J’ouvre le huis clos psychiatrique
Dans un premier ouvrage saisissant, Treize use de son écriture façonnée par la poésie et la frontalité des scènes de rap et slam pour se réapproprier son histoire et raconter dix années de violences psychiatrique. Un récit personnel très fort, dérangeant, au creux duquel en penser bien d’autres. Il rend compte de la brutalité structurelle de l’institution psychiatrique et du pouvoir des psychiatres. Un texte littéraire puissant et libérateur, où l’oralité et la musicalité servent un propos très politique et une parole rare.
« J’ai passé dix ans au pays psychiatrique, ma vingtaine. Années pendant lesquelles j’ai le corps bourré de chimie, la tête écrasée dans l’emprise des discours des psychiatres, une peur XXL verrouillée dans le ventre. Dans ce récit j’ouvre une fenêtre sur un espace qui est tout le temps clos : celui de l’hôpital psychiatrique et des violences qu’on y croise et subit, celui des consultations qui dissocient deux mondes bien distincts. D’un côté, les psychiatrisés, de l’autre, ceux qui possèdent les droits de dominer. Un espace dans lequel l’abus de pouvoir bat son plein. C’est cette histoire-là que je raconte. J’ai des soucis de santé mentale, j’en avais avant la psychiatrie, j’en ai encore aujourd’hui et je surveille ma tête comme on veille le lait sur le feu. Pour me sentir plus forte j’ai eu besoin de trouver comment dire avec justesse ma propre histoire, et j’ai eu envie d’un récit collé au plus près de l’intime pour que d’autres s’y retrouvent. Ce livre vient d’un désir de mise en commun : pour une fois, les transmissions d’informations utiles se font de notre côté à nous. J’ai écrit pour que nous nous sentions moins seuls, j’ai écrit dans la crudité des événements, sans lisser les faits, sans tenter de minimiser leur cruelle portée.«
Un récit chargé qui fait pourtant comme une bouffée d’air.
Eric Lotterie, infirmier en psychiatrie à l'hôpital de Niort, dit "Merci TREIZE" "Treize transpire ses neuroleptiques à pleine page et tente dans un ultime blackboulage de se défaire du garrot innommable. Cette mercuriale, férocement sentie, jetée à la face des administrateurs, bien comptant, de l'hôpital psychiatrique a secoué bigrement les assises tranquilles de mes asiles intellectuels. Un coup-de-poing dans le bide comme des pieds dans le plat aux allures de pavé dans la vitrine. Merci Treize de me renvoyer à la face ce à quoi je tente désespérément d'échapper. Merci de me rappeler que les espoirs et le rêve que j'ai mis dans l'entreprise de mes combats ne sont peut-être que des chimères. Hô je n'était pas vraiment dupe, ce qui aurait été bien plus simple, mais à la lecture de votre musique tourmentée, la (ma) réalité me rattrape. Mon costume de chevalier blanc a pris du Nozinan dans l'aile. Mon art ne serait que Gactil et mes gesticulations sémantiques, futiles et névrotiques. Je le sais depuis le début, avec mon profil de Sancho de la Panza... les moulins du néolibéralisme ne me souffleront jamais au nez que des paradigmes totalitaires. Étudiants infirmiers de tout poils, infirmiers diplômés, psychiatres et psychologues, politiciens et assistantes sociale, humains de tout bords et que sais-je encore, lisez ce livre ! L'idée serait que chacun en persuade treize autres de le lire à son tour."
• Treize, La découverte, coll. Cahier libre, février 2023, 16,50 euros.