Position de l'association nationale des directeurs et cadres d'Esat (Andicat) relative au contenu du dernier rapport de l'IGAS sur l'emploi des personnes handicapées
Le énième rapport sur l’emploi des personnes handicapées, paru en juillet 2020, se fonde sur un double présupposé : le système actuel est épuisé ; par ailleurs, il n’est pas assez inclusif.
1- Des constats justes sur la situation actuelle
La prévention, la préservation de la santé au travail, l’amélioration des conditions de travail, le maintien et l’accompagnement dans l’emploi pour tous ne peuvent, selon l’IGAS, que faciliter
l’activité professionnelle des travailleurs handicapés ou devenus handicapés.
Les auteurs soulignent aussi la difficulté de généraliser les besoins et les difficultés des personnes dites handicapées en relevant la grande diversité des handicaps ; ils mentionnent également le faible niveau de formation d’un grand nombre d’entre eux, ce qui est un frein conséquent à leur embauche.
Le rôle positif des entreprises adaptées et des ESAT dans l’inclusion sociale est justement mis en valeur. Une légitime critique est, par contre, formulée sur la complexité et l’opacité des dispositifs de formation et d’emploi, rendant inefficace l’accès aux mesures prévues.
2- Des approches contestables
Tout d’abord, les auteurs proposent de renoncer à identifier et à nommer les handicaps au non d’une approche « sociale » par opposition à celle qui serait individuelle et médicale.
Cette proposition, maintes fois entendue, émane surtout des associations pour personnes handicapées physiques qui considèrent que l’aménagement de l’environnement fait disparaitre ou
diminue très considérablement les handicaps (« les situations de handicaps ») ; ce qui s’avère totalement inexact lorsque l’on aborde les besoins des handicapés cognitifs et psychiques. Cette proposition, faite au nom de la lutte contre les discriminations, ne peut que masquer, au nom d’une approche supposée globale et inclusive, les véritables problèmes ; ne pas les nommer revient très certainement à ne pas les traiter.
Très logiquement, les auteurs du rapport défendent une approche universaliste effaçant les mesures spécifiques et spécialisées qui, depuis la loi du 11 février 2005, répondent aux besoins de compensation du (des) handicap(s) et ouvrent l’accès aux droits fondamentaux : éducation, formation, emploi, …
Sur ces pré supposés, l’IGAS évoque enfin trois scénarios possibles : le premier, qui consiste à l’amélioration de l’existant, est rejeté au nom de la construction d’une société inclusive ; le second préconise que les personnes handicapées seraient évaluées en situation de travail comme tous les travailleurs ; enfin, le troisième serait centré uniquement sur les populations les plus lourdement handicapées. ANDICAT ne donne pas son aval aux deux dernières options ; en effet, le système actuel permet, en fonction des difficultés personnelles et sociales, l’existence d’une pluralité de solutions (à renforcer et à fluidifier), ouvrant un droit au travail à de nombreuses personnes handicapées.
– Le second scénario évoqué, qui représenterait l’approche inclusive, ne ferait que diluer les questions relatives aux handicaps dans une sorte de magma qui leur serait très probablement préjudiciable ; ce scénario écarte en effet une politique sociale spécifique aux handicaps, ceux-ci seraient englobés dans la notion floue et extensible de diversité. Il n’y aurait plus de quotas, la RQTH serait supprimée. Nul doute qu’une telle approche aboutirait immanquablement à la non prise en compte des besoins concrets des travailleurs handicapés. Ceux-ci seraient noyés dans le concept fourre-tout d’accessibilité universelle.
– La troisième option est mise en application en Grande-Bretagne où seules les situations extrêmes (pour les personnes handicapées âgées) sont soutenues par la collectivité, ce qui met en grande difficulté les autres. Quid alors de la prévention et de la lutte contre la grande précarité ? Rappelons qu’un rapport précédent de l’IGAS mettait en avant le rôle de « bouclier social » des ESAT. Par ailleurs, par ces temps de crise sanitaire et économique, est-ce bien approprié de proposer un bouleversement du système actuel ?
3- La position d’ANDICAT
ANDICAT défend un dispositif réaliste, non dogmatique et qui permet, grâce à des mesures appropriées, l’accès aux droits de tout à chacun. Les réponses actuelles sont tout à fait adéquates pour poursuivre l’amélioration d’un statut individuel décent et la participation sociale.
Les propositions, en apparence positives, contenues dans les deux derniers scénarios de ce rapport ne peuvent en fait que restreindre la protection sociale et l’implication collective vis-à-vis des personnes handicapées.
Rappelons enfin que, contrairement à ce qu’écrivent les auteurs du rapport, tous les pays riches (hors Royaume-Uni) ont globalement mis en place des réponses analogues incluant des mesures et des équipements spécialisés et spécifiques ; ce qui est conforme, contrairement à certaines affirmations, aux textes internationaux. ANDICAT réitère sa demande de constitution d’un groupe de travail qui identifierait, et accompagnerait dans leur mise en oeuvre, les mesures les plus pertinentes contenues dans un précédent rapport de l’IGAS sur les ESAT : pluralité toujours plus accentuée des solutions, formation professionnelle quel que soit le lieu d’activité, renforcement des droits des personnes handicapées, …
Après le vote de lois récentes (2016 et 2018), il nous paraît plus adéquat aujourd’hui de les mettre correctement en application plutôt que de relancer encore une réflexion sur une nouvelle
architecture.
Communiqué Andicat, octobre 2020 – Tél. : 01 42 40 15 28 E-mail : andicat@andicat.org – www.andicat.org