La visite du centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime), réalisée par six contrôleurs des lieux de privation de libertés du 29 mars au 2 avril 2021, a donné lieu au constat de dysfonctionnements dans la prise en charge des personnes détenues constituant un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les constats les plus graves, objets des présentes recommandations en urgence, relèvent des atteintes à la dignité et du non-respect du droit à la santé et à la sécurité. Les recommandations ont été publiées au Journal Officiel du 18 mai 2021.
Le centre de détention de Bédenac dispose de 194 places dont dix au quartier des arrivants ; il fonctionne en régime portes ouvertes de 7h15 à 19h. Parmi ces places, vingt cellules individuelles sont proposées dans un bâtiment situé à l’écart du reste de la détention et disposant d’un propre espace extérieur. Ouverte en 2013 et appelée « unité de soutien et d’autonomie » (ou bâtiment G), cette construction neuve a été initialement conçue pour accueillir des personnes détenues vieillissantes nécessitant d’être hébergées en cellule pour personnes à mobilité réduite (PMR).
En 2021, le contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL) ne peut que constater qu’en raison du transfert de patients en perte d’autonomie depuis toute la France au cours des deux dernières années, les prises en charge, pénitentiaire et sanitaire, ne sont adaptées ni aux besoins concrets des personnes détenues, ni à l’évolution de leur état de santé :
• des personnes âgées, lourdement handicapées et souffrant de pathologies graves, sont maintenues en détention au mépris de leur dignité et en violation de leur droit à l’accès aux soins. Quinze personnes nécessitent et disposent d’un lit médicalisé. Huit personnes se déplacent en fauteuil roulant. Trois personnes souffrent de démence, quatre autres ont des séquelles d’accidents vasculaires cérébraux avec hémiplégie, troubles musculaires, comportementaux et cognitifs divers. Trois personnes souffrent d’incontinences urinaires ou fécales et ne bénéficient d’une tierce personne pour la toilette que deux à trois fois par semaine. De nombreux patients associent plusieurs pathologies somatiques nécessitant des contrôles fréquents ;
• malgré les alertes régulières des soignants depuis quatre ans, les autorités sanitaires n’ont pris aucune mesure d’adaptation de l’offre de soins. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation n’ont par exemple, jamais élaboré de convention pour la prise en charge pénitentiaire des personnes détenues ;
• les conditions d’hébergement portent atteintes à la sécurité des personnes détenues : les cellules PMR ne sont pas adaptées au public accueilli qui nécessite des chambres répondant aux normes de sécurité exigées. Le nombre de surveillants affectés aux escortes n’est pas adapté aux besoins d’extractions médicales forcément élevés pour ce public ;
• les possibilités judiciaires d’adaptation de la peine aux situations individuelles ne sont pas suffisamment exploitées : les magistrats sont notamment confrontés à une pénurie de médecins experts surtout psychiatres et à des délais d’expertise trop longs.
L’administration pénitentiaire doit d’urgence suspendre toute nouvelle incarcération au centre de détention de Bédenac de personnes dont l’état de santé n’est pas compatible avec les prises en charge proposées.
L’ensemble de ces dysfonctionnements entraînent le maintien au sein de cette unité de personnes dont l’état de santé est, pour certaines, incompatible avec l’incarcération et dans des conditions attentatoires à la dignité. Selon le CGLPL « aucune mesure d’enfermement ne devrait être mise en oeuvre dans des conditions qui ne permettent d’assurer le respect ni de la dignité ni des droits des personnes qu’elle concerne, quel que soit leur âge ou leur état de santé. Les ministères de la santé et de la justice doivent définir et mettre en oeuvre une politique permettant de mettre fin à ces mesures lorsqu’elles concernent des personnes dont l’état physique ou psychique ne permet pas de garantir l’effectivité de ce principe. Dans l’intervalle, l’administration pénitentiaire et les services de santé doivent mettre en place l’ensemble des moyens leur permettant d’assurer le respect de l’intégrité physique des personnes concernées, leur accès aux soins et à l’hygiène la plus élémentaire ».
« Il doit être mis un terme sans délai aux conditions indignes de détention des personnes souffrant de pathologies et handicaps incompatibles avec les prises en charges proposées ; leur droit d’accès aux soins doit être respecté et l’assistance personnelle qu’elles nécessitent doit être immédiatement mise en place ».
Les présentes recommandations ont été adressées au ministre des solidarités et de la santé, au garde des Sceaux, ministre de la justice et au ministre de l’intérieur. Au Journal Officiel du 18 mai 2021 et en application de la procédure d’urgence, la Contrôleure générale a publié des recommandations relatives au centre de détention de Bédenac. Le ministre de la justice et le ministre de la solidarité et de la santé ont apporté des observations communes, également publiées au Journal officiel.
• Recommandations du 16 avril 2021 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté prises en application de la procédure d’urgence (article 9 de la loi du 30 octobre 2007) relatives au centre de détention de Bédenac (Charente-Maritime) .