« Fragmentée », « incohérente », provoquant des « effets pervers », voire « des maltraitances », la protection juridique et sociale des majeurs nécessite « un prisme d’action commun » entre les acteurs. Un rapport décline 35 propositions pour faire évoluer les pratiques.
Dans le cadre des Etats généraux de la maltraitance, Anne Caron-Déglise, avocate générale à la Cour de cassation, a été chargée d’une mission sur la protection juridique des majeurs. Les objectifs principaux étaient de faire « toutes propositions utiles » concernant notamment :
– « l’évaluation-appréciation de l’altération des facultés personnelles en lien avec le périmètre de l’action sociale ;
– la participation des familles et des aidants choisis, des professionnels et des bénévoles au soutien des capacités-capabilités ;
– la prévention et le traitement des maltraitances et la place des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.»
Remis le 18 juillet, son rapport est assorti de 35 propositions pour faire évoluer les pratiques. Il reprend des constats « maintes fois répétés » sur « la complexité des règles propres à la plupart des champs d’intervention » (…) mais aussi leur difficile articulation. Le rapport pointe ainsi des dispositifs de protection sociale et de protection juridique des personnes (sous l’angle civil et sous l’angle pénal) qui « continuent de se construire en s’ignorant, tout en proclamant que la personne doit demeurer au centre de toutes les attentions, que chaque intervention doit être individualisée et le consentement recueilli. »
Dès lors, le groupe de travail considère que toute évolution nécessite de bâtir « un socle partagé entre les acteurs de la protection sociale et de la protection juridique qui donnera du sens à leurs actions, et sur des outils d’évaluation-appréciation des situations de vulnérabilité adaptés, complémentaires, évolutifs et partagés. »
Proposant « une lecture unifiée » des règles de la protection sociale et de la protection juridique des majeurs à partir « des droits fondamentaux et universels de toute personne, quel que soit son degré de vulnérabilité », le groupe de travail invite à construire « un prisme d’action commun », avec des degrés d’intervention en fonction d’outils partagés respectant les personnes, sans les contrôler à l’excès, tout en les protégeant quand c’est nécessaire grâce aux outils d’assistance et de représentations par un ou plusieurs tiers identifiés que contient la protection juridique. Ce prisme d’action devrait permettre de sortir de la superposition des différents champs et de construire un accompagnement global respectueux des personnes les plus vulnérables, sous plusieurs conditions :
- ne pas considérer la personne comme un sujet de droit « abstrait », un « usager » de différents dispositifs ;
- reconnaître la présomption de capacité de la personne, titulaire de droits qu’elle doit pouvoir exercer le plus longtemps possible par elle-même ou en étant soutenue ;
- ne pas considérer que la personne vit séparée des autres mais qu’elle est bien dans la cité ;
- garantir que les acteurs construiront leurs actions à partir du socle des droits de la personne et de ce qu’elle exprime après une information adaptée à son degré de compréhension ;
- construire une évaluation-appréciation globale des situations de vulnérabilité, fondée sur un concept multidimensionnel, pluriprofessionnel et dynamique tendant à apprécier les capacités d’autodétermination, les capacités fonctionnelles en évaluant tant les déficits que les ressources internes et externes et la façon dont son environnement peut jouer pour la personne concernée un rôle d’entrave ou de facilitateur dans la réalisation des
tâches, activités ou actes ; - construire des actions dans laquelle la protection juridique des majeurs n’est pas la fin des actions précédentes mais un levier complémentaire pour permettre, en particulier, d’anticiper la désignation d’un tiers de confiance dans le cadre, par exemple d’un mandat de protection future ou d’une désignation de personne de confiance, le cas échéant associée à des directives anticipées ou encore de mesures de gestion patrimoniale adaptées ;
- construire une politique publique sur des partenariats pluridisciplinaires sur les territoires et un pilotage national interministériel ouvert à l’ensemble des acteurs, dont les familles et les personnes elles-mêmes ;
- renforcer les dispositifs de prévention des maltraitances, tout particulièrement dans la gestion des ressources et du patrimoine, en encadrant davantage le dispositif bancaire et financier.
• Penser les protections juridique et sociale à partir des droits des personnes les plus vulnérables à être entendues et soutenus dans une société solidaire. Rapport de mission interministériel. Etats généraux des maltraitances. En pdf.