« Comme une branche de laquelle un oiseau s’est envolé » est le fruit d’un travail que la photographe nantaise Adeline Praud a mené dans le cadre d’une résidence de création portée par Le Carré d’Art, à Chartres de Bretagne. Construit à partir de l’expérience des patients en psychiatrie du centre hospitalier Guillaume Régnier, à Rennes, et de leur désir commun de bousculer les imaginaires sur les troubles psychiatriques, ce travail invite au dialogue les personnes concernées et la société.
Durant sept mois, Adeline Praud est allée à la rencontre des patients de l’hôpital psychiatrique de Rennes : le centre hospitalier Guillaume Régnier. Ces rencontres ont nourri sa réflexion et ont donné vie à ce projet. Elles ont d’abord pris la forme de longs entretiens qui lui ont permis d’ancrer sa recherche au plus près de la réalité des personnes concernées. Petit à petit, les échanges se sont faits moins longs et plus légers, les mots faisant place à la photographie. Construit à partir de l’expérience des patients et de leur désir commun de bousculer les imaginaires sur les troubles psychiatriques, ce travail invite au dialogue les personnes concernées et la société.
Embrasser le parcours de personnes vivant avec un trouble psychique
« Il y a trois ans, explique Adeline Praud, ma vie a pris une tournure étonnante. On m’a diagnostiqué une forme atténuée de bipolarité. Ce diagnostic a fait suite à quelques années d’errance médicale et quelques expériences psychiques étonnantes, auxquelles, bien sûr, je n’étais pas préparée. C’est cette expérience personnelle qui a donné naissance à ce projet. Plutôt que de détourner le regard, j’ai choisi de faire face aux réalités de l’hôpital et d’embrasser les parcours de personnes vivant avec un trouble psychique« .
« Durant plusieurs semaines, j’ai écouté et observé les clients d’un espace de sociabilité et de soin : la cafétéria de l’hôpital. Je me suis imprégnée de leurs expériences et de leurs particularités. Avec ces personnes, j’ai progressivement commencé à faire des images, des portraits et des détails, à l’hôpital ».

Le Burn-out – « Je me suis toujours senti étriqué dans ma culture. Dès 6 ans, j’ai réalisé que je devais faire semblant : montrer une image à ma famille et conserver mon jardin secret. J’ai un master en génie médical et ça fait 10 ans que je suis en France. J’aime ce pays. La laïcité à la française m’est très chère. C’est l’amour de la justice qui m’a fait venir dans ce pays, mais c’est la haine contre la préfecture qui m’a fait craquer. Je suis sans-papier. Ce sont des proches qui m’ont fait hospitaliser. J’avais les idées noires, paraît-il. Aujourd’hui j’ai repris des forces et, c’est sûr, je vais continuer à me battre ».
Interroger le corps souffrant
La photographe explique que son attention et sa réflexion « se sont portées sur les corps« , consciente que l’expérience traumatique du corps (violences intrafamiliales ou conjugales, viol, …) peut être à l’origine des troubles psychiques. « Lucide sur le fait que le corps est le réceptacle des conséquences des troubles du comportement alimentaire (anorexie, hyperphagie boulimique…), des addictions, des pratiques d’automutilation, et qu’il souffre également des effets secondaires des traitements, j’ai souhaité mener une recherche pour interroger et regarder les liens entre les troubles psychiques et les expériences sensorielles, sociales et médicales des corps« .


« Montrer l’hôpital sous un autre jour. J’y ai photographié des troubles invisibles et me suis attachée à dire leur triste banalité et leur étonnante complexité ».
• Comme une branche de laquelle un oiseau s’est envolé, photographies Adeline Praud, résidence/exposition/édition, 12 mai ) 28 juin 2023. Galerie Le Carré d’Art – Centre culturel Pôle Sud, 1 rue de la Conterie, 35131 Chartres de Bretagne. Tél. 02 99 77 13 27. Entrée libre.
• Cette exposition marquera la sortie du livre de Adeline Praud, publié aux éditions Sur la Crête, partenaire éditorial des résidences du Carré d’Art.