La gouvernance des établissements de santé à but non lucratif comme modèle ?

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Une "troisième voie" gagnerait à être transposée aux hôpitaux publics tant elle est source de lisibilité, simplicité, efficacité et reconnaissance. En plein Ségur de la santé, c'est l'appel du pied de plusieurs dirigeants du privé non lucratif, signataires de ce communiqué.

Nos concitoyens s’accordent à reconnaître que les établissements de santé ont récemment su faire front en s'organisant très rapidement . Tous les professionnels, médecins, infirmiers, aides-soignants, mais aussi administratifs, personnels techniques, à tous les niveaux de l’échelle, ont su agir dans le respect mutuel de leurs métiers et de leurs compétences dans le seul objectif de répondre ensemble aux besoins des usagers et de leurs proches. Ces initiatives retrouvées et cette capacité à s’organiser de manière transversale ne sont sans doute pas réapparues par hasard.

Pendant cette période, les directions et les équipes hospitalières ont pu s’affranchir d’une régulation qui depuis des années s’est parfois exprimée par une approche trop bureaucratique, trop technocratique et autoritaire. Trop souvent elle a été déclinée au sein des établissements en des formes de management et de gestion essentiellement budgétaires. Ces démarches ont généré des incompréhensions voire des rejets par des équipes soignantes qui expriment, à juste titre, la « perte de sens » de leurs métiers voire de leur mission de service public.

Notre expérience commune, à divers titres, des deux secteurs hospitaliers publics et privés non lucratifs -investis des mêmes missions et obligations de service public- nous engage à apporter nos témoignages et nos suggestions sur le type d’établissement de santé que nous voulons.
Mieux reconnaître les professionnels, c'est aussi leur faire confiance et leur redonner des marges d'autonomie. L’attractivité de l’hôpital et du secteur médico-social doit être fondée sur des perspectives d’évolution professionnelle et des conditions salariales satisfaisantes comme le soulignent à juste titre les salariés et les organismes professionnels. Mais elle repose aussi sur l’indispensable autonomie des acteurs et des institutions intégrant bien sur la responsabilité qui s’y rattache.
Notre conviction est que le cadre général de la « gouvernance » des structures à but non lucratif mériterait d’être expérimenté dans le public en tant que modèle d’organisation. Pour deux raisons essentielles : une plus grande lisibilité et une plus grande simplicité, gages d'efficacité et de reconnaissance de tous.
– Lisibilité : Le conseil d’administration, où la place des représentants des usagers doit être confortée, est responsable de la bonne conduite de l’institution ainsi que de la pertinence de sa stratégie. Il s’en assure en nommant sur ses compétences professionnelles un directeur qu’il peut révoquer. Garant de l’intérêt général et d’une bonne gestion, ce dernier a les coudées franches pour agir et mettre en place un projet institutionnel partagé impliquant tous les acteurs. Les responsables médicaux et soignants pilotent leurs activités dans une autonomie d’exercice reconnue. Ils ne sont redevables que de leur déontologie ainsi que du respect des orientations générales et des missions de service public de l’établissement.
– Simplicité : Chacun sait ce qu’il a à faire et les échelons hiérarchiques sont simplifiés au possible. Le modèle de décision est raccourci : la direction, porteuse du projet partagé élaboré de manière participative, « discute » les modifications à faire et le plus souvent soutient et accompagne les initiatives des responsables médicaux et soignants. Une fois décidées avec la majorité des acteurs, (mais sans minorité de blocage), elles sont votées par le conseil d’administration et mises en oeuvre rapidement sans arguties inutiles.
Dans l’ensemble, c’est un système qui fonctionne et les salariés sont plutôt heureux d’exercer dans ce type d’établissements où les rejoignent nombre de professionnels, (médecins, directeurs, cadres), parfois lassés des lourdeurs du public. Cela fonctionne aussi parce que chacun est redevable de son action dans sa sphère d’autonomie, (si la gouvernance dysfonctionne, ce qui a pu se produire, le conseil d'administration peut y
mettre fin rapidement).

Pour nous, il est possible dans le secteur public d’expérimenter des dispositions voisines pour répondre au débat directeurs/médecins et lever les blocages à tous les niveaux. Le sujet n’est pas de donner le pouvoir de dire « non » sans justification à un individu ou à un groupe restreint, il est de donner le pouvoir de dire « oui » à une équipe qui a envie d’avancer. L’expérimentation n’aurait toutefois pas de sens si elle n’était pas accompagnée d’un autre mode de régulation, (ce qui soulagerait d’ailleurs beaucoup d’agences régionales de santé), plus simple et plus proche.
Diriger, c’est d’abord faire confiance aux professionnels et à leurs représentants ainsi qu’aux usagers. Pourquoi ne pas essayer de conférer un cadre souple à l’expression de cette confiance ?

Sidonie BOURGEOIS. Ancien directeur général du Groupe Hospitalier Mutualiste de Grenoble, ancien directeur d’hôpital
Antoine DUBOUT. Président de la FondaEon Hôpital Saint-Joseph (Marseille), ancien président de la FEHAP
Michel CALMON. Directeur général de la FondaEon : Santé-Services, ancien DG du CHU de la Réunion, ancien conseiller général des hôpitaux
Cécile KANITZER. Directeur des soins de l’InsEtut de Cancérologie de l’Ouest (ICO), ancienne conseillère paramédicale de la FédéraEon Hospitalière de France
Jean-Patrick LAJONCHERE. Directeur général du Groupe Hospitalier Saint-Joseph (Paris), directeur d’hôpital
Jacques LEGLISE. Directeur général de l’hôpital FOCH (Suresnes), ancien DG de CHU, Président de la Conférence des DG d’établissements MCO de la FEHAP
Dominique MAIGNE. Directeur honoraire de la Haute Autorité de Santé (HAS), ancien délégué général d’UNICANCER
Roland OLLIVIER. Président de la FondaEon Bon Sauveur de Bégard, IGAS honoraire, ancien directeur InsEtut du Management-Ehesp-, ancien directeur d’hôpital
Emmanuelle QUILLET. Directrice des établissements de la Maison Médicale Jeanne Garnier, ancienne directrice générale de l’AssociaEon naEonale pour la formaEon des personnels hospitaliers (ANFH)
Alain TANGUY. Ancien directeur général du Groupe Hospitalité Saint-Thomas de Villeneuve, directeur d’hôpital honoraire
Jean-Dominique TORTUYAUX. Président d’AXESS (confédéraEon des employeurs du secteur sanitaire, social et médico-social), ancien directeur d’hôpital.