Quand les infirmiers de réanimation fuient l’hôpital

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Dans un communiqué commun les professionnels et les sociétés savantes de réanimation alertent les pouvoirs publics sur la fuite des infirmiers de réanimation de l’hôpital et les conséquences désastreuses en matière de formation et de transmission des savoirs.


A l’heure de la 5ème vague, nous souhaitons attirer l’attention de tous sur les unités de réanimation, ce sujet étant totalement absent des débats politiques actuels, en particulier du débat présidentiel.
L’hôpital dans son ensemble va mal, depuis longtemps déjà. Et si les services de réanimation ont pu faire face depuis le printemps 2020 grâce à une mobilisation sans précédent de tous les soignants, aujourd’hui la situation est bien différente.
La recrudescence des cas de Covid provoque une hausse des hospitalisations en particulier en réanimation et nécessiterait une augmentation du capacitaire, augmentation à laquelle les hôpitaux ont d’énormes difficultés à répondre. Nous ne pouvons pas faire face en raison d’une pénurie de personnel soignant. Les infirmières de réanimation ne sont pas suffisamment nombreuses, et, ce qui est bien plus inquiétant, les plus expérimentées fuient l’hôpital.
Le turn-over des infirmières de réanimation a toujours été important, mais il s’est particulièrement accéléré depuis mars 2020 et il y a aujourd’hui de moins en moins d’infirmières expérimentées dans les services de soins critiques. Le salaire insuffisant n’est pas le seul élément mis en avant par ces démissionnaires. L’incapacité à dispenser des soins de qualité aux patients, l’épuisement professionnel, les conditions de travail trop éprouvantes sont les principaux arguments évoqués. Cette fuite des infirmières à haut niveau d’expertise a des conséquences dramatiques sur la formation des infirmières novices. Ainsi, l’acquisition des compétences spécifiques, qui repose uniquement sur un compagnonnage par les plus expérimentées, est mise à mal, laissant les nouvelles infirmières en situation de détresse et ne garantissant pas une qualité de soins optimale.

La crise sanitaire actuelle a permis de mettre en lumière le métier d’infirmière de réanimation et les compétences spécifiques qu’il requiert alors même que depuis plus de dix ans les sociétés savantes de la discipline (SFAR, SRLF et GFRUP) ont décrit et défendu la nécessaire montée en compétences des soignants de réanimation. Les techniques de soins en réanimation sont de plus en plus complexes (ventilation mécanique, épuration extra-rénale, circulation extra corporelle, mise en décubitus ventral…), accroissent la charge en soins des patients et nécessitent une expertise clinique spécifique pour être dispensées en toute sécurité. Ces compétences s’acquièrent en 12 à 18 mois et nécessitent un temps de formation d’adaptation à l’emploi d’un minimum de 8 semaines.

Malgré les recommandations de la FNIR et des sociétés savantes SRLF et SFAR ainsi que des des CNP-MIR et CNP-ARMPO, le ministère des solidarités et de la santé a préféré repousser l’arbitrage sur la formation et la reconnaissance des infirmières de la spécialité. Le travail réalisé depuis un an avec la DGOS n’a, à ce jour, abouti à rien. Il est urgent d’agir. Les mesures nécessaires pour la reconnaissance des compétences spécifiques des infirmières de réanimation sont :

  • L’obligation pour les infirmières arrivant en réanimation de bénéficier d’une formation d’adaptation à l’emploi (FAE), structurée au plan national.
  • La nécessité de la mise en adéquation du nombre d’infirmières au regard de la charge en soins avec un ratio d’une infirmière pour deux lits de réanimation.
  • La présence dans chaque service de réanimation d’infirmières expertes appuyant leur exercice et leur autonomie renforcée sur une formation de niveau master, et dont une partie du temps serait consacré à la formation et à la recherche
  • La reconnaissance financière des compétences
  • Afin de pouvoir accueillir en réanimation tous les patients dont l’état le justifie et leur permettre d’être pris en charge tout en garantissant la qualité et la sécurité de leurs soins ainsi que leur dignité, il est incontournable d’avoir des infirmières compétentes, correctement formées et reconnues. Cela n’est pas possible en l’état actuel des choses.

Communiqué de presse Fédération Nationale des Infirmiers de Réanimation (FNIR) – Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) – Société de Réanimation de Langue Française (SRLF) – Groupe Français de Réanimation et d’Urgences Pédiatriques (GFRUP) – Conseil National Professionnel d’Anesthésie-Réanimation et Médecine Péri-Opératoire (CNP ARMPO) – Conseil National Professionnel de Médecine Intensive et Réanimation (CNP MIR) – Décembre 2021