avril 2023

Je préfèrerais pas. Grandir est-il encore à l’ordre du jour ?

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Jean-Pierre Lebrun, auteur de cet ouvrage, est psychiatre et psychanalyste, vice-président de l’Association lacanienne internationale.

L’adulte est-il devenu une espèce en voie de disparition ? Nous nous sommes autorisés à refuser toute limite et à rejeter la contrainte parce que limitatrice de notre individualisme hypertrophié. En effet, grandir ne fait plus recette et le succès des coachs en tous genres répond à une demande d’assistanat de plus en plus forte, qui refuse la maturité.

Serons-nous bientôt tous atteints du syndrome de Peter Pan, l’enfant qui ne voulait pas grandir ? On peut se poser la question de manière triviale en observant des quinquas slalomer en trottinette, tatouages aux bras et AirPods aux oreilles, dans les rues de nos métropoles. Notre société obsédée de jeunesse considère que devenir adulte, c’est se résigner ! Avoir une vie moins aventureuse.

Jean-Pierre Lebrun explique qu’il existe un lien entre la construction psychologique de l’individu et la sociabilité – la dimension d’altérité sociétale – qui est tributaire de l’idéologie néolibérale. Pour lui, en effet, notre société n’a pas pris la mesure de sa mutation, ni de la nécessité de mettre fin au fantasme de toute-puissance de l’enfant. Il y a encore quelques décennies, il convenait de cocher quelques cases pour se sentir adulte. Les rites de passage étaient simples : terminer ses études, décrocher un emploi, se marier, quitter le foyer familial, avoir un enfant. Maintenant, ces critères-là ne suffisent plus. Grandir ne fait plus rêver ! Surtout si les parents triment à l’extérieur, se disputent à la maison et galèrent pour boucler les fins de mois…

Comment passer d’une « bouche ouverte » à un citoyen responsable, demande Jean-Pierre Lebrun ? Ne pas rester un consommateur avide pris toujours davantage dans des addictions ? Effectivement, l’empire des coachs crée une tyrannie du bonheur et une négation de l’attente. Les patients sont devenus des gros bébés qui passent leur vie à téter. Nous sommes revenus à l’âge du sein ! Quand ils sont mis en cause d’une manière ou d’une autre, de plus en plus d’adultes revendiquent le statut de victimes, coupant court à tout endossement de responsabilité personnelle

Le discours ambiant, centré autour de la consommation et de la satisfaction immédiate, nourrit une intolérance à la frustration. Le principe de plaisir prend le pas sur le principe de réalité. On veut jouir à tout prix et sans entrave, sans se soucier des autres et de l’avenir. Cette nouvelle norme sociale de la jouissance, fragilise notre psychisme et génère davantage de troubles dépressifs, car les limites n’existent plus.

L’individu ne supporte plus la hiérarchie et la morale car cela dérange sa jouissance. Et cette progression de l’immaturité se perpétue par l’éducation. À défaut de se sentir légitimes, des parents veulent pouvoir aimer leurs enfants sans devoir endosser le mauvais rôle. En réalité ce sont eux qui deviennent dépendants de l’amour de leurs enfants. Or ces derniers ont besoin d’un cadre pour construire leur psychisme… Et devenir un jour adultes.

Un livre de grande qualité qui pose une question essentielle !

Une lecture de Dominique BARBIER, psychanalyste (Avignon)

Je préférerais pas – Grandir est-il encore à l’ordre du jour ? Jean-Pierre Lebrun, érès Editions, octobre 2022.

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