Comment la psychiatrie s'est-elle mobilisée face au Covid-19 ? Dans ce premier bilan le ministère des Solidarités et de la Santé souligne la créativité du secteur et présente 6 organisations innovantes qui pourraient être pérennisées, en phase avec la feuille de route « santé mentale et psychiatrie ».
Le ministère des Solidarités et de la Santé présente dans ce dossier la façon dont la psychiatrie s'est montré réactif face à la crise sanitaire, à partir des remontées du terrain émanant de la cellule de crise « Covid-santé mentale » pilotée par la Direction générale de l'offre de soins (DGOS), en lien avec la Délégation ministérielle à la Santé mentale et à la Psychiatrie, ainsi qu'une série de « visites virtuelles » d'établissements, pour recueillir les témoignages d'équipes de terrain.
Côté bilan, le secteur a fait preuve d'une mobilisation forte et d'une réorganisation rapide. 89 unités « Covid-Psy » ont ainsi été créés pour les personnes avec un handicap psychique, en lien avec les services hospitaliers somatiques.
Commentant ces données, le Pr Frank Bellivier, Délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, salue « des idées nouvelles développées pour s’adapter à la crise. Je pense notamment aux téléconsultations, très appréciées des patients, aux cellules d’écoutes mises en place à destination des soignants et des patients, à l’utilisation des outils numériques pour répondre aux besoins, notamment parmi les jeunes, aux équipes mobiles qui se sont déployées, aux coopérations public-privé. » Il appelle toutefois à la vigilance : « certains patients ont eu du mal à s’adapter à ces changements brutaux et n’ont pas adhéré aux consultations dématérialisées. Il y a eu des situations de renoncement aux soins et on estime qu’environ 10% des files actives ont été (momentanément) perdus de vue. »
Selon le ministère, le « défi post-crise » est désormis de « transformer l'essai et pérenniser certaines actions ».
Focus sur 6 initiatives
• Développement des projets « d’aller vers » les patients au Centre hospitalier Guillaume-Regnier (CHGR) de Rennes
Dès le début de la crise COVID, l’établissement s’est inquiété de l’impact de ce confinement sur l’état psychique des patients en ambulatoire et des risques de rupture de liens, de décompensation et des pertes de suivi. Les équipes médicales et soignantes ont donc développé une attitude pro-active « d’aller vers » les patients au travers de deux axes :
– Développement et intensification des interventions à domicile ;
– Stratégie de rappel systématique de la file active par la mise en place d’outils numériques et téléphoniques pour maintenir le lien thérapeutique.
Dans le prolongement de la cise, l'enjeu est désormais le développement d'organisations type hospitalisations à domicile et d'inetrventions précoces.
• Des coopérations intersectorielles renforcées et une cellule d’écoute pour les soignants en Bourgogne Franche-Comté
Au sein de l’Association Hospitalière de Bourgogne Franche-Comté (AHBFC), compte-tenu de la fermeture temporaire de certaines activités, des personnels ont été redéployés sur les structures médico-sociales internes. Le retour d’expérience permet ainsi d’identifier des modes de coopération entre personnels dédiés au sanitaire et au médico-social et d’envisager les prolongements possibles des nouvelles organisations mises en œuvre en situation de crise.
Par ailleurs, une cellule d’écoute et de soutien psychologique a été mise en place par un réseau de professionnels psychiatres, psychologues et neuropsychologues de l’AHBFC pour tous les professionnels de santé (hospitaliers, libéraux, ESMS, etc.) du bassin géographique d’intervention de l’AHBFC pour toute souffrance psychologique en lien avec l’épidémie COVID-19.
• La mise en place d’un parcours COVIDPSY co-construit entre le CESAME et le CHU d’Angers en Pays de Loire
A proximité l’un de l’autre, le Centre de santé Mentale Angevin (CESAME) et le CHU d’Angers ont coopéré rapidement, et crée notamment dès le début de la crise un parcours Covid-Psy, un dispositif dont les contours et usages ont été adaptés en permanence, pensé de façon collaborative afin de répondre à la prise en charge des patients pendant cette période.
• Une coordination territoriale harmonisée entre des établissements de santé publics et privés ainsi que la médecine de ville en Occitanie
Les établissements de santé privés et publics se sont coordonnés en articulation avec les acteurs des soins de premier recours (les médecins libéraux). Cette organisation a permis, grâce à la coopération public / privé de faire preuve de souplesse et réactivité.
Un comité de pilotage (COPIL) composé de l’ensemble des acteurs du champ sanitaire a été mis en place. Deux fois par semaine, en visio-conférence, se réunissaient les directeurs des établissements, les présidents de l’assemblée médicale de la Communauté psychiatrique de territoire, l’ARS ainsi que des membres de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) Médecins libéraux. En plus de ces derniers, une véritable synergie a été créée en incluant au-delà du champ sanitaire les acteurs du médico-social et du social.
• Le lancement d’une plateforme téléphonique innovante au Centre Hospitalier Charles Perrens à Bordeaux
Outre une réorganisation importante et réactive, le CH Charles Perrens a mis en place une plateforme téléphonique gratuite d’accompagnement psychologique appelée « COVID-psy 33 » dès le 26 mars 2020. Des infirmiers, psychologues et psychiatres répondaient par téléphone, de 10h à 18h du lundi au vendredi. Le but était de soutenir et accompagner les personnes fragilisées par la crise pour limiter les effets du confinement et du déconfinement. La plateforme a reçu en moyenne 40 appels par jour pendant la phase de confinement.
Cette plateforme va évoleur vers un dispositif pérenne appelé « Questions Psy », avec un numéro unique dédéié aux usagers, à leurs familles et aux professionnels de santé.
• Dispositif de soutien à distance pour les parents d’enfants autistes à l’EPS de Ville-Evrard
Face au risque de rupture des parcours de soins, l’hôpital de jour Les Hirondelles de l’EPS Ville-Evrard, en Seine Saint-Denis, qui propose une prise en charge précoce pour des enfants avec autisme, a mis en place plusieurs modalités de soutien parental à distance et facile d’accès. Dès le début du confinement, un « kit d’organisation du quotidien » a été mis à disposition des parents pendant cette période, à l’aide de pictogrammes ou d’ateliers pour tous les domaines développementaux. Des outils en ligne, via les réseaux sociaux (Facebook, Youtube), ont été développés pour enrichir les solutions apportées aux parents. Le succès de ce dispositif a conduit à l’inclure dans la prise en charge des enfants dans la phase de déconfinement.
En savoir plus : Santé mentale, psychiatrie et Covid-19, Dossier de presse, Délégation ministérielle à la santé mentale et à la psychiatrie, en pdf