STOPCOVID : l’avis du Conseil national du numérique

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Dans le cadre de la réponse à la crise du COVID-19, le secrétaire d’État chargé du Numérique a saisi le Conseil national du numérique pour émettre un avis sur les modalités de fonctionnement et de déploiement de l’application pour téléphones mobiles StopCOVID, dont le développement a été annoncé le 8 avril 2020 (1) propose quinze mesures pour assurer une sécurité efficiente.

Quels sont les objectifs de l’application StopCOVID ?

Dans son avis du 23 mars 2020, le Conseil scientifique COVID-19 note que « le confinement est actuellement la seule stratégie réellement opérationnelle, l’alternative d’une politique de dépistage à grande échelle et d’isolement des personnes détectées n’étant pas pour l’instant réalisable à l’échelle nationale » (2). La stratégie sanitaire de dépistage et d’isolement consiste à mener des enquêtes auprès des personnes infectées pour identifier et tester les autres personnes avec qui elles ont eu des contacts à risque (3). Ces autres personnes pouvant être devenues porteuses du virus, la rapidité des enquêtes est un élément déterminant pour limiterla propagation du virus .
Dans son avis du 2 avril 2020, le Conseil scientifique COVID-19 propose ainsi plusieurs critères de sortie de confinement, dont l’un est de pouvoir « s’assurer que les éléments d’une stratégie post-confinement seront opérationnels, incluant notamment […] de nouveaux outils numériques permettant de renforcer l’efficacité du contrôle sanitaire de l’épidémie » (4). Ainsi, l’application StopCOVID est développée pour pouvoir être rapidement mise en place si elle était jugée utile dans une stratégie post-confinement .
À l’étranger, des applications d’historique de proximité ont été développées dans le but d’automatiser et d’accélérer une partie de ces enquêtes, en complément des dispositifs humains. TraceTogether (5), développée par le gouvernement singapourien, est probablement la plus connue de ces applications (6), même si de nombreuses initiatives publiques, privées ou de la société civile sont en train d’émerger en France et ailleurs dans le monde. En Corée du Sud, l’épidémie a été contenue, entre autres, grâce à une politique d’enquêtes très poussées menées par de nombreux fonctionnaires qui ont retracé l’historique des rencontres des porteurs de virus et permis d’identifier et d’isoler les personnes qu’ils auraient pu contaminer (7).
De manière générale, les membres du Conseil national du numérique estiment que le numérique peut être utile pour lutter contre le COVID-19 et qu’il doit être utilisé pour informer, aider et responsabiliser, plutôt que pour contrôler, stigmatiser ou réprimer les individus. Les citoyennes et citoyens doivent être rendus
acteurs de la protection de leur santé et de celle des autres dans un objectif d’intérêt général.

Comment fonctionne StopCOVID ?

Les applications d’historique de proximité ont toutes le même objectif : enregistrer une liste des autres utilisateurs de l’application, avec qui l’utilisateur est entré en contact, et les prévenir a posteriori si celui-ci se révélait infecté par le COVID-19.
Pour enregistrer la liste des personnes rencontrées, StopCOVID s’appuie sur la technologie Bluetooth Low Energy (BLE)(8) , technologie de communication sans-fil dont la portée est de quelques 11 mètres : si un téléphone détecte un autre utilisateur de l’application, il est probable que celui-ci se trouve à proximité du téléphone. Chaque rencontre avec un autre utilisateur de l’application est enregistrée, créant ainsi un « historique de proximité ».
Lorsqu’un utilisateur est testé positif au COVID-19 et avec l’accord de celui-ci, l’application transmet l’historique de proximité à un serveur central, opéré par les autorités sanitaires. En fonction des caractéristiques de chaque rencontre dans cette liste (durée et distance), les utilisateurs les plus à risque sont alertés via une notification sur leur application.
Même si toutes les applications d’historique de proximité partagent le même objectif, les choix techniques ont des répercussions importantes sur le niveau de partage des données de l’utilisateur, pouvant entrer en concurrence avec l’efficacité de la prévention. Par exemple, le fait que TraceTogether ne soit pas anonyme permet de mieux articuler les enquêtes sanitaires manuelles et l’application.

