Selon une cartographie établie par l’Ordre national des infirmiers (ONI), les infirmières sont réparties partout dans l’Hexagone, y compris dans des zones de déserts médicaux. Une force sur laquelle il faudrait s’appuyer pour faciliter l’accès aux soins, plaide l’association, qui déplie plusieurs propositions dans un communiqué. « Il faut permettre aux infirmières de gagner en autonomie et d’avoir une capacité reconnue de leur diagnostic dans leur champ d’activité. L’accès direct et la reconnaissance de leur rôle dans la coordination du parcours de soins doivent être acceptés et encouragés », souligne P. Chamboredon, Président de l’ONI. L’instance se réjouit dans le même temps des préconisations de la Cour des Comptes qui, dans son dernier rapport*, milite en faveur des transferts de compétences pour améliorer le système de santé.
« Nous nous réjouissons que la Cour des Comptes identifie dans son rapport ce sujet majeur du transfert des compétences comme levier pour améliorer l’accès de tous aux soins de proximité, sur tout le territoire. La rigueur et le sérieux de l’approche de la Cour ne peuvent que contribuer à l’avancée du débat public sur cet enjeu décisif. L’Ordre National des Infirmiers reste pleinement engagé dans les échanges avec les autorités publiques, aux côtés des autres professions de santé, pour travailler sur les modalités pratiques de ces transferts de compétences, dans l’intérêt des patients autant que des soignants. » Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers
Alors que le système de santé actuel ne permet pas de garantir une offre de soins équitable pour tous, l’Ordre national des infirmiers publie une étude cartographique mettant en avant la présence des infirmiers sur toutes les zones du territoire national. Devant ce constat, l’Ordre participe au débat public en présentant des propositions fortes permettant de s’appuyer sur cette présence infirmière généralisée pour lutter contre les déserts médicaux, et permettre l’accès au soin à chaque patient , quel que soit son lieu de résidence en France. L’Ordre portera ces propositions dans le cadre du débat public autour du PLFSS 2023 et à l’occasion du Conseil national de refondation santé.
Une cartographie infirmière inédite, qui montre une présence effective des infirmiers sur tout le territoire national, y compris dans les déserts médicaux
L’Ordre National des Infirmiers publie une cartographie de la profession infirmière en s’appuyant sur la base des 458.000 infirmiers inscrits à l’Ordre (1). Cette étude a été réalisée par un expert de la géographie de la santé, Olivier Lacoste.
Il s’agit d’un matériau inédit, au plus près de la réalité du terrain, car centré sur les infirmiers en activité en 2022 (les infirmiers en formation, en disponibilité ou ayant pris leur retraite, n’apparaissent pas).
Cette publication apporte des enseignements précieux dans un contexte d’insuffisance d’outils de recensement
– pour mémoire, en juillet 2022, la DREES a procédé à une révision à la baisse du nombre d’infirmiers actifs en France de 127.000, soit 17%.
Cette étude de référence apporte un éclairage neuf, notamment sur la densité infirmière dans les déserts médicaux. Elle met en évidence des constats puissants :
• La profession infirmière couvre l’ensemble du territoire national, ce qui constitue une garantie d’accès aux soins pour les Français : la cartographie, qui « descend » jusqu’au niveau des bassins de vie, pointe la présence d’infirmiers sur les 1663 territoires relevés.
• Dans les déserts médicaux, on constate une forte présence d’infirmiers en exercice : la densité infirmière, tous modes d’exercice confondus, est particulièrement élevée dans les zones de sous- dotation médicale, en particulier de médecins généralistes. Si les infirmiers salariés sont naturellement davantage présents dans les villes d’implantation des hôpitaux, les infirmiers libéraux sont installés aussi bien dans les villes moyennes ou grande qu’en milieu rural ou périurbain. Les Maisons de Santé pluridisciplinaires (MSP), présentes dans près de deux tiers des bassins de vie, dessinent de nouvelles formes d’exercice coordonné entre professionnels de santé.
• Certaines nuances territoriales apparaissent, entre des zones où la densité de la présence infirmière est particulièrement élevée – Pyrénées, est de l’Aquitaine, Limousin, Auvergne – et d’autres où elle se concentre davantage dans les villes moyennes ou les capitales régionales – Ile de France, Sommes, ex- Haute Normandie, Pays de la Loire, est de la Bretagne. Mais toutes les zones comportent une présence infirmière significative.
• L’âge moyen des infirmiers – 39,4 ans – est nettement moins élevé que celui des autres professionnels de santé. Cependant, dans les zones où l’âge médian de la population est élevé, l’âge médian des infirmiers est également élevé.
La montée en compétence des infirmiers, solution d’accès aux soins dans les déserts médicaux
Dans ce contexte, l’Ordre considère que la présence des 650.000 infirmiers sur tout le territoire, à l’échelon du bassin de vie, est de nature à apporter une réponse à l’enjeu de demande de soins de proximité de premier recours. D’autant que la période de la pandémie a montré la capacité des infirmiers à bâtir des expériences innovantes, avec le développement du « aller vers » les malades ainsi que les possibilités offertes par les outils numériques qui autorisent le partage d’informations entre professionnels de santé via le Dossier médical partagé (DMP).
