Dans un communiqué, la Fédération française de psychiatrie (FFP), rassemblant les principaux acteurs, syndicats et sociétés savantes du soin psychiatrique précise ses positions dans le cadre du « Ségur » de la santé, en prenant en compte les quatre piliers de la concertation : attractivité, financement, simplification et territorialité.
La FFP constate que l’épidémie de coronavirus a montré les limites du système de gouvernance hospitalière actuel. Tout comme nos collègues de la médecine, chirurgie et obstétrique (MCO), nous constatons que nos missions indispensables pour notre pays restent difficiles à mener de manière satisfaisante.
Concernant l’attractivité, la Fédération Française de Psychiatrie soutient une modification de la gouvernance hospitalière, seule susceptible de contrer la diminution de l’attractivité pour les carrières hospitalières en:
– Intégrant les avis des professionnels de terrain pour organiser et développer les politiques territoriales (ARS), de manière décentralisée, en s’appuyant notamment sur les travaux des projets territoriaux de santé mentale (PTSM);
– Modifiant la gouvernance hospitalière:
– En mettant les soins au centre de l’organisation,
– En redonnant toute sa place au service et non au pôle, permettant une coordination clinique efficace au service du soin entre tous les soignants et notamment entre les chefs de service et les cadres de santé,
– En renonçant à une gestion majoritairement administrative et économique,
– Soutenant un travail d’enseignement et de recherche médicale et paramédicale, en associant aux universitaires les professionnels des établissements de santé mentale non universitaires, notamment en s’appuyant sur les modèles existants de fédérations de recherche et sur les sociétés savantes.
Concernant le financement, la Fédération Française de Psychiatrie exige une reprise des travaux sur ce sujet, notamment ceux menés par le Comité de pilotage de la psychiatrie. Mais il faut prendre le temps d’une étude approfondie, notamment sur le codage des actes, car les travaux engagés ne sont pas satisfaisants. Garder le même cap pourrait opposer les exercices publics et privés alors qu’ils sont tous les deux parties prenantes des parcours personnalisés des patients en tenant compte de la diversité des territoires et de leurs offres de soins.
Concernant la simplification, la Fédération Française de Psychiatrie alerte sur l’inflation des protocoles, des recommandations inapplicables, que ce soit dans les soins ou dans l’organisation des formations (complexités inouïes du développement professionnel continu [DPC]ou de la base de données Datadock sur la formation professionnelle inadaptée à la médecine), des lourdeurs administratives entravant des adaptations souples, rapides et lestes aux imprévus -l’épidémie en a été le témoin. En outre, il serait nécessaire, adapté et proportionné que soient revues les lois de 2011 et 2013 afin d’assouplir les modalités de soins sans consentement tout en respectant les droits des patients.
Concernant l’approche territoriale, la Fédération Française de Psychiatrie ne peut que se réjouir de la voir plébiscitée. La psychiatrie depuis 1960, quel que soit l’âge des patients, soutient cette démarche de proximité, sous la forme du Secteur, qui nécessite certes des adaptations inhérentes au temps présent, mais tout en gardant le principe d’une continuité entre prévention, diagnostic et soin, sans pour autant exclure le recours aux services spécialisés dès que l’indication s’impose et en articulation avec le secteur privé et conformément aux PTSM.
De manière plus spécifique, la Fédération Française de Psychiatrie attire l’attention sur les besoins en santé psychique des enfants, et des adolescents, qui nécessitent :
– Une revalorisation de la rémunération des professionnels qui œuvrent en pédopsychiatrie non seulement parce que comme en psychiatrie générale et pour le MCO elle serait équitable à hauteur de la qualification de ces personnels, mais parce que, elle conditionne en pédopsychiatrie la possibilité de maintenir une pluridisciplinarité suffisante dans les équipes. Cela concerne l’ensemble des professionnels contribuant aux soins: psychologues, orthophonistes, ergothérapeutes, psychomotriciens, IDE spécialisés, éducateurs, et assistantes sociales…
– Des moyens suffisants pour la prévention et le soin en pédopsychiatrie(renforcement des CMP, périnatalité, appui aux soins primaires…);
– De soutenir une meilleure articulation et collaboration entre le sanitaire et le médico-social en s’appuyant sur une articulation de la politique de soin et celle du handicap, avec des financements pérennes pour chacun, et la définition des zones de recouvrement de ces champs différenciés;
– D’équilibrer les moyens sur des critères géo populationnels.
La Fédération Française de Psychiatrie tient à ce que l’ensemble de ces réflexions s’inscrive dans un cadre éthique. La crise épidémique a mis en évidence de nombreuses questions éthiques et juridiques et notamment la liberté d’aller et venir, les relations aux personnes âgées (trop souvent abandonnées), l’interdiction des rituels aux personnes décédées, la déscolarisation des enfants et des adolescents, etc. Les inquiétudes, les peurs ont souvent entravé des réflexions de fond qu’il convient de reprendre dès maintenant.
Communiqué FFP du 18 juin 2020, voir https://fedepsychiatrie.fr/