La Conférence des Présidents de CME de Rhône-Alpes-Auvergne réunie le 12/10/21 alerte les tutelles quant à la crise actuelle et au démantèlement progressif de la Psychiatrie publique. Elle fait le constat de l’impact catastrophique sur l’offre de soins aux usagers pour toutes les classes d’âge (enfants, adolescents, adultes et personnes âgées). Communiqué.
La crise de la Psychiatrie qui est annoncée depuis plus de 10 ans est maintenant un état de fait.
Cette crise est celle de la pénurie croissante des praticiens hospitaliers en Psychiatrie (plus d’un tiers des postes hospitaliers sur l’ensemble du territoire national sont actuellement non pourvus). Cette pénurie, qui, de façon plus extensive, concerne l’ensemble des soignants, annonce une crise sans précédent; on constate déjà, dans certaines régions, un phénomène d’effondrement de l’offre de soins… Les soutiens renouvelés au niveau médiatique, de même que les annonces ministérielles (y compris celles des Assises nationales récentes) ne répondent aucunement à la réalité de la situation et ne fournissent aucune réponse, ni à la nature ni à la gravité de la crise actuelle qui va s’étendre inexorablement si des mesures de sauvegarde ne sont prises rapidement.
Les augmentations de poste avancées seront totalement inutiles s’il n’y a pas de professionnels qualifiés pour candidater sur les postes créés…, le développement de la recherche, certes intéressant, ne solutionnera pas cette problématique…
La Psychiatrie publique est sollicitée de toutes parts, mise en situation de faire face :
- à l’augmentation sans cesse croissante et multifocale de la demande de soins psychiques avec l’extension de ses missions, encore augmentée par la crise sanitaire,et l’on ne cesse de souligner le rôle fondamental qui est le sien ;
- à la réduction des moyens en personnel et à l’exigence sécuritaire
- à la complexification et aux lourdeurs aggravées des réglementations et des tâches administratives,
Concernant la démographie médicale en « désorganisation », la Conférence fait les constats suivants : - la situation des effectifs médicaux devient catastrophique dans un nombre croissant d’établissements entraînant la fermeture brutale d’unités en intra comme en extra-hospitalier entraînant un retour de l’hospitalo-centrisme;
- concernant la formation des internes, la situation est très alarmante et vire à l’absurde: la maquette actuelle du cursus de formation qui ne correspond plus à une formation de base à la pratique hospitalière de la Psychiatrie (la priorité est donnée à une surspécialisation organisée), le cumul excessif des semestres universitaires, l’absence flagrante de régulation. Est constatée unanimement l’inadéquation de la formation avec les missions du service public et la disparition progressive des internes sur les EPSM et les ESPIC.
- selon un autre revers, les conséquences de ce dysfonctionnement impactent directement l’arrivée de la nouvelle génération de praticiens; de tels cursus ne permettent plus aux EPSM, ni aux ESPIC d’avoir un continuum de formation/attractivité permettant l’embauche de jeunes collègues.
S’organise la mise sur le marché de professionnels surspécialisés qui ne correspondent pas aux postes vacants et ne trouveront pas de poste adéquat (les centres experts n’offriront qu’un très faible quota de débouchés possibles…) avec un risque à terme sur leur employabilité.
La question de l’attractivité médicale des postes médicaux hospitaliers est désormais une des questions essentielles.
Mais ce qui est encore plus préoccupant en est la conséquence à terme, à savoir que cette pénurie installée devienne une problématique en soi de la fonction publique ; le risque étant d’évoluer vers une crise de santé publique majeure, centrée sur l’impossibilité de renouvellement d’une génération de praticiens hospitaliers.
On assiste ainsi à l’installation d’une désertification médicale se répercutant sur l’ensemble des établissements ayant des missions de service public (public et privé non lucratif, secteur urbain et ruraux, petits et grands établissements…) auxquels s’ajoutent les établissements du médicosocial.
Un nombre de plus en plus important de praticiens —déjà hyper-sollicités et se maintenant actuellement sur leur poste, où ils doivent compenser les départs et vacances de postes, y compris parfois auprès d’autres services —finissent par être épuisés par le nombre de charges surajoutées (continuité, astreinte…) avec des risques psychosociaux de plus en plus marqués.
Dans ces conditions qui se généralisent, les praticiens se retrouvent dans une situation d’impasse : être obligé de quitter l’hôpital ou se maintenir coûte que coûte en activité, avec le risque d’évoluer vers l’épuisement professionnel et le burn-out…Dans ces conditions, il devient totalement irréaliste de garantir la qualité et la sécurité des soins,et dans certains cas même, la simple continuité des soins.
La Conférence des Présidents de CME d’ARA demande instamment aux tutelles de prendre conscience de la crise actuelle et également de leurs responsabilités face à cette crise. Comment le système hospitalier peut-il être en mesure de garantir à minima les soins « de base », les urgences, les soins à l’hôpital, les suivis complexes —y compris concernant la réduction des mesures d’isolement et de contention, —sans disposer du minimum d’effectifs de spécialistes (et plus généralement de soignants)…? Face à cette situation de catastrophe sanitaire annoncée, nos établissements ne reçoivent aucune directive, aucune recommandation quant à la gestion de cette crise démographique.
La Conférence des Présidents de CME d’ARA demande impérativement à l’ARS Auvergne Rhône Alpes de donner aux établissements les moyens de fonctionner, requis en intra comme en extra-hospitalier, afin de garantir une continuité, une qualité et une sécurité des soins acceptables.
Pour la Conférence des Présidents de CME des EPSM et ESPIC de la région Rhône-Alpes-Auvergne :
Dr Laurent Labrune , Co-président régional de la Conférence CH de la Savoie
Dr Jean-Pierre Salvarelli, , Co-président régional de la Conférence CH de St-Cyr au Mont d’Or.
Destinataires:
-Monsieur Olivier Veran, Ministre des Solidarités et de la Santé,
-Madame Katia Julienne, Directrice de la DGOS, Ministère des Solidarités et de la Santé,
-Jean-Yves Graal, Directeur Général de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes,
-Monsieur Igor Busschaert, Directeur de l’offre de soins de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes,
-Monsieur Serge Malacchina, Délégué régional Fédération FHF ARA,
-Dr Christian Muller, Président de la Conférence Nationale des Présidents de CME des EPSM et membres de la Conférence Nationale,
-Dr Franck Bellivier, Délégué Ministériel à la santé mentale et à la Psychiatrie,
-Dr Patrick Bouet, Président du Conseil National de l’Ordre des Médecins,
-Dr Michel David, Président de la Fédération Française de la Psychiatrie,
-Mme Claude Finkelstein, Présidente de la FNAPSY,
-Dr Thierry Godeau, Président de la Conférence Nationale des PCME de CH,
-Directeurs hospitaliers,
-Association Adesm,
-Organisations syndicales.
Communiqué de presse du 15 novembre 2021