Harcèlement moral, discriminations, violences physiques… que pensent les praticiens du comportement de leurs confrères, au travail et dans la vie privée ? Tel est l’objet de l’enquête menée auprès de 1 000 médecins par Medscape. 26% des répondants indiquent avoir subi des comportements inappropriés sur leur lieu de travail. Medscape en rappelle la définition : une attitude « non professionnelle ou irresponsable et contraire à l’éthique« .
Les promoteurs de cette enquête l’expliquent : « le corps médical n’a évidemment pas l’exclusivité des comportements inappropriés, que ce soit dans leurs contenus ou dans les facteurs qui les favorisent, bien soulignés dans une nouvelle enquête de Medscape* : stress professionnel, problèmes personnels, patients (ou « clients ») exigeants, évolution des mœurs… Mais ils prennent un relief particulier dans le cadre d’une profession dont la place est singulière dans le fonctionnement social, comme le reconnaissent à la fois la majorité de la population et des praticiens. Il est frappant de constater que presque trois enquêtés sur cinq mettent en avant l’arrogance comme facteur favorisant un comportement inapproprié. On pourrait facilement l’interpréter comme étant la version dévoyée d’une fierté légitime d’exercer le métier de médecin, favorisée par l’entre-soi de cette profession qui pendant longtemps a défini elle-même sa propre morale« .
Ce que montre en creux l’enquête menée auprès des lecteurs, (1000 médecins) et dont les résultats ont été dévoilés le 24 mars dernier, « c’est bien le mouvement souterrain qui affecte le corps médical dans ses valeurs à défaut de l’être pleinement dans les faits. Comme il a souvent été noté, le médecin n’est plus le notable garant d’une morale commune et dont de ce fait le comportement doit être irréprochable. Que cela reste vrai sur le plan professionnel, tout le monde en convient. Sur le plan privé, c’est une autre affaire. »
Un comportement inapproprié est ici défini comme une attitude non professionnelle ou irresponsable ; être irrespectueux envers les patients, les collègues ou d’autres individus. Par exemple, être publiquement en état d’ébriété ou vêtu de façon offensante, harceler, tenir des propos à caractère sexuel ou raciste, se moquer des patients ou ne pas tenir compte de la vie privée des patients…
Si l’époque insiste sur la nécessité de séparer les deux et les jeunes en sont les premiers promoteurs, il n’empêche qu’un médecin reste une autorité, avec qui on peut certes discuter, mais qui se doit de montrer l’exemple au moins sur les terrains où sa compétence fait foi : le respect, l’hygiène de vie, les acquis scientifiques… Les promoteurs de l’enquête s’interrogent : « se montrer en bikini sur les réseaux sociaux ? Ça se complique. Dans quelle mesure l’exercice d’une profession implique-t-il de restreindre sa liberté privée ? Les médecins sont soumis aux mêmes interrogations sur la morale commune que le reste de la population et il n’est pas étonnant que beaucoup d’entre eux réclament une éducation civique, car c’est bien de cela qu’il s’agit en définitive. Cette éducation aurait d’ailleurs tout à gagner à être doublée d’une formation à la philosophie, en s’interrogeant par exemple sur la vieille distinction, autrefois enseignée en classe de Terminale, entre la liberté et la licence« .

Plus de 3 médecins sur 5 ont déjà été témoins de conduites inappropriées de la part d’autres praticiens au cours des 5 dernières années.

La majorité des médecins ayant des comportements inappropriés sont des hommes (7 sur 9). Dans la moitié des cas, les praticiens incriminés étaient des quinquagénaires.

Les enquêtes de Medscape livrent en conclusion ceci : « elles font apercevoir que le corps médical est de moins en moins imperméable aux interrogations contemporaines. Le rôle des mouvements de patients a souvent été mis en avant. Mais ça n’est pas tout. Son recrutement fait appel à de jeunes générations qui pensent et agissent comme leurs pairs non médecins. Et il se féminise, même si les places en haut de la hiérarchie restent encore largement une chasse gardée masculine. Certains comportements seront de plus en plus inacceptables (alors que les résultats de l’enquête de Medscape montrent que neuf comportements inappropriés sur dix ne sont pas sanctionnés !) et de nombreuses interrogations vont prendre le devant de la scène, ne serait-ce que celles sur l’articulation vie privée/vie professionnelle et les règles de bienséance à l’égard des confrères/sœurs« .

- Enquête sur les comportements inappropriés : qu’en est-il en médecine ?
- Enquête : comportement des médecins sur les réseaux sociaux
*Sondage réalisé en ligne entre le 27 octobre et le 17 décembre 2021. 1077 médecins exerçant en France, membres des sites Medscape/Univadis, y ont participé. un peu plus de la moitié sont des hommes (51%). 40% des répondants exercent en hôpital. 55% sont salariés, 79% exercent à temps plein. Près d’un quart des répondants sont des médecins généralistes.