Malgré sa pertinence pour lutter contre les inégalités sociales de santé, la médiation en santé se heurte à différents freins. Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) décline 10 propositions pour favoriser son déploiement sur le territoire, ce qui passe notamment par une meilleure formation et reconnaissance du métier de médiateur en santé.
Les membres de la mission sur la médiation en santé, Alexandre Berkesse, Philippe Denormandie, Emilie Henry et Nolwenn Tourniaire, accompagnés par Farida Belkhir (Igas), ont remis le 17 juillet leur rapport, avec l’ambition de contribuer à l’objectif d’amélioration de l’accès à la santé de toutes et tous.
La médiation en santé constitue un processus relationnel qui concourt à la résorption d’inégalités sociales de santé grâce à sa fonction d’interface entre publics vulnérables et acteurs de santé. D’initiative associative et historiquement ciblée sur des publics marginalisés (VIH, prostitution, gens du voyage…), la médiation en santé s’adresse désormais à des publics en situation de vulnérabilité pour des motifs variés, qu’ils soient endogènes (précarité socioéconomique, crainte de la stigmatisation, situation de handicap, etc.) ou exogènes (complexité du système de soins, difficultés et délais d’accès…). Sous différents modèles, la médiation en santé permet d’intervenir aux différentes étapes du parcours d’un
individu afin de prévenir les ruptures, tout en produisant des effets bénéfiques à l’ensemble du système de soins (prévention, accès aux soins…).
Des freins identifiés…
La mission relève que « malgré la démonstration empirique de sa pertinence et de son utilité pour lutter contre les inégalités sociales de santé, la médiation en santé se heurte notamment à trois freins » qui limitent son efficacité et son efficience :
– l’absence de reconnaissance statutaire, qui entretient l’ambiguïté sémantique autour de ce que recouvre la « médiation en santé » et limite sa bonne appréhension par les publics concernés et les acteurs institutionnels et
partenaires des médiateurs ;
– un cumul de rapports de pouvoirs professionnels et institutionnels défavorables à la bonne coopération entre acteurs et à la reconnaissance de la pertinence de ces actions souvent réalisées en dehors des établissements ;
– des financements publics perçus comme complexes et non pérennes.
et des solutions…
Dans ce contexte, la mission recommande aux pouvoirs publics d’agir sur la levée de ces freins. Pour ce faire, elle propose une feuille de route articulée autour de trois chantiers et assortie d’une méthode de pilotage qui en constitue l’indispensable complément. En effet, considérant que le caractère fragmenté et secondaire du pilotage des enjeux de la médiation en santé au sein des ministères sociaux est susceptible de compromettre l’opérationnalisation de la présente feuille de route, la mission recommande la mise en place d’un comité ad hoc chargé de piloter, en lien avec les acteurs concernés, l’avancement concret des recommandations. Elle propose par ailleurs de confier à ce comité une enveloppe budgétaire ayant vocation, en lien avec Santé publique France, à financer l’engagement de travaux de recherche-action en vue d’assoir la médiation en santé sur un « haut niveau de preuve », d’en quantifier les coûts évités et de déterminer des indicateurs pertinents de mesure de son impact tant pour bénéficiaires que sur le système de soins.
Prioritairement, la mission recommande d’achever la professionnalisation et la reconnaissance des métiers de la médiation en santé. En effet, alors qu’elle constitue de fait une activité relevant pleinement du champ des acteurs de la santé, l’absence de cadre statutaire et de reconnaissance symbolique par le ministère en charge de ces sujets complique le positionnement d’interface de la médiation en santé. Par conséquent, la mission recommande de consacrer l’existence du métier de médiateurs et médiatrices en santé en l’inscrivant dans le code de la santé publique. Cette consécration législative devra en outre s’accompagner de l’inscription du métier dans les répertoires idoines (référentiel métier de la fonction publique hospitalière, répertoire opérationnel des métiers et des emplois de Pôle emploi…) et de la formalisation d’un cadre déontologique.
Corrélativement, la mission recommande de bâtir des voies d’accès et de formation inclusives au métier de médiateurs et médiatrices en santé. En effet, si certaines formations et DU existent déjà, la mission considère que la reconnaissance d’un métier spécifique exige la structuration d’une filière de formation susceptible de garantir une professionnalisation adéquate. Pour ce faire, elle préconise la mise en place de deux voies, l’une relevant de la formation initiale, l’autre de la formation continue.
Parallèlement au chantier statutaire, la mission préconise de rationaliser et de pérenniser l’architecture du financement dévolu par l’Etat à la médiation en santé.
10 recommandations concrètes – Recommandation n°1. Engager des travaux de recherche-action en vue d’évaluer l’efficacité de la médiation permettant d’assoir la médiation en santé sur un « haut niveau de preuve », de quantifier les coûts évités grâce à la médiation en santé et de déterminer des indicateurs pertinents de mesure de l’impact de la médiation en santé tant pour bénéficiaires que sur le système de soins. – Recommandation n°2. Faciliter l’accès à des formations sur la médiation en santé à l’instar de ce qui a été développé dans le champ de la santé mentale avec les premiers secours en santé mentale et examiner les modalités d’une extension du congé pour activités civiques aux individus dûment formés. – Recommandation n°3. Consolider l’outillage et l’accompagnement des médiateurs.ices ainsi que des équipes au sein desquelles ils évoluent dans le cadre de programmes régionaux de la médiation en santé incluant notamment de l’analyse de pratiques et des modalités de structuration des échanges avec les partenaires (remontées des dysfonctionnements du système de santé, identification d’un réseau de référents, conditions d’accès au dossier médical partagé) – Recommandation n°4. Consacrer l’existence du métier de médiateur.ice en santé, assorti d’un cadre déontologique, par son inscription idoine dans le code de la santé publique et les répertoires métiers. – Recommandation n°5. Créer un diplôme de médiateur.ice en santé de niveau licence également accessible par la voie de la validation des acquis personnels et professionnels (VAPP). – Recommandation n°6. Créer une certification professionnelle de médiation en santé enregistrée au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) permettant d’accéder au métier par la voie de la formation continue ou par la reconnaissance d’une VAE. – Recommandation n°7. Prévoir des sensibilisations à la médiation en santé tant dans le cursus de formation initiale que dans la formation continue des professionnels de santé, des cadres et dirigeant du secteur sanitaire, médico-social et social. – Recommandation n°8. Rationaliser l’architecture financière de la médiation en santé en actant le principe d’un canal de financement majoritaire stable par typologie de structures (financement conventionnel, engagements pluriannuels du FIR, dotations hospitalière, ONDAM spé) – Recommandation n°9. Expérimenter sur un ou plusieurs territoires volontaires une démarche d’expression directe des besoins des personnes concernées en lien avec les professionnel.le.s de ces territoires – Recommandation n°10. Mettre en place dès septembre 2023 un comité paritaire de suivi de l’opérationnalisation des recommandations de la présente feuille de route. Confier un budget dédié à ce comité afin d’assurer le lancement de l’étude recommandée ainsi que l’évaluation de la mise en œuvre des mesures.
• La médiation en santé : un levier relationnel de lutte contre les inégalités sociales de santé à consolider. Rapport remis par A. Berkesse, P. Denormandie, E. Henry, N. Tourniaire, avec F. Belkhir, juillet 2023, en pdf.