Gestion de la crise Covid-19 : le rapport qui accable

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Après six mois d’auditions à l’Assemblée nationale, la commission d’enquête parlementaire chargée d’évaluer l’impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l’épidémie de Covid-19, qui a fait plus de 50 000 morts en France, a conclu ses travaux et finalisé son rapport qui identifie les fautes, les failles, les défaillances, les dysfonctionnements, majeurs et nombreux. La mission qui a conduit 56 auditions formule les propositions suivantes :

Anticipation
1. Reprendre les exercices de crise de type « pandémie » à un rythme régulier ; le cas échéant, ne procéder qu’à des exercices partiels sur certains aspects du plan.
2. Élaborer un plan « pandémie » générique, non uniquement grippale, adapté à une plus large variété de situations et mobilisable rapidement, faisant l’objet d’actualisations régulières ; lui conférer un volet capacitaire établissant les ressources critiques nécessaires et leur volumétrie, en équipements et en ressources humaines.
3. Instituer un ministre délégué, placé auprès du Premier ministre, chargé de l’anticipation des crises, sanitaires ou d’une autre nature, disposant des services du SGDSN et de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises et responsable :
– de l’organisation de la planification de la réponse aux différents risques ;
– de l’élaboration de la liste des produits, équipements et services devant figurer dans le stock stratégique, reconnus comme produits, équipements et services d’importance vitale, ainsi que le contrôle de ces stocks stratégiques.
– de l’organisation de la formation à la gestion de crise et la diffusion d’une culture de prévention des risques dans la société ;
– de la coordination des politiques de relocalisation des filières de production des équipements, produits et services d’importance vitale, celles-ci devant permettre de couvrir a minima 50 % des besoins nationaux en temps de crise.

Stocks stratégiques et logistique
4. Redéfinir la liste des produits et équipements devant figurer dans les stocks stratégiques et leur dimensionnement sous l’autorité du ministre délégué chargé de l’anticipation des crises ; clarifier la doctrine d’emploi des stocks stratégiques en matière de santé et l’étendre explicitement à la protection des personnels de santé en cas de crise sanitaire majeure (pandémique ou autre) ; informer les différents acteurs de leurs responsabilités dans la constitution de stocks tactiques ou de stocks de sécurité le cas échéant et contrôler à échéances régulières la constitution effective de ces stocks.
5. Mettre fin à la doctrine du stock « tampon » pour instaurer un véritable stock « tournant », dans lequel les commandes sont lissées en fonction de la durée de validité des produits et les produits arrivant à péremption distribués aux établissements de santé, tout en maintenant un stock minimal élevé (un milliard de masques chirurgicaux).
6. Formaliser dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale un débat sur le volume et l’état des stocks stratégiques.
7. Confier la gestion des stocks stratégiques à un opérateur dont cela constituerait la mission principale, placé sous le contrôle du ministre délégué auprès du Premier ministre chargé
de l’anticipation des crises.
8. Consolider les capacités de production françaises d’équipements de protection individuels et en particulier de masques sanitaires pour garantir la souveraineté et l’indépendance
française en la matière, y compris en temps de crise ; garantir une production au moins égale à 50 % des besoins en temps de crise sur le territoire national ; reconnaître aux usines
de production de masques sanitaires le statut d’opérateurs d’importance vitale et aux produits et services concernés celui de produits et services d’importance vitale.
9. Repenser le rôle de Santé publique France dans la logistique de crise et, le cas échéant, adapter le réseau des sites de stockage ; anticiper et planifier des procédures de réponse à
une crise sanitaire par Santé publique France dans sa dimension logistique, s’agissant notamment de la montée en puissance des effectifs ou de l’adaptation des procédures ; garantir un suivi en temps réel des stocks, notamment en cas flux importants en fréquence et en volume.
10. Accroître le rôle des préfets dans l’organisation logistique de la distribution de produits sanitaires en cas de crise ; définir en amont le rôle de la sécurité civile, des sapeurs pompierset de l’armée, dont les moyens et les compétences doivent être largement employés, dans la distribution de produits sanitaires.

Gestion de crise et territoires
11. Instaurer des agences départementales de santé sous l’autorité hiérarchique des préfets afin de faire de ces agences de véritables acteurs sanitaires de proximité.
12. Pour mettre fin à la dualité de la chaîne de commandement qui a été préjudiciable dans la gestion de la crise sanitaire, rendre aux préfets de département la compétence de la gestion
des crises sanitaires.

13. Donner un droit de regard aux préfets sur les stocks stratégiques positionnés au niveau zonal.

Dépistage
14. Engager la relocalisation en France de l’industrie du diagnostic in vitro afin de ne plus être dépendant des importations mondiales et retrouver une réelle souveraineté sanitaire.
15. Déployer un réseau d’IHU en maladies infectieuses sur l’ensemble du territoire national couvrant chaque zone de défense afin d’être mieux préparé à l’avenir et de réagir plus vite
en cas de nouvelle pandémie.
16. Soutenir les travaux permettant de mieux apprécier et de prendre en compte la contagiosité réelle d’une personne positive à la Covid-19 afin de mieux cibler la stratégie d’isolement

Système de soins
17. Renforcer les liens entre la médecine de ville et la médecine hospitalière et développer des plans de de crise qui prévoient l’intégration des soins primaires à la réponse sanitaire.
18. Mener une enquête approfondie sur les conséquences en termes de santé publique du recul des soins durant la première vague de l’épidémie de Covid-19.
19. Renforcer significativement les moyens humains et financiers consacrés à la gestion de la réserve sanitaire. Assouplir les procédures de recrutement et de déploiement des
personnels pour en faire un outil plus opérationnel en temps de crise.
20. Adapter les politiques de formation des personnels médicaux et paramédicaux aux besoins sanitaires présents et futurs, en prenant en compte les postes disponibles dans chaque
spécialité.
21. Améliorer la polyvalence de certaines professions médicales afin de répondre aux besoins issus de crises sanitaires et pouvoir renforcer les équipes des services les plus sous tension,
comme la réanimation.
22. Dans la lignée du Ségur de la santé, rééquilibrer le partage des pouvoirs à l’hôpital entre les directeurs d’établissements et les représentants du corps médical, en renforçant significativement les pouvoirs de la conférence médicale d’établissement (CME).

EHPAD
23. Associer davantage le conseil de la vie sociale dans la prise de décisions ayant des conséquences pour les résidents et les familles y compris dans la gestion de crise
24. Informer les établissements plus en amont de la mise en place de nouvelles mesures.
25. Pérenniser le dispositif des astreintes gériatriques (hotlines) et soutenir la mobilisation des équipes mobiles de gériatrie et les équipes mobiles de soins palliatifs dans les EHPAD.
26. Renforcer le lien entre les EHPA et les services d’hospitalisation à domicile.
27. Encourager le développement de la certification électronique des décès, en particulier dans les EHPA.
28. Associer davantage le conseil de la vie sociale dans la prise de décisions ayant des conséquences pour les résidents et les familles y compris dans la gestion de crise.
29. Revoir en profondeur le modèle des établissements pour personnes âgées dans le cadre de la loi sur le grand âge renforcer la prise en charge des résidents d’EHPAD en organisant
le rattachement de ces établissements à un établissement de santé, qu’il soit public ou privé.