnels dénoncent notamment « l’insuffisance manifeste » du contenu de la formation de trois mois, qui comprend « seulement 420 heures » au lieu des 1.533 de la première année, et ne permettra pas selon eux d’acquérir les connaissances et crédits européens (ECTS) prévus par la législation européenne. Mis en place dès février 2024 dans certaines écoles, ce parcours raccourci va aussi « à l’encontre » de la logique de « montée en compétences » et « d’universitarisation » engagé par le gouvernement, qui a promis une refonte de la formation infirmière pour septembre 2024. « Nous sommes en complet décalage avec la réingénierie de la formation infirmière d’un côté et de certaines spécialités » s’insurge le SNPI. De son côté, le CEFIEC s’inquiète : « les compétences et même les fondements de la formation initiale n’auront pas été intégrés. uUn stage de quelques semaines ne peut permettre aux aides-soignants de changer d’identité professionnelle. » Idem pour la FNESI qui considère « que ces étudiants auront besoin d’un suivi particulier » mais face à un contexte hypertendu en ressources humaines, « l’encadrement sera en défaut ». De plus, « les critères de sélection de ces étudiants ne sont pas clairement définis ce qui fait planer le risque d’une inégalité de traitement.« 

Les organisations professionnelles l’affirment : « cette démarche n’est en rien corporatiste. Elle doit simplement permettre aux aides-soignants qui le souhaitent d’accéder au diplôme d’Etat d’infirmier via une formation puis un exercice sécurisés.« 

Du côté des infirmiers libéraux, la Présidente de Convergence Infirmière, Ghislaine Sicre, rappelle que les infirmières et les infirmiers libéraux sont seuls au domicile du patient « ce qui nécessite d’autant plus une formation adaptée pour faire face à des situations de plus en plus complexes. Le référentiel d’activité aide-soignant n’a rien à voir avec le référentiel de formation de la première année en IFSI. Comment feraient ces diplômés pour déceler des complications, avoir un jugement clinique qui demande à être de plus en plus aiguisé ? Être infirmier ce n’est pas être un simple exécutant mais au contraire pouvoir proposer une prise en charge globale du patient. Il est inacceptable que la formation soit réduite d’un tiers et que cela puisse entraîner des pertes de chances pour les patients« .

Thierry Amouroux, porte-parole du SNPI, a annoncé « aller sur le terrain » faire signer aux patients qui viennent dans les établissements de santé « une pétition« , le but étant « d’impulser une démarche citoyenne qui permettra de faire retirer ce texte« .

*CEFIEC, ANPDE, FNESI, CONVERGENCE INFIRMIÈRE, SNPI, CEEPAME.

Arrêté du 3 juillet 2023 modifiant l’arrêté du 31 juillet 2009 relatif au diplôme d’État d’infirmier – JORF n°0154 du 5 juillet 2023 – Texte n° 28.
• Instruction N° DGOS/RH1/2023/129 du 2 août 2023 relative à la mise en place d’un parcours spécifique d’accès en 2ème année de formation en soins infirmiers pour les aides-soignant, BO Santé, 16 août, p. 314, voir Legifrance