Recommandations

Confiance et gouvernance
– Recommandation n°1 : Créer un comité de contrôle, avec des parlementaires, des chercheurs et des citoyens-experts, disposant d’un pouvoir d’arrêt de l’application .
– Recommandation n°2 : Encadrer l’application par un décret fixant les conditions de sa mise en oeuvre, sa durée dans le temps et des garanties sur la protection des données (base légale, finalité, proportionnalité, durée de conservation des données et du système, minimisation des données, responsable de traitement, voies de recours…).

Souveraineté
– Recommandation n°3 : Favoriser une seule application pour la France, sous l’autorité du Ministère de la Santé .
– Recommandation n°4 : Élargir les prérogatives des autorités de contrôle pour diminuer la dépendance aux fabricants de systèmes d'exploitation mobiles.

Transparence
– Recommandation n°5 : Publier le code source de l’application et des systèmes associés ainsi que leur documentation sous des licences libres et des éléments de vulgarisation.
– Recommandation n°6 : Expliciter le processus déterminant lorsqu’un contact est à risque.

Communication
– Recommandation n°7 : Permettre le signalement des mésusages et des dérives de l’application en créant un numéro vert dédié (pression de l’employeur à installer, interdiction d’accès dans un lieu public).
– Recommandation n°8 : Renommer l’application « AlerteCOVID » pour ne pas lui faire porter de fausses promesses .
– Recommandation n°9 : Organiser des séances de questions-réponses entre les citoyens et les responsables politiques, par exemple à travers des directs sur des médias généralistes (sur les mêmes modalités, organiser des séances à destination de la communauté technique et de la médiation) .

Fracture numérique
– Recommandation n°10 : Mobiliser les acteurs de terrain (collectivités, structures de médiations, associations) pour évaluer les besoins et accompagner les plus éloignés du numérique, voire participer à leur équipement .
– Recommandation n°11 : Assurer la formation des aidants et des médiateurs en mobilisant des solutions existantes.

Expérience utilisateur
– Recommandation n°12 : Simplifier au maximum l’installation et l’utilisation de l’application en épurant son design et en utilisant le français facile à lire et à comprendre (FALC).
– Recommandation n°13 : Clarifier les procédures à suivre en cas de test positif et de réception d’une notification .
– Recommandation n°14 : Proposer une version simplifiée des conditions générales d’utilisation.
– Recommandation n°15 : Créer de l’engagement en rendant le citoyen actif dans la santé de tous, en affichant les statistiques et les consignes sanitaires.
 

(1) UNTERSINGER Martin, HECKETSWEILER Chloé, BEGUIN François et FAYE Olivier, « L’application StopCovid retracera l’historique des relations sociales : les pistes du gouvernement pour le traçage numérique des malades », LeMonde.fr , 8 avril 2020.

(2) CONSEIL SCIENTIFIQUE COVID-19, Avis du Conseil scientifique du 23 mars 2020 , 23 mars 2020.

(3) Ces enquêtes font partie des missions de veille sanitaire et sont déjà obligatoires pour certaines maladies, comme la rougeole. Voir KORDA Robin, « Coronavirus : comment des «enquêteurs» remontent le fil des contaminations », Le Parisien , 28 février 2020.
(4) CONSEIL SCIENTIFIQUE COVID-19, Avis du Conseil scientifique – État des lieux du confinement et critères de sortie , 2 avril 2020.
(5) Voir le site de l’application Trace Together .
(6) Des applications similaires ont été développées : Flux Phone est une application mobile développée par des chercheurs de Cambridge qui suit le comportement des gens pendant une épidémie et qui pourrait être utilisée pour limiter la propagation du COVID-19.
(7) MESMER Philippe, « En Corée du Sud, le respect de la vie privée au défi du traçage des contaminés au Covid-19 », Le Monde Pixel , 5 avril 2020.

(8) La technologie BLE n’a cependant pas été développée pour mesurer des distances entre les appareils et sa précision
pour cette tâche est donc limitée.