Développé au CH Princesse Grace (Monaco), le programme MY ACT Addiction1 conjugue de façon originale approches thérapeutiques classiques (TCC, ACT) et principes de la thérapie fondée sur l’auto-compassion. Il s’agit d’aider la personne à atténuer son anxiété et ses jugements autocritiques, et à développer un regard bienveillant sur soi.
L’addiction concerne souvent des personnes présentant une vulnérabilité psychologique en lien avec des traumatismes précoces et de premières relations d’attachement insécures. La consommation serait une tentative d’autorégulation de la détresse émotionnelle par la recherche d’un soulagement immédiat et transitoire. Dans cette perspective, le maintien de l’abstinence représente un défi pour les thérapies actuellement disponibles, car il confronte les patients à des émotions qu’ils cherchent à éviter.
Le programme MY ACT Addiction (voir aussi encadré) comporte 8 séances groupales hebdomadaires centrées sur les processus suivants :
– développement d’un soi compassionné comme base de sécurité interne (séances 1, 2) ;
– tolérance à la détresse, conscience de soi et flexibilité psychologique (séances 3, 4, 5) ;
– attitude compassionnée et relation apaisée (séances 6, 7, 8).
En pratique, des exercices sont proposés pour travailler les capacités d’autorégulation, d’auto-apaisement, et la conscience introspective. Les bénéfices du programme sont actuellement investigués par une étude observationnelle2 qui mesure l’évolution en pré- et post- traitement du craving, de la dépression, de la conscience de soi et la flexibilité psychologique, de la capacité d’auto-compassion et du style d’attachement relationnel.
Quid de la Thérapie Fondée sur la Compassion La thérapie fondée sur la compassion (TFC) s’inscrit dans le courant des thérapies cognitives et comportementales de troisième vague, centrées sur les émotions. Le concept a été développé par Paul Gilbert, Professeur de Psychologie Clinique à l’Université de Derby (Royaume-Uni) en 2010, qui définit la compassion « comme le fait de développer une sensibilité particulière à sa propre souffrance et à celle des autres, avec un engagement profond à essayer de la soulager et de la prévenir. » Intimement lié à la Mindfullness (pleine conscience) et aux thérapies d’acceptation et d’engagement (ACT), la TFC se base sur un modèle intégratif et trans-diagnostique du fonctionnement humain et non sur un modèle psychopathologique spécifique. Elle se situe dans une perspective évolutionniste, forte de l’apport des neurosciences affectives et sociales en lien étroit avec la théorie de l’attachement. L’acceptation et la compassion sont les piliers de cette approche. La TFC intègre des pratiques méditatives et peut se pratiquer en individuel ou en groupe. La TFC a pour objectifs : - l’amélioration de la régulation émotionnelle et de la conscience de soi grâce à l’activation du système d’apaisement et d’affiliation : installation d’une base de sécurité interne, de stratégies d’apaisement et d’un regard bienveillant envers soi-même ; - le développement d’une motivation au changement en favorisant la congruence entre les émotions et les comportements et en développant des attitudes compassionnées envers soi et les autres. L’auto-compassion est une ressource puissante pour faire face à la souffrance psychologique. De plus en plus d’études montrent l’intérêt de l’auto-compassion en psychothérapie, notamment sur la diminution de la détresse psychologique chez des patients présentant des diagnostics variés même en rapport avec des groupes contrôles actifs. L’auto-compassion active un système de soins de soi (care) qui comporte un ancrage biologique, comme le système d'attachement (caregiving). A l'inverse, le manque d'auto-compassion est impliqué dans le développement de différents troubles psychiques souvent en lien avec une fragilité de l'attachement. Initialement développée pour le traitement de troubles psychiques complexes et chroniques associés à un fort sentiment de honte et de critique envers soi-même et à la présence de traumatismes précoces, la TFC s’adresse à des patients souffrant de pathologies diverses comme les troubles anxieux ou thymiques et les troubles de personnalité.
Les premiers résultats obtenus avec un groupe de 8 patients (5 hommes et 3 femmes), d’âge moyen de 42 ans, et ayant une addiction de plus de 10 ans (6 à l’alcool et 2 à la cocaïne) ont montré :
– une réduction significative du craving, de l’anxiété et de la dépression ;
– une amélioration de la conscience de soi, de la flexibilité psychologique et de l’auto-compassion (la bienveillance envers soi, l’acceptation, la pleine conscience et le sentiment d’humanité commune).
L’évolution de ces processus aurait permis d’atténuer chez les patients l’autocritique excessive et la honte de soi, et de faire évoluer le style d’attachement vers une base plus sécure. Les composantes affectives et relationnelles induites par la thérapie centrée sur l’auto-compassion permettraient de soutenir l’acceptabilité des interventions thérapeutiques centrées sur les émotions et favoriser le maintien de l’abstinence.
1- L’Étude MY ACT Addiction est réalisée par E. Chaix-Murys dans le service d’addictologie du Centre Hospitalier Princesse Grace de Monaco (Dr. Valérie Aubin, Dr. Jean-François Goldbroch, Dr. David Szekely) en collaboration avec le laboratoire LAPCOS de l’Université Côte d’Azur et Pr. Galina Iakimova ; elodie.murys@chpg.mc
2- Chaix – Murys, E., Szekely, D,. Iakimova, I,. (2022, janvier). Addiction et liens d’attachement : intérêt des applications thérapeutiques centrées sur l’auto-compassion au sein d’une prise en charge comportementale et cognitive. Congrès de l’Encéphale, Paris, 19-21 janvier, 2022.