EpiCov : quel impact psychologique de la crise sanitaire sur les enfants ?

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La détresse psychologique dont souffrent une minorité grandissante d’enfants et d’adolescents a été aggravée par la crise sanitaire. Ce phénomène, observé dans d’autres pays, semble concerner tout particulièrement les adolescentes et les jeunes femmes. Lors du troisième volet de l’enquête EpiCov réalisé en juillet 2021, le questionnaire a porté sur la santé mentale des répondants et, le cas échéant, sur celle d’un des enfants âgés de 3 à 17 ans vivant avec eux. Il est difficile d’évaluer précisément la santé mentale d’un enfant à partir de ce que rapporte l’un de ses parents. Le questionnaire utilisé dans EpiCov permet toutefois d’estimer que 10 % des garçons et 7 % des filles entre 3 et 17 ans présentent des difficultés psychosociales. Celles-ci touchent différentes dimensions et montrent d’importantes disparités, observées très tôt dans l’enfance, entre filles et garçons. Ces derniers ont plus de problématiques externalisées (comportement, hyperactivité, inattention), qui tendent à décroître avec l’âge ; alors que les filles présentent plus de problématiques émotionnelles (anxiété, tristesse), qui tendent, elles, à croître avec l’âge.

« Près d’un enfant sur six a eu besoin de soins pour un motif psychologique entre mars 2020 et juillet 2021 »

Un questionnaire parental pour identifier les difficultés psychosociales des enfants
Le questionnaire parental « forces et faiblesses » (Strengths and Difficulties Questionnaire [SDQ]) comprend 25 questions décrivant un type de comportement et demandant si, concernant l’enfant au cours des six derniers mois, l’énoncé est : « Pas vrai », « Un peu vrai » ou « Très vrai ». Les 25 réponses sont regroupées par cinq dans cinq sous-
dimensions qui renvoient à des difficultés d’ordre 1/ émotionnel, 2/ comportemental (colères, violences, vols, désobéissance), 3/ attentionnel avec ou sans hyperactivité et 4/ relationnel, ainsi qu’aux 5/ aptitudes prosociales de l’enfant (tableau 1). Pour chaque dimension, un score de difficultés ou d’aptitudes (de 0 à 10) est calculé. La somme des quatre premières dimensions permet d’établir un score global sur 40 des difficultés psychosociales de l’enfant. En
complément, il est demandé au parent s’il estime que son enfant présente d’éventuelles difficultés et quelles en sont les répercussions sur la vie de l’enfant, ses apprentissages, la vie de famille et ses loisirs. Les créateurs du SDQ proposent également une cotation sur 10 de ces questions pour établir un score d’impact des difficultés.

Entre le début de l’épidémie en mars 2020 et l’enquête en juillet 2021, 12 % des 3-17 ans ont consulté un professionnel de santé pour un motif d’ordre psychologique, une proportion qui varie selon l’âge et le sexe. Chez les 3-17 ans, le principal professionnel consulté pour cette raison est le psychologue, tandis que, chez l’adulte, il s’agit du médecin généraliste. En prenant en compte les enfants qui n’ont pas consulté, mais dont les parents estiment qu’ils avaient besoin d’être aidés pour des difficultés psychologiques et que cette aide relevait d’un professionnel de santé, ce sont 15 % des enfants qui auraient eu besoin de soins pour ces raisons, soit près d’un enfant sur six. Le principal facteur associé aux difficultés psychosociales de l’enfant est la santé mentale du parent répondant. Un temps élevé d’exposition aux écrans et un temps faible consacré à la lecture et aux activités physiques sont des éléments associés à ces difficultés. D’importantes inégalités sociales sont observées. Elles concernent autant les difficultés psychosociales, en la défaveur des niveaux de vie les plus bas, que le recours aux soins, plus fréquent parmi les niveaux d’études les plus élevés.

« Une complémentarité avec l’enquête Enabee de Santé Publique France qui annonce que 13% des élèves de 6 à 11 ans présentent des troubles de santé mentale.

Ce qu'il faut retenir
- dès le plus jeune âge, des difficultés psychosociales différenciées selon le sexe ; 
- selon les parents, un enfant sur huit est affecté par des problématiques psychosociales ;
- les psychologues : principal recours aux soins de santé mentale de l'enfant ;
- à difficultés psychologiques égales, un recours aux soins plus fréquent chez les plus aisés ; 
- pour l'enfant, des difficultés fortement corrélées à la santé mentale du parent et au temps d'écran.

Près d’un enfant sur six a eu besoin de soins pour un motif psychologique entre mars 2020 et juillet 2021, Jean-Baptiste Hazo (DREES), en collaboration avec Alexandra Rouquette (Inserm) et le groupe EpiCov (Nathalie Bajos et Josiane Warszawski (coresponsables scientifiques), Guillaume Bagein (DREES), Vianney Costemalle (DREES), Émilie Counil Ined), Thomas Deroyon (DREES), Jeanna-Ève Franck (Inserm), Nathalie Lydié (Santé publique France), Claude Martin (CNRS), Laurence Meyer (Inserm, univ. Paris-Saclay, AP-HP), Ariane Pailhé (Ined), Delphine Rahib (Santé publique France), Philippe Raynaud (DREES), Patrick Sillard (Insee), Rémy Slama (Inserm). Les auteurs remercient Samuel Allain, Céline Loubières, Viviane Kovess-Masféty et Antoine Vanier. Drees, juin 2023, n° 1271.