Psychiatrie de la personne âgée : quelles pratiques ?

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En quoi l'exercice de la psychiatrie de la personne âgée (PPA) se rapproche ou se différencie de celui de la gériatrie ou de la neurologie ? Qu'implique pour son identité le passage de la psychogériatrie à la PPA ? La revue Perspectives psy propose un dossier passionnant sur cette sur-discipline. Le psychiatre Georges Jovelet, qui en est le coordonnateur, présente ce numéro.

Les projections démographiques prédisant le vieillissement de la population et l’incidence des manifestations psychiques et psychiatriques liées à l’âge justifient de saisir la genèse et les enjeux de la psychiatrie de la personne âgée (PPA), reconnue comme une sur-discipline depuis 2017. Les cinq articles de ce dossier de Perspectives psy (p 44 à 85) auxquels s’agrègent un avant-propos et l’analyse d’un ouvrage (1) ont l’ambition de « donner aux équipes intervenant dans ce champ l’occasion de parler des patients qui leur sont confiés, de la spécificité de leur pratique et conférer une lisibilité à leur mission » (G. Jovelet).

Les auteurs se sont attachés à définir l’exercice des équipes prenant en soin la personne âgée, d’en rappeler l’intérêt tout autant que la nécessité. Ce qui peut sembler simple pour des spécialités circonscrites à un contenu est ici un ensemble complexe. Il y a ce qui relève du patient et de la singularité de la clinique souvent déconcertante, impliquant le psychique, l’organique et la iatrogénie ; et ce qui tient de l’orientation du psychiatre, des qualités requises pour exercer et la nature des relations intersubjectives qui s’instaurent avec le patient et au sein des équipes. Les modèles théoriques varient entre les références psychopathologiques et neuroscientifiques. Le champ d’intervention inclut les états névrotiques, les différentes formes de dépression, les délires tardifs, et les manifestations en lien avec des maladies neuro-dégénératives auxquelles un article est dédié. L’auteur (P. Charazac, p 64) y réaffirme la compétence des « psy » dans ce domaine. Il convient de ne pas omettre les personnes handicapées psychiques âgées auxquels la revue Santé Mentale a consacré un dossier (2).

En quoi l’exercice se rapproche ou se différencie de celui des disciplines proches que sont la gériatrie, la neurologie ?… Qu’implique pour son identité le passage de la psychogériatrie à la PPA ? Notre sur-discipline ne peut être définie par défaut : ce qui ne relèverait pas de la psychiatrie générale, de la gériatrie ou de la neurologie… Il existe un corpus théorico-clinique qui se singularise par des pratiques diversifiées par leurs lieux d’intervention, le type de relation qui s’engage avec le patient ou résident : travail sur l’histoire de vie, approche compréhensive donnant toute sa place à la parole du patient, à la subjectivité sans négliger l’exploration de troubles cognitifs. La politique de secteur constitue depuis son origine un modèle de fonctionnement institutionnel pour la PPA en s’appuyant sur le travail en équipe, le collectif de soins, la relation avec les familles ou les proches-aidants, en prenant en considération le contexte social.

La diversité d’approche théorique et institutionnelle est illustrée par des vignettes cliniques, dans le cadre d’un suivi psychothérapique de secteur (F. Simon p 71), en institution hospitalière le dernier article y étant consacré (J. Fredouille p 76). La PPA est aussi un terrain d’expérimentation grâce à la création des équipes mobiles, à la mise en place de la télé-psychiatrie, à la signature de conventions ou à la création au sein des Ehpad d’unités pour handicapés psychiques vieillissant (UPHV). C’est à une réflexion clinique, éthique, institutionnelle qu’ouvre ce dossier qui contient à côté d’un rappel historique, des éléments plus polémiques, politiques sur l’avenir de cette sur-discipline.

Perspectives psy, Volume 59 / Numéro 1, Janvier-Mars 2020, parution juillet

1– Vieillir aujourd’hui, Perspectives cliniques et politiques, Publié sous la direction d’Amandine Simon, Alexia Duchêne, Yves-Marie Le Guernic, préface de Cynthia Fleury-Perkins, Nîmes : Editions du champ social, 2019, 192 p.
2– Lorsque vieillissent les schizophrènes, Santé mentale, n° 232, novembre 2019.