Nouveautés dans l’hypnose en santé mentale

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Un certain nombre de soignants ne connaissent pas l’hypnose clinique, d’autres pensent qu’elle est dépassée.
Non seulement l’hypnose a continué de se développer au XIXème et XXème siècles, mais le XXIème siècle a enfin permis d’objectiver grâce aux neurosciences l’unicité du phénomène hypnotique en tant que processus de conscience (Hoeft et al, Jiang et al, McGeown et al, Rainville) (4). L’idée de cet article est de vous faire découvrir quelques nouveautés et utilités potentielles récentes dans le milieu de l’hypnose clinique.

  • Apaiser la charge émotionnelle quand elle est trop forte

Un week-end de garde aux urgences, on m’appelle depuis le service de maternité pour répondre à la demande d’aide psychologique d’une jeune femme venant d’accoucher dans des circonstances urgentes et imprévues et qui est complètement dépassée par la situation. Elle n’aurait cessé de pleurer depuis 24 heures. L’hypnose dans ces cas-là est comme un cocon de protection : une fuite et un évitement du vécu trop douloureux, grâce à un imaginaire positif vécu dans les sensations physiques. La personne s’imagine être ailleurs que dans la situation difficile, en rendant l’expérience imaginative vivante par les six sens : visuel, auditif, toucher, proprioception, olfaction et gustation. La parturiente avait choisi un espace dans la nature qu’elle aime bien, avec les couleurs, les odeurs, le toucher de l’herbe, la sensation d’un arbre solide dans le dos qui la supporte, un cours d’eau juste à côté. En adoptant un ton de la voix lent, doux, la présence du soignant devient prévisible et rassurante, d’autant plus si elle est associée à des mots réconfortants: « profiter de ce calme intérieur, tranquillement, pour vous apaiser »…

Petit à petit, la personne se calme, et le soignant aura servi de guide à ce processus naturel de fuite dans l’imagination hypnotique. C’est ainsi que l’hypnose a une efficacité importante dans la gestion de la douleur et de l’anxiété. Parmi les études cliniques les plus récentes, on peut citer par exemple :

  1. diminution de l’anxiété chez 187 femmes ménopausées souffrant d’au moins 7 bouffées de chaleur par jour (étude randomisée avec intervention de 5 séances d’hypnose vs. 5 séances de dialogue et d’encouragements, Roberts et al)(6)
  2. diminution de l’anxiété grâce à l’hypnose chez des patients souffrant de bronchite chronique (BPCO) avec VEMS inférieur à 32%, de façon statistiquement significative (Anllo et al.) (1)
  • Prise en charge de la dépression légère à modérée

Les sources de dépression sont multifactorielles. En plus des causes génétiques, elles peuvent provenir de la difficulté à accepter une vie passée ou bien une situation difficile, une épreuve, ou bien provenir d’une tendance à ruminer et à voir le verre à moitié vide que plein. Parfois, la dépression fait suite à une accumulation d’autres problèmes de santé mentale, qui finissent par épuiser la personne. D’autres fois, il s’agit de deuils de personnes chères. D’autres fois encore, il s’agit de situations de harcèlement qui heurtent la confiance en soi du sujet. Dans ces moments-là, il est difficile de stimuler les patients, qui ont tendance à l’immobilité et la clinophilie (rester au lit la plupart de la journée). De ce fait, une des techniques de choix est l’activation comportementale (= faire des activités qui faisaient plaisir auparavant, pour stimuler le mouvement). L’hypnose peut aider ce processus : le mouvement imaginé vécu en hypnose ayant pour but de mobiliser les patients et leurs ressources. C’est ce qui permet à certains patients de se mobiliser dans les semaines après des séances d’hypnose. Une étude récente tout à fait pertinente a comparé l’hypnose aux thérapies cognitives et comportementales (étude randomisée de non infériorité, Fuhr et al.) (3)

  • Mieux comprendre le phénomène de dissociation

La dissociation en tant que phénomène lié aux traumatismes est un concept qui daterait du temps de Pierre Janet. Dans la dissociation autour d’un traumatisme ou d’une forte crise d’angoisse, la personne peut déconnecter de sa réalité sensorielle de plusieurs manières : ne plus rien ressentir, comme figée (sidération), ou bien ne plus savoir qui elle est, où elle se trouve, ou flotter au-dessus de son corps dans les situations de violence, ou par exemple développer des signes dissociatifs comme l’amnésie.

La dissociation hypnotique est différente, beaucoup plus modérée en intensité et durée. Durant les exercices d’hypnose, les participants peuvent décrire par exemple une absorption dans l’expérience, le fait de ne plus sentir le temps passer, le fait de ne plus sentir une partie de leur corps, ou bien de la sentir mais comme si elle ne leur appartenait pas. Ce phénomène est réversible à la fin de l’exercice et n’entraîne aucune séquelle particulière. Certains auteurs ont remis en question ce phénomène du fait de son caractère hautement subjectif, comme si ce ne serait qu’un marqueur de l’attention et de la conscience. Nous avons voulu tester et objectiver cette hypothèse en clinique.

