Une psychiatrie publique à la dérive…

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Alors que le Conseil constitutionnel a censuré l’article réformant le contrôle judiciaire des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie, 14 organismes alertent dans un communiqué commun (ci-dessous) sur le « séisme institutionnel » et « l’insécurité juridique » que cela crée pour les professionnels dès le 1er janvier 2022.

Dans sa décision du 16 décembre 2021, le Conseil Constitutionnel vient de censurer l’article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) sur l’isolement et la contention. En l’état actuel des choses, à compter du 1er janvier 2022, il ne sera plus possible de mettre en œuvre ces pratiques de prise en charge sous couvert de dispositions législatives ad hoc. Cette décision est venue confirmer un risque collectivement identifié de longue date.

Dès lors c’est la responsabilité pleine et entière, civile et pénale, des professionnels qui sera désormais potentiellement engagée, devant l’impossibilité du renouvellement des mesures de sécurisation de la prise en charge des patients. Il s’agit là d’un véritable séisme institutionnel, une première depuis 1838, qui insécurise un peu plus encore les professionnels de psychiatrie pourtant déjà éreintés par la crise structurelle du système de santé, les difficultés de recrutement, et les vagues successives de l’épidémie COVID 19 contre lesquelles ils se sont – et restent encore – fortement mobilisés.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir alerté les pouvoir publics à de multiples reprises et notamment en septembre 2018 sur l’état d’urgence républicaine de la situation ainsi qu’en juin dernier sur l’utilisation totalement inappropriée d’un « cavalier législatif » qu’avaient déjà dénoncé psychiatres magistrats et parlementaires eux-mêmes. Dans ces circonstances, il y a urgence à la sécurisation juridique des établissements publics du pays. Les professionnels de la Santé et de la Justice doivent pouvoir travailler ensemble en toute sérénité conformément aux valeurs de service public qu’ils ont en commun et notamment dans le strict respect des droits des patients.

Cette grave impéritie en arrive aujourd’hui à son point d’orgue. L’inconséquence d’un pilotage hors sol place une fois de plus et de façon désormais inéluctable les établissements de soins, hôpitaux généraux universitaires ou monodisciplinaires dans une situation de vide juridique gravement préjudiciable à la qualité et à la sécurité des soins. Elle ne peut qu’ajouter à la perte de sens qu’éprouve aujourd’hui l’ensemble des professionnels et que traduit de façon gravissime l’effondrement de l’attractivité de la discipline.

• Une psychiatrie publique à la dérive, sans boussole ni gouvernail… Communiqué commun, en pdf

Signataires :
– Blandine BARUT, Présidente de l’Association des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire (ASPMP)
– Marie-José CORTES, Présidente du Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (SPH)
– Claude FINKELSTEIN, Présidente de la Fédération Nationale des Associations d’usagers en Psychiatrie (FNAPSY)
– Claude GERNEZ, Président de la Fédération Française de la Psychiatrie (Fédépsychiatrie)
– Delphine GLACHANT, Présidente de l’Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)
– Thierry GODEAU, Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Etablissement de Centres Hospitaliers
– Pascal MARIOTTI, Président de l’Association des Etablissements du service public de Santé Mentale (AdESM)
– Gladys MONDIERE, Présidente de la Fédération Française des Psychologues et de Psychologie (FFPP)
– Christian MÜLLER, Président de la Conférence nationale des Présidents de Commissions Médicales d’Etablissement de Centres Hospitaliers Spécialisés
– Annick PERRIN-NIQUET, Présidente du Comité d’Etudes des Formations Infirmières et des Pratiques en Psychiatrie (CEFI-Psy)
– Marie-Noëlle PETIT, Présidente de l’Association Nationale des Psychiatres Présidents et Vice-Présidents de Commissions Médicales d’Etablissements des Centres Hospitaliers (ANPCME)
– Norbert SKURNIK, Président de l’Intersyndicale de la Défense de la Psychiatrie Publique (IDEPP)
– Olivier TELLIER, Président de l’Association française des Unités pour Malades Difficiles (UMD)
– Michel TRIANTAFYLLOU, Président du Syndicat des Psychiatres d’Exercice Public (SPEP)