Chez les jeunes patients psychotiques, le risque de décès par suicide est beaucoup plus élevé qu’en population générale. Différentes caractéristiques des troubles psychotiques eux-mêmes pourraient être considérés dans une perspective préventive, selon cet article à retrouver sur le site de l‘agence Science presse.
Le 8 avril 2021, trois Québécois sont décédés par suicide, et c’est ainsi tous les jours [1]. Le taux de décès par suicide est plus élevé chez les personnes qui présentent un premier épisode psychotique (PEP), soit 18 fois plus élevé que dans la population générale [2]. Avant même leur premier contact avec les services psychiatriques, de 26,2 % à 56,5 % des individus qui présentent un PEP auront des idées suicidaires et jusqu’à 10 % d’entre eux feront une tentative de suicide [3]. Ces pensées ainsi que ces comportements sont accompagnés d’une grande souffrance tant chez ces personnes que chez leurs proches. Pour en venir à diminuer le taux de suicide chez cette population, les chercheurs s’intéressant aux PEP tentent de définir les caractéristiques des troubles psychotiques qui contribuent au développement des idées suicidaires, des tentatives de suicide ainsi qu’au décès par suicide.
Un début qui importe
Le PEP représente l’émergence d’un trouble psychotique caractérisé par une altération du contact avec la réalité [4]. Il survient généralement entre 15 et 26 ans chez les hommes et entre 24 et 32 ans chez les femmes [5]. Les deux à cinq années qui suivent le PEP sont déterminantes, puisqu’elles prédisent l’évolution à long terme de la personne sur le plan de son fonctionnement (travail, école, relations sociales, etc.) et de ses symptômes. En effet, un plus jeune âge au moment de l’apparition du trouble psychotique augmente le risque de tentatives de suicide et de décès par suicide [6]. Une plus longue durée de psychose non traitée est également associée à un plus haut risque de tentatives de suicide au début de la maladie [7]. D’ailleurs, des programmes d’intervention pour PEP ont été mis en place au Québec et dans plusieurs pays du monde, tels que le Royaume-Uni, l’Australie et la Norvège, pour soutenir les personnes atteintes d’un PEP [8]. Ces programmes permettent notamment de minimiser les effets de cette maladie en offrant, de façon précoce et intensive, un traitement pharmacologique adapté, un suivi continu, un accès à des services de soutien à l’emploi et aux études, un soutien à la famille ainsi qu’une transition vers d’autres services à la fin de la période de soins [9]. En plus de ces programmes d’intervention pour PEP, la détermination des caractéristiques des troubles psychotiques associées au risque suicidaire, comme les événements de vie difficiles, les symptômes psychotiques et les troubles associés, permettrait de cibler dès le début de la maladie les personnes à risque de suicide et d’intervenir sur les facteurs modifiables.
Avant même le début de la maladie, de nombreux facteurs sont impliqués dans l’apparition du trouble psychotique. Ceux-ci seraient le résultat d’une interaction entre des facteurs biologiques (dont des prédispositions génétiques ainsi qu’une configuration cérébrale particulière) et des stresseurs socioenvironnementaux [10]. D’ailleurs, les personnes atteintes d’un PEP ayant vécu récemment des événements de vie stressants et traumatiques, tels que des difficultés financières, des problèmes de logement ou des abus, auraient un risque presque deux fois plus élevé de présenter des comportements suicidaires [11]. Des interventions visant à développer des stratégies d’adaptation pour faire face aux événements de vie négatifs, comme des stratégies de gestion du stress, de résolution de problèmes et de régulation émotionnelle, pourraient réduire le risque suicidaire chez cette population [12]. Des études seront toutefois nécessaires pour tester l’efficacité de ces interventions sur le risque suicidaire.
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Un article de Roxanne Sicotte, étudiante au programme de doctorat en sciences biomédicales à l’Université de Montréal
RÉFÉRENCES
[1] Levesque, P., Pelletier, E. et Perron, P.-A. (2020). Le suicide au Québec : 1981 à 2017 – Mise à jour 2020. Institut national de santé publique du Québec. https://www.inspq.qc.ca/publications/2642
[2] Yuen, K., Harrigan, S. M., Mackinnon, A. J., Harris, M. G., Yuen, H. P., Henry, L. P., Jackson, H. J., Herrman, H. et McGorry, P. D. (2014). Long-term follow-up of all-cause and unnatural death in young people with first-episode psychosis. Schizophrenia Research, 159(1), 70-75. https://doi.org/10.1016/j.schres.2014.07.042
[3] Bornheimer, L. A. (2018). Suicidal ideation in first-episode psychosis (FEP): Examination of symptoms of depression and psychosis among individuals in an early phase of treatment. Suicide & Life-Threatening Behavior, 49(2), 423-431. https://doi.org/10.1111/sltb.12440
Pompili, M., Sera, G., Innamorati, M., Lester, D., Shrivastava, A., Girardi, P. et Nordentoft, M. (2011). Suicide risk in first episode psychosis: A selective review of the current literature. Schizophrenia Research, 129(1), 1-11. https://doi.org/10.1016/j.schres.2011.03.008
[4] Abdel-Baki, A., Lalonde, P. et Gingras, N. (2016). Schizophrénies. Dans P. Lalonde et G. F. Pinard (dir.), Psychiatrie clinique : approche bio-psycho-sociale (4e éd., vol. 1, p. 327-371). Chenelière Éducation.
[5] Ibid.
[6] Clarke, M., Whitty, P., Browne, S., Mc Tigue, O., Kinsella, A., Waddington, J. L., Larkin, C. et O’Callaghan, E. (2006). Suicidality in first episode psychosis. Schizophrenia Research, 86(1-3), 221-225. https://doi.org/https://doi.org/10.1016/j.schres.2006.05.026
Dutta, R., Murray, R. M., Allardyce, J., Jones, P. B. et Boydell, J. (2011). Early risk factors for suicide in an epidemiological first episode psychosis cohort. Schizophrenia Research, 126(1-3), 11-19. https://doi.org/10.1016/j.schres.2010.11.021
[7] Clarke et al., op. cit.
[8] Ministère de la Santé et des Services sociaux. (2019). Cadre de référence. Programmes d’interventions pour premiers épisodes psychotiques (PIPEP). Gouvernement du Québec. https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-001978/
[9] Ibid.
[10] Abdel-Baki et al., op. cit.
[11] Fedyszyn, I. E., Robinson, J., Harris, M. G., Paxton, S. J. et Francey, S. (2012). Predictors of suicide-related behaviors during treatment following a first episode of psychosis: The contribution of baseline, past, and recent factors. Schizophrenia Research, 140(1-3), 17-24. https://doi.org/10.1016/j.schres.2012.06.022
[12] Ibid.