Dans une expérience récente tout juste publiée dans la revue l’Encéphale (Radoykov, 2023) (5), nous avons demandé à une personne, une fois en hypnose, d’imaginer plusieurs situations, et nous filmions en temps réel, les yeux ouverts, les diamètres de ses pupilles à l’aide d’une caméra haute définition. Dans un premier temps, le sujet était invité à imaginer une scène très lumineuse, et naturellement ses pupilles étaient un peu plus contractées ; dans un deuxième temps, nous avons invité la personne à imaginer un endroit très sombre : naturellement ses pupilles étaient un peu plus dilatées. Enfin, dans un troisième temps, nous avons proposé au sujet hypnotisé d’imaginer scinder son cerveau en deux, une partie sombre et une partie éclairée. Au moment d’ouvrir les yeux, la caméra a capté un phénomène transitoire d’anisocorie, qu’on ne retrouve habituellement que dans les pathologies neurologiques. L’anisocorie, c’est quand les pupilles ne sont plus jumelées : l’une était dilatée et l’autre contractée ! C’était une manière simple de montrer de façon objective le phénomène de dissociation

  • Quelles indications pour l’hypnose en psychiatrie?

Depuis de nombreuses années maintenant, les études cliniques ont montré une pertinence de l’hypnose pour soigner la douleur aigüe et l’anxiété aiguë. De plus en plus d’études nouvelles indiquent des utilités de l’hypnose pour les douleurs chroniques également, pour la fibromyalgie, la dépression légère à modérée, ainsi que pour la gestion de la perte de poids (Delestre et al.) (2) . Cette dernière étude est une étude randomisée qui comparait l’effet de l’hypnose ericksonienne vs. des séances d’éducation nutritionnelle sur l’impulsivité alimentaire (Three Factor Eating Questionnaire TFEQ-51) chez 82 personnes souffrant d’obésité. A 8 mois de suivi, le score était bien moindre dans le groupe hypnose (p<0,001). Il était temps que des études sérieuses sortent sur le sujet, pour justifier la tendance qu’avaient de nombreux patients à consulter pour perdre du poids.

1er colloque Hypnose en Psychiatrie

Depuis longtemps le Dr Claude Virot ,  Directeur de l'Institut Emergences, rêvait d’organiser un colloque sur le thème Hypnose en Psychiatrie. Le jeudi 28 septembre 2023 à Paris, ce sera chose faite puisque le Palais des Congrès d’Issy-les-Moulineaux accueillera tous les professionnels concernés par la santé mentale pour écouter un groupe de neuf psychiatres de toute la France partager leur expérience. Nous aurons la chance d’écouter les applications utiles de l’hypnose en hospitalisation, y compris sans consentement, en consultation, en libéral, et dans différentes pathologies comme les troubles alimentaires, schizophréniques, dépressifs, psychotraumatiques. 

Venez nombreux découvrir comment l’hypnose peut améliorer de façon naturelle le confort de vos patients !
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En savoir plus  

Sources

(1) – Anlló H, Herer B, Delignières A, Bocahu Y, Segundo I, Mach Alingrin V, Gilbert M, Larue F. Hypnosis for the Management of Anxiety and Dyspnea in COPD: A Randomized, Sham-Controlled Crossover Trial. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis. 2020 Oct 22;15:2609-2620. doi: 10.2147/COPD.S267019. PMID: 33122899; PMCID: PMC7591014.

(2) – Delestre F, Lehéricey G, Estellat C, Diallo MH, Hansel B, Giral P. Hypnosis reduces food impulsivity in patients with obesity and high levels of disinhibition: HYPNODIET randomized controlled clinical trial. Am J Clin Nutr. 2022 Jun 7;115(6):1637-1645. doi: 10.1093/ajcn/nqac046. Erratum in: Am J Clin Nutr. 2022 Oct 6;116(4):1187. PMID: 35170724.

(3)- Fuhr K, Meisner C, Broch A, Cyrny B, Hinkel J, Jaberg J, Petrasch M, Schweizer C, Stiegler A, Zeep C, Batra A. Efficacy of hypnotherapy compared to cognitive behavioral therapy for mild to moderate depression – Results of a randomized controlled rater-blind clinical trial. J Affect Disord. 2021 May 1;286:166-173. doi: 10.1016/j.jad.2021.02.069. Epub 2021 Mar 5. Erratum in: J Affect Disord. 2021 Apr 2;: PMID: 33725616.

(4) – Hoeft F, Gabrieli JDE, Whitfield-Gabrieli S, Haas BW, Bammer R, Menon V, et al. Functional Brain Basis of Hypnotizability. Arch Gen Psychiatry. 2012 Oct 1;69(10):1064.

(4) – Jiang H, White MP, Greicius MD, Waelde LC, Spiegel D. Brain Activity and Functional Connectivity Associated with Hypnosis. Cereb Cortex [Internet]. 2016 Jul 28

McGeown WJ, Mazzoni G, Venneri A, Kirsch I. Hypnotic induction decreases anterior default mode activity. Conscious Cogn. 2009 Dec;18(4):848–55.

(5) – Radoykov S. Suggestions of dissociation during hypnosis enable different pupillary reactions. Encephale. 2023 Apr 21:S0013-7006(23)00051-9. doi: 10.1016/j.encep.2023.04.001. Epub ahead of print. PMID: 37088583.

(4) – Rainville P. Pain Affect Encoded in Human Anterior Cingulate But Not Somatosensory Cortex. Science. 1997 Aug 15;277(5328):968–71.

(6) – Roberts RL, Rhodes JR, Elkins GR. Effect of Hypnosis on Anxiety: Results from a Randomized Controlled Trial with Women in Postmenopause. J Clin Psychol Med Settings. 2021 Dec;28(4):868-881. doi: 10.1007/s10880-021-09810-3. Epub 2021 Aug 17. PMID: 34403019.