Née en 1963 au Japon, Ayako David-Kawauchi vit et travaille à Paris. Après une carrière de designer en textile, elle se consacre entièrement au dessin depuis 2005. Pourquoi s’intéresser à ce sujet des enfants ? « J’ai commencé à dessiner au moment où j’ai eu des enfants. Ma propre enfance m’est revenue en mémoire, je me suis beaucoup questionné. Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ? Qu’est-ce qui survient ? C’est l’émotion qui domine, les événements surgissent et les enfants sont vulnérables, malléables, manipulables. Quand on les observe, quand on s’imprègne à leur contact, on voit tout, on comprend tout, comme si tout était inscrit. » À ses yeux, les enfants apparaissent comme les premières victimes, des violences, des crises, des guerres… Sa démarche s’inscrit comme
une réflexion protéiforme sur la perte de l’innocence.
Travaillant à partir de modèles qui posent dans son atelier ou chez eux, l’artiste fait apparaître des personnages entremêlés, aux contours multiples, suggérant les hésitations, ou plusieurs trajectoires ou temporalité. Tracés au fusain, rehaussés de pierre noire ou de pastel, ils expriment l’intériorité de ces jeunes filles et garçons absorbés dans leurs pensées, plongés dans un univers invisible, secret. « Ce sont de véritables rencontres avec mes modèles. Je me mets “dans leur peau”, je reçois leur odeur, leurs ressentis… Les émotions sont captées par la ligne du trait. Depuis longtemps, je travaille avec ces lignes et leurs effacements. L’inconscient et le conscient, tout ce qui vit
affleure à la surface de mes dessins. Dessiner pour moi, c’est un peu comme une cérémonie, une manière de faire le deuil. »
Si l’art transcende le malheur et la difficulté d’être, cet univers touche sa cible. Souvent douloureux, ces dessins portent aussi le rêve, le fantastique, ce qui sauve. « Il faut bien faire avec son parcours, et avancer ». Une œuvre puissante, à fleur de peau, à la fois grave et lumineuse, dont la sincérité et la grâce bouleversent.
• Ayako David-Kawauchi a collaboré avec la revue : Familles incestueuses, n°271, octobre 2022.
• Le site de l’artiste : https://ayakodavidkawauchi.weebly.com
• Voir des œuvres à la galerie Sabine Bayasli, 99 rue du Temple, Paris 3e, https://galeriesabinebayasli.com