Un cadre formateur en Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi) évoque l'engagement des étudiants pour consolider les équipes soignantes dans la lutte contre le Covid-19. Mais dans ce contexte ne faudrait-il pas suspendre la formations ?
Dans ma région, la réserve sanitaire n'est toujours pas déclenchée mais cela ne saurait tarder. L'ARS à d'ores et déjà demandé une liste de volontaires à mobiliser si besoin. Les situations les plus tendues restent les Ehpad et les structures médico-sociales. Dans les faits, les étudiants en soins infirmiers (ESI) en stage sont déjà en renfort (comme étudiant et non en tant que personnel réquisitionné). Ils sont formidables ! Bien entendu, comme tous les soignants, ils ont peur (notamment face au manque de matériel) mais majoritairement ils sont mobilisés. Très peu rechignent à consolider les équipes. Dans notre Institut de formation en soins infirmiers (Ifsi), nous n'avons actuellemnt pas d'étudiants stagiaires en réanimation mais quelque uns en service Covid ou en structures médico-sociales avec des résidents infectés. Ils sont fiers (et ils peuvent l'être !) de participer à quelque chose d'exceptionnel. Pour exemple, une étudiante de L2 s'est portée volontaire pour travailler dans une MAS à 70 km de l'Ifsi (avec des cas de covid, un confinement strict, du personnel absent car infