Dépression résistante : de quoi parle-t-on ?

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Comment et pourquoi distinguer une dépression sévère ou chronique d’une dépression résistante ? Quelle prise en charge mettre en place ? Le Dr Lila Mekaoui, psychiatre à la Clinique des maladies mentales et de l’encéphale (GHU-Paris Psychiatrie et Neurosciences) répond à ces questions dans un podcast de la chaine « Psyché ».

Selon le Dr Lila Mekaoui, le diagnostic de dépression est d’abord clinique : recueil des signes, anamnèse, historique des traitements… Le praticien peut également utiliser les classifications de la CIM-10 ou du DSM-5 et s’appuyer sur des questionnaires. Un épisode dépressif est ainsi défini par la présence d’un certain nombre de symptômes durant au moins les 15 derniers jours (1).

  • Le sujet doit présenter au moins deux des trois symptômes suivants :
    • humeur dépressive ;
    • perte d’intérêt, abattement ;
    • perte d’énergie, augmentation de la fatigabilité
  • Le sujet doit présenter également au moins 2 des symptômes suivants :
    • concentration et attention réduite ;
    • diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi ;
    • sentiment de culpabilité et d’inutilité ;
    • perspectives négatives et pessimistes pour le futur ;
    • idées et comportements suicidaires ;
    • troubles du sommeil ;
    • perte d’appétit.

Une fois le diagnostic d’épisode dépressif caractérisé posé, il faut en évaluer la sévérité selon trois niveaux (léger, modéré ou sévère) à partir d’un certain nombre de critères cliniques ou à l’aide d’échelles.

Et pour la dépression résistante ?

La dépression résistante est définie par l’échec d’au moins deux essais successifs de traitements antidépresseurs bien conduits en termes de dose et durée au cours de l’épisode dépressif actuel (2). La notion de résistance diffère donc de celles de sévérité ou de chronicité. Selon le Dr Lila Mekaoui, il faut néanmoins au préalable éliminer les critères de pseudo résistance : problème d’observance thérapeutique (si le patient n’a pas bien pris son traitement ou qu’il a été pris à moins de 80% du temps), interaction médicamenteuse ou problème de métabolisme rapide des médicaments.

La sévérité est fonction de l’intensité de symptômes, tandis que la résistance est fonction de la non-réponse au traitement.

La dépression résistante emmène tout le monde avec elle, l’entourage ne comprend pas…

Marie-Jeanne Richard, Présidente de l’UNAFAM,

Le Dr Lila Mekaoui précise que si dans la dépression sévère, on peut craindre un danger imminent pour le patient, dans la dépression résistante, d’autres dangers moins bruyants et moins imminents sont néanmoins importants. En effet, une dépression résistante peut conduire à une forme de chronicité avec des conséquences sociales et familiales invalidantes pour le sujet. On sait également que la dépression résistante peut amener à un plus grand risque de récurrence et de chronicité. Dans ce contexte, le pronostic social et fonctionnel du sujet est important : plus on passe du temps en dépression, plus on est à risque de garder des séquelles cognitives et attentionnelles de ces épisodes de dépression. L’enjeu est donc de parvenir à repérer la dépression résistante et à la traiter précocement

En savoir plus : Ecouter le podcast  » Une dépression résistante est-elle forcément une dépression sévère ou chronique ? » Dr. Lila Mekaoui

RETENIR
La résistance concerne une proportion importante de patients (2). Leurs chances d'atteindre la rémission diminuent après plusieurs lignes de traitement et aggrave ainsi le fardeau de la dépression (3).
- 150 000 patients seraient en situation de dépression résistante en France, soit environ 30% des patients atteints de trouble dépressif majeur (4)
- Après 3 lignes de traitement, les chances d’atteindre la rémission ne sont plus que de 13,7% (3)
- La résistance est responsable d’une aggravation du fardeau de la maladie. La mortalité toutes causes confondues est augmentée de 35% par rapport aux patients souffrant de dépression non résistante (5).
La prise en charge de la dépression résistante répond à un besoin réel et urgent. Les experts s'accordent à dire qu'il est nécessaire d'avoir dans l'arsenal thérapeutique des traitements plus efficaces. En termes de parcours de soin, l’identification précoce des patients et le recours aux structures hospitalières sont également primordiaux (6, 7, 8, 9). Une identification précoce des patients souffrant de dépression résistante leur permettrait de bénéficier d’un traitement mieux adapté plus rapidement (6)
- Une identification précoce des patients souffrant de dépression résistante leur permettrait de bénéficier d’un traitement mieux adapté plus rapidement (8).

Références

[ 1] HAS. Synthèse de la recommandation de bonne pratique : Épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours. Diagnostic. Octobre 2017.

[2 ] Holtzmann et al. Quelle définition pour la dépression résistante ? Press Med 2016;45(3):323-328

[ 3 ] Rush AJ et al. Acute and longer-term outcomes in depressed outpatients requiring one or several treatment steps: a STAR*D Report. Am J Psychiatry 2006; 163(11): 1905‒1917.

[ 4 ] Bosco‐Levy P, et al. Treatment resistant depression incidence and prevalence using the French nationwide claims database. Pharmaco epidemiol Drug Saf. Disponible a l’adresse : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/pds.5082.

[ 5 ] Chapeaud et al. Prise en charge des troubles dépressifs résistants : recommandations françaises formalisées par des experts de l’AFBPN et de la fondation FondaMental. L’Encéphale 2017;4S1-4S24.2017; 12(2): e0171659.

[6 ] Van Krugten F et al. Indicators of patients with major depressive disorder in need of highly specialized care: a systematic review. PLOS One 2017; 12(2): e0171659.

[ 7 ] Oluboka O et al. Functional Recovery in Major Depressive Disorder: Providing Early Optimal Treatment for the Individual. Patient Int J Neuropsychopharmacol 2017; 21(2): 128–144.

[8 ] European Medicines Agency. Guideline on clinical investigation of medicinal products in the treatment of depression. EMA/CHMP/185423/2010 Rev.2013.