Le collectif Initiative psychiatrie estime que les mesures d'accompagnement de la réforme de la loi sur l'isolement et la contention sont loin d'être à la hauteur des nouvelles charges induites. Selon un communiqué, le financement annuel doit porté au moins à 50 millions d’euros, au lieu des 15 millions actuellement inscrits au PLFSS.
Afin de tenir compte d’une décision du Conseil Constitutionnel et des recommandations de la Haute Autorité de Santé, l’article 42 du PLFSS prévoit de modifier le code de la santé publique pour y introduire principalement les évolutions suivantes :
– Un encadrement des durées d’isolement, qui devront être renouvelées toutes les 12 heures, et ne pas dépasser 48h, sauf exception ;
– Un encadrement des durées de contention, qui devront être renouvelées toutes les 6 heures, et ne pas dépasser 24h, sauf exception ;
– Un contrôle effectif de ces décisions d’isolement et de contention par le Juge des Libertés et de la Détention (JLD) et un droit effectif au recours devant le JLD accessible à l’ensemble des personnes habilitées.
Ces décisions s’imposent d’un point de vue juridique, et nous considérons de fait qu’elles vont dans le bon sens pour garantir le respect des libertés individuelles et de l’éthique, et permettre d’exercer les soins dans la transparence et la confiance avec les usagers et l’ensemble du corps social.
Les soins psychiatriques sans consentement représentent des prises en charge d’une grande technicité et d’une grande complexité, reposant avant tout sur des personnels soignants qui doivent être formés spécifiquement, en nombre suffisant, et disposer des moyens matériels leur permettant de travailler dans des conditions de sécurité et de sérénité maximales. Il s’agit le plus souvent de prises en charge à risque, en raison des conséquences possibles des troubles psychiques perturbant dans certains cas le discernement : opposition aux soins, conduites suicidaires et auto- agressives, agitation avec risque d’agressivité et de violence, risques de fugues, etc. A la prévention de ces risques potentiellement graves, pouvant mettre la vie des patients et des personnels en danger, s’ajoute naturellement la mission première des soignants qui est d’accompagner psychologiquement et médicalement les patients dans leur maladie et vers leur rétablissement, ce qui est d’autant plus difficile dans le cadre de soins sans consentement.
Toutes les recommandations de bonne pratique définissent les décisions d’isolement et de contention physique comme des solutions de derniers recours, après échec de toutes les alternatives existantes. Ces alternatives reposent là aussi avant tout sur la disponibilité et les compétences de soignants en nombre suffisant. Tous les acteurs et organisations de la psychiatrie reconnaissent qu’un des facteurs conduisant depuis quelques années à l’augmentation du recours à l’isolement et à la contention est la baisse des effectifs de personnels dans les unités. Par ailleurs, l’encadrement juridique et la « traçabilité » (registres) de ces décisions et de leur surveillance exigent de très nombreux actes médico-administratifs qui s’ajoutent à toutes les charges des services de psychiatrie. Les nouvelles obligations introduites dans l’article 42 vont encore plus alourdir ces charges pour les personnels médicaux, soignants et administratifs. Le risque est alors très grand de voir s’amplifier, du fait d’une charge de travail et d’une responsabilité juridique accrues, l’épuisement et le découragement des personnels, ce qui ne peut se traduire que par une dégradation de la qualité des soins et par des difficultés de recrutement encore majorées.
L’article 42 du PLFSS prévoit, pour faire face à ces besoins supplémentaires, un accompagnement annuel de 15 millions d’euros s’ajoutant au budget national de la psychiatrie. Ce financement doit permettre (extrait de la proposition de loi) : – le développement des équipes d’appui intersectorielles de prévention de crise, – le renforcement des équipes soignantes des unités de soins sans consentement en recrutant des infirmiers supplémentaires, – la formation continue destinée au personnel (droits des patients, gestion de la violence, renforcement des compétences…), – le renforcement du système d’information pour améliorer le suivi des mesures d’isolement et de contention, – des mesures de restructurations immobilières, – et enfin la compensation des dépenses supplémentaires induites pour le ministère de la justice comme l’augmentation de l’aide juridictionnelle accordée aux avocats en défense des intérêts des patients (entre 0,29M€ et 5,54 M€) et l’augmentation des effectifs de magistrats et fonctionnaires de greffe (entre 5,58 et 55,78 ETP).
A l’évidence, le budget proposé de 15 millions d’euros ne sera absolument pas suffisant pour couvrir toutes ces dépenses rendues indispensables par le nouveau texte de loi. Il faut rappeler qu’il existe environ 250 structures d’hospitalisation psychiatriques publiques en France, et qu’environ 80 000 patients sont pris en charge en soins sans consentement en France tous les ans. Le budget proposé correspond à attribuer environ 150 000 euros par département français, ce qui ne représenterait que trois emplois de soignant par département, sans pouvoir ainsi couvrir aucunement toutes les charges supplémentaires décrites ci-dessus.
La conséquence directe de cette insuffisance budgétaire sera une nouvelle dégradation des conditions d’accueil et de soins des patients, ainsi qu’une dégradation des conditions de travail des personnels. La santé mentale est actuellement en grande souffrance en France, il serait inacceptable d’aggraver cette souffrance et de fragiliser encore l’offre de soins.
Pour éviter cette catastrophe, nous demandons que le financement annuel prévu à l’article 42 du PLFSS soit porté au moins à 50 millions d’euros, et s’accompagne d’une évaluation médico- économique annuelle pour l’ajuster aux dépenses effectives.
Le plan d’accompagnement doit en effet au minimum répondre aux besoins suivants :
– Recrutement de personnels soignants supplémentaires pour les unités de soins psychiatriques sans consentement ;
– Plan de formation ambitieux et récurrent pour les personnels prenant en charge les soins psychiatriques sans consentement ;
– Plan de rénovation architecturale pour adapter les locaux à des prises en charge susceptibles d’éviter l’isolement et la contention.
Législation sur l’isolement et la contention en psychiatrie : les mesures d’accompagnement financières sont loin d’être à la hauteur des nouvelles charges induites, communqiué du 9 novembre en pdf. En savoir plus sur le site d'Initiative psychiatrie.