L’enfant présent au cours d’un féminicide doit être considéré « comme co-victime du meurtre » et des mesures immédiates de protection doivent être enclenchées, notamment une hospitalisation de 72 heures pour évaluation somatique et pédopsychiatrique. Une instruction détaille l’organisation à mettre en place, sur la base d’une expérimentation réalisée depuis 2016 en Seine-St-Denis et à déployer au niveau national.
Cette instruction, publiée dans le Bulletin officiel Santé, protection sociale, solidarités détaille l’organisation d’un protocole de prise en charge d’un enfant témoin d’un féminicide. Il fournit des repères et outils aux équipes hospitalières de pédiatrie et de pédopsychiatrie, pour prendre des mesures immédiates, et notamment l’hospitalisation. Le texte rappelle en préambule « le caractère traumatisant de ces situations (…), qui rend la mise en place d’actions concertées pour la protection et la prise en charge de l’enfant, absolument indispensables. (…) Pour l’enfant, voir l’une de ses figures d’attachement tuée par l’autre est probablement l’un des traumatismes les plus difficiles à surmonter. En outre, ce sont aussi les éléments de son environnement et ses points de repère (maison, école, amis, etc.) qui sont largement bouleversés. Ces bouleversements l’exposent à un traumatisme psychique important, et un fort risque de complications développementales. L’enfant est donc gravement affecté et doit être considéré comme co-victime du meurtre, a fortiori lorsqu’il a été présent et témoin de l’acte. Les pouvoirs publics se doivent ainsi de protéger au mieux l’enfant victime, par une prise en charge immédiate adaptée. »
Dans ce contexte, les professionnels qui interviennent directement sur les lieux du crime, au premier rang
desquels les services de santé, de justice, de police et d’aide sociale à l’enfance, doivent réagir vite, alors qu’ils sont eux-mêmes confrontés à la complexité d’une situation qu’ils connaissent mal. Cette instruction vise à fournir une marche à suivre, « une feuille de route claire et formalisée portant sur les actions immédiates à mettre en œuvre dans l’intérêt de l’enfant, à laquelle chacun puisse se référer dans un temps restreint, en urgence. »
L’intérêt de ce protocole, qui a donc été expérimenté en Seine-Saint-Denis, est double :
– d’une part, fixer un cadre d’action précis et sécurisant pour les acteurs (le parquet, les forces de l’ordre, l’aide sociale à l’enfance, les services de santé) amenés à agir dans l’urgence (…) ;
– d’autre part, organiser une hospitalisation immédiate et systématique de l’enfant victime dans un service de pédiatrie dans le cadre d’un protocole de soins conjointement défini entre services de pédiatrie et de pédopsychiatrie. C’est en effet le dispositif de prise en charge le mieux à même de protéger l’enfant, de lui apporter les premiers soins immédiats nécessaires, de commencer à construire le parcours de soins nécessaire à l’issue de son hospitalisation et de permettre une évaluation de la situation globale de l’enfant et de son entourage par les services de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
« Il s’agit d’offrir à l’enfant (ou à la fratrie) une prise en charge adaptée à sa qualité de victime de violences, notamment psychologiques, un espace de protection au regard des répercussions de l’acte de féminicide ou d’homicide au sein de la cellule familiale élargie, ainsi qu’un temps d’évaluation et de prise en charge de l’ensemble des conséquences médicales et sociales de l’acte sur sa personne et ses conditions de vie. »
• Instruction N° DGOS/R4/DGCS/PEA/2022/103 du 12 avril 2022 relative au protocole-type de prise en charge des enfants présents lors d’un féminicide ou homicide au sein du couple, Bulletin officiel Santé – Protection sociale – Solidarité n° 2022/10 du 29 avril 2022, P. 277-292, en pdf