Selon cette étude publiée dans le Journal of Clinical Medicine, les femmes souffrant de troubles psychiques sévères et atteintes d’un cancer du sein présentent un parcours diagnostic sous-optimal, subissent des traitements plus invasifs et moins intensifs, ce qui aggravent aussi leur mortalité.
La surmortalité par cancer des individus suivis pour des troubles psychiques sévères (TPS) a été récemment objectivée en France, suggérant que cette population est confrontée à des inégalités de santé. Les facteurs liés aux comportements individuels sont les plus fréquemment mis en avant pour expliquer ce phénomène. Bien que leur rôle doive être davantage exploré, il est nécessaire de considérer le rôle d’autres facteurs : ceux liés aux professionnels et au système de santé.
Cette étude concernant les parcours de soins chez les femmes atteintes d’un cancer du sein et de troubles psychiques sévères (TPS) s’inscrit dans le projet Canopée (Cancers chez les personnes suivies pour des troubles psychiques sévères : quelles difficultés dans les parcours de soins ?) lancé en 2019 dans le cadre de l’appel à projets « Projets libres de recherche en sciences humaines et sociales, épidémiologiques et santé publique » de l’Institut national du cancer (INCA) (lire aussi). L’étude a inclut 1346 femmes avec un cancer du sein incident en 2013/2014 accompagné de TPS préexistant. Ils ont été appariés avec témoins sans maladie mentale grave présentant des caractéristiques démographiques, un type de cancer du sein initial et une année d’incidence similaires. Les parcours de soins en cancérologie et leur qualité pour les cas et les témoins, ont été comparé à l’aide d’un ensemble consensuel d’indicateurs portant sur le diagnostic, le traitement, le suivi et la mortalité (jusqu’en 2017). Les femmes avec des troubles psychiques graves avaient moins de chance de subir les principaux tests diagnostiques recommandés (81, 2% vs 89% pour les femmes sans troubles psychiques et souffrant d’un cancer du sein sans atteinte des ganglions lymphatiques). Quand elles les ont reçu, elles sont par ailleurs moins susceptibles de bénéficier de leur premier traitement dans les 6 semaines suivant la mammographie, avec 39,1M des femmes avec TPS contre 46,5% des femmes sans TPS. La mortalité par cancer, compte tenu des risques concurrents de décès, était significativement élevée chez ces femmes avec TPS.
Les traitements sont plus invasifs chez les femmes avec des troubles psychiques graves. Elles subissent davantage de mastectomies totales que les femmes sans troubles psychiques : plus 54% contre 37% lorsque les ganglions lymphatiques sont atteints.
Ces travaux mettent ainsi en évidence à l’échelle nationale des disparités dans les parcours de soins du cancer du sein des femmes avec troubles psychiques sévères, par rapport aux femmes témoins. Fournir des données sur ces disparités vécues par cette population vulnérable, est une première étape cruciale pour réduire les inégalités en matière de soins. Il y a notamment probablement un gros efforts des politiques publiques à faire sur les processus diagnostiques et le type de traitements adressés à ces patientes. Des recherches supplémentaires sur les mécanismes de causalité contribueront à éclairer, à l’avenir, le développement d’interventions ciblées.
• Breast Cancer Care Pathways for Women with Preexisting Severe Mental Disorders: Evidence of Disparities in France ? Anna-Veera Seppänen 1, Fabien Daniel 1, Sophie Houzard 2, Christine Le Bihan 2, Magali Coldefy 1 and Coralie Gandré 1,3,* J. Clin. Med.2023, 12(2), 412; https://doi.org/10.3390/jcm12020412 Received: 23 November 2022 / Revised: 20 December 2022 / Accepted: 29 December 2022 / Published: 4 January 2023
1- Institut de Recherche et Documentation en Economie de la Santé (IRDES), 75019 Paris, France
2- Institut National du Cancer (French National Cancer Institute—INCa), 92513 Boulogne-Billancourt, France
3- AP-HP, Hôpital Universitaire Robert Debré, 75019 Paris, France
