Protection juridique des majeurs : vers l’élaboration d’une recommandation de bonnes pratiques

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L’enjeu de cette recommandation de bonnes pratiques lancée par la Haute Autorité de Santé est de définir et promouvoir un cadre d’intervention et de collaboration pour l’ensemble des acteurs accompagnant les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique favorisant l’exercice de leurs droits pour être actrices d’un parcours de vie inclusif.

Rappelons que l’exercice du mandat judiciaire participe, avec sa spécificité et au côté des différentes formes d’accompagnement s’adressant aux personnes en situation de vulnérabilité, à favoriser leur autodétermination, leur autonomie, la mise en œuvre effective de leurs décisions, un parcours de vie inclusif et à garantir le respect de leurs droits et libertés. La Haute Autorité de Santé, dans une lettre de cadrage datée du 29 novembre dernier intitulée « Accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours de vie inclusif », souligne « qu’il s’agit de permettre à la personne d’élaborer et d’exprimer ses choix de vie et d’être citoyenne à part entière, tout en assurant sa sécurité et en protégeant son intérêt, est avant tout un enjeu sociétal« . De plus, souligne-t-elle, « son accompagnement global s’inscrit nécessairement au croisement de volontés et de contraintes qui entrent en tension, sur les plans aussi bien juridique, éthique, que des pratiques et des organisations« . L’enjeu de cette recommandation de bonnes pratiques est donc de définir et promouvoir un cadre d’intervention et de collaboration pour l’ensemble des acteurs accompagnant les personnes bénéficiant d’une mesure de protection juridique favorisant l’exercice de leurs droits pour être actrices d’un parcours de vie inclusif.

Données statistiques sur les mesures et leurs bénéficiaires
Au 31 décembre 2020, le ministère de la Justice dénombrait 375 700 personnes bénéficiant d’une mesure de tutelle et 348 400 d’une curatelle. En 2020, 84 500 mesures ont été ouvertes : 54% d’entre elles ont été confiées à la famille (28 500 mesures d’habilitation familiale et 17 000 autres mesures), 29% à un service mandataire, 16% à un mandataire privé et 1% à un préposé d’établissement. Les sauvegardes de justice et les mesures d’accompagnement judiciaire (MAJ) représentent seulement quelques centaines d’ouvertures par an . Du côté des professionnels exerçant la mesure, le nombre de mandataires judiciaires à la protection des majeurs (MJPM) exerçant leur activité dans les services mandataires ou en libéral étaient estimés à 8300 en 2019. A cela s’ajoutaient 632 préposés d’établissement inscrits sur les listes départementales en 2021.

La HAS le souligne : « l’ensemble des acteurs rencontrés, de leur place respective de mandataire judiciaire, de magistrat, de famille, de partenaire médico-social ou sanitaire, de personne elle-même en mesure de protection juridique, témoignent tous d’une tension éthique constante entre : « sécurité et liberté », « respect de ses choix et intérêt du majeur protégé », « autonomie et prise de risque ». Mais au-delà des situations les plus urgentes ou critiques qui mettent manifestement la personne vulnérable en danger, se pose la question de l’évaluation du besoin de protection juridique, au regard notamment des capacités de la personne et des propositions de soutien à envisager ».

Plusieurs situations interrogent tout particulièrement les acteurs rencontrés, notamment le temps consacré à la personne, insuffisant pour l’informer sur les répercussions de la mesure sur sa vie quotidienne et vérifier ce qu’elle en a compris. Autre constat : une connaissance insuffisante par le mandataire judiciaire du fonctionnement singulier des personnes atteintes de pathologies psychiatriques, de troubles neuro-développementaux ou encore
de troubles neuro-évolutifs rend parfois difficile un dialogue constructif et l’établissement d’un lien de confiance, indispensables pourtant pour jeter les bases d’un accompagnement de qualité.

Cette recommandation de la HAS a pour objectif de fournir des repères et des outils au service des pratiques et des organisations en vue de : 
- d'inscrire le mandat judiciaire dans un parcours global d’accompagnement en articulant les interventions des différents acteurs ;
- permettre le développement de l’autonomie de la personne pour décider et agir et favoriser son
autodétermination, notamment en limitant autant que possible les actions substitutives, dans le
cadre d’une prise de risque calculée et partagée ;
- lever les obstacles à l’accès aux équipements et services de droit commun et favoriser un
parcours de vie inclusif.

Pour ce faire, la recommandation sera élaborée selon la méthode « recommandations de bonnes pratiques professionnelles (RBBP) pour le secteur social et médico-social, méthode par consensus simple ». Sont en pratique prévus :
‒ la réalisation d’une analyse critique de la littérature ;
‒ la mise en place d’un groupe de travail (une vingtaine de participants). Six réunions sont prévues (entre juin 2023 et juin 2024), elles pourront être complétées, le cas échéant, par des réunions en sous-groupes pour aborder des thématiques spécifiques et clarifier les principales notions. Le groupe de travail a pour mission l’élaboration des recommandations en s’appuyant sur les données de la littérature et sur l’expertise des professionnels et des personnes concernées ;
‒ des entretiens complémentaires avec les personnes sous mesure de protection qui ne pourrait
participer au groupe de travail pluridisciplinaire (personnes en situation de déficience
intellectuelle, personnes âgées…)
‒ la relecture des recommandations par un groupe de lecture et par les parties prenantes.


Une publication est prévue en septembre 2024.

Lettre de cadrage, Haute Aurorité de Santé, 29 novembre 2022 : « Accompagner la personne nécessitant une mesure de protection juridique dans l’exercice de ses droits et vers un parcours de vie inclusif » (PDF)