En conséquence, l’Ordre réaffirme l’urgence de faciliter l’accès aux soins pour tous à travers des solutions concrètes :
1. Favoriser l’accès direct aux infirmiers en premier recours dans un but d’efficience de la chaîne du soin et de prise en charge des patients
2. Étendre leurs compétences en matière de consultation et de prescription
3. Renforcer la mission de coordination des infirmiers au sein des parcours de soins (« infirmier référent »), afin de les adresser vers d’autres professionnels de santé
4. Leur conférer davantage de responsabilités pour mener des politiques de prévention adaptées à chaque territoire
5. Préserver la dignité des patients décédés et de leurs familles en permettant l’établissement du certificat de décès par les infirmiers
Et spécifiquement pour les IPA (infirmiers en pratique avancée)
6. Garantir l’accès direct (sans protocole) et l’autonomie de la profession
7. Développer la mise en place d’IPA de premier recours (préconisation de la mission flash sur les urgences et soins non programmés)
C’est pourquoi nous demandons la publication du nouveau décret infirmier pour juin 2023, afin que les prochaines promotions d’infirmiers puissent être rapidement formées aux nouvelles compétences.
Des propositions portées dans le débat public, dans la perspective du PLFSS 2023 et du CNR Santé
L’Ordre National des Infirmiers se félicite qu’à date, le PLFSS 2023 présente des avancées sur un recours renforcé du système médical à cette force de la présence infirmière, notamment via l’inscription de l’ouverture de la prescription et de l’administration des vaccins par les infirmiers, mesure demandée de longue date par l’Ordre. Les déclarations du ministre François Braun en faveur de la montée en puissance des IPA, lors de son audition sur le PLFSS par la commission des affaires sociales, ainsi que les déclarations de Stéphanie Rist, rapporteure général du PFLS en faveur de l’extension des prérogatives des infirmiers d’état diplômés d’Etat, vont dans le bon sens.
L’ONI demande la publication rapide des rapports de l’IGAS sur les IPA et les spécialités infirmières, visant à leur garantir une meilleure reconnaissance (il est attendu pour mi-octobre…).
Mais la question majeure, celle des transferts de compétence médicales, demandés par l’ONI mais également par les autres ordres paramédicaux, demeure à traiter. Or, ce n’est qu’à cette condition qu’une nouvelle organisation des soins pourra permettre un accès aux soins universel en France, notamment, mais pas seulement, dans les déserts médicaux, touchés par l’absence de médecins.
Dans cet objectif, l’ONI reste engagé dans la démarche commune des Ordres de Santé à qui le Ministre de la Santé François Braun a demandé de travailler sur la questions de transferts de compétence. Mais à date il ne peut que constater que les travaux ne laissent pas de perspective d’accord sur les transferts effectifs de compétences médicales demandé par les ordres paramédicaux et l’accès direct à ces professionnels pour certaines prises en charge.
Le Conseil National des Infirmiers du 26 Septembre 2022 a validé le fait de porter, dans le cadre de ces négociations, l’accès directs aux IPA, mettre en place des infirmiers de premier recours, donner l’ingénierie du parcours de soins du patient aux infirmiers et acter une réelle autonomie de la profession.
De même, il constate que la refonte du décret infirmier, sur laquelle l’IGAS a été missionnée par le Ministre de la Santé et le Ministre de l’enseignement supérieur en mars 2022, n’a toujours pas donné lieu aux consultations prévues, alors que la démarche devait aboutir à la remise d’un rapport en juillet dernier. L’Ordre reste bien sûr disponible pour ces consultations sur ce sujet décisif.
L’Ordre fera également preuve d’esprit de responsabilité en apportant sa contribution au CNR Santé qui s’est ouvert cette semaine. Par la voie de son réseau de 1200 élus, il prendra part aux déclinaisons nationale et locales du CNR, en étant force de proposition sur les 4 axes de travail définis par le gouvernement :
– Un médecin traitant pour les plus fragiles
– La permanence des soins
– Attractivité des métiers de la santé par territoire
– Comment intégrer la prévention dans ces parcours ?
Concernant l’attractivité des métiers de la santé, l’Ordre s’était d’ailleurs saisi du sujet dès décembre 2021 en appelant alors à lancer les premiers Etats-généraux de l’attractivité des professions de santé, afin d’endiguer l’hémorragie et fidéliser la profession.
« L’Ordre National des Infirmiers veut jouer bien évidement un rôle actif dans les débats en cours sur la réforme de notre système de santé, comme il l’a fait durant le débat présidentiel de l’année écoulée. Mais il est sensible à l’urgence de donner rapidement des solutions concrètes à nos concitoyens qui se trouvent privés de ce droit fondamental qu’est l’accès aux soins.
La cartographie que nous présentons aujourd’hui démontre de manière incontestable la présence des infirmiers sur tout le territoire national y compris dans les zones où on ne se trouve pas de médecin traitant. Ce serait une faute de ne pas s’appuyer sur cet atout considérable pour répondre aux besoins de nos concitoyens et enfin régler le problème des déserts médicaux.
Dans cette optique, il faut permettre aux infirmières et infirmiers de gagner en autonomie et d’avoir une capacité reconnue de leur diagnostic dans leur champ d’activité. L’accès direct et la reconnaissance de leur rôle dans la coordination du parcours de soins doivent être acceptés et encouragés. Pour cela, il faut mettre fin aux corporatismes et ouvrir la voie à de réels transferts de compétences entre professionnels de santé. La réécriture du décret infirmier est à cet égard une priorité, qui n’a que trop tardé à se concrétiser. L’ONI reste bien sûr à la disposition des pouvoirs publics pour échanger sur ces sujets et plus largement sur la réforme de notre système de santé, avec toujours l’intérêt des patients et des soignants comme préoccupation première. »
Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre National des Infirmiers
1- Cartes disponibles sur demande auprès de l’ONI.
• Rapport sur l’Application des Lois de Financement de la Sécurité Sociale (Ralfss), Cour des Comptes, octobre 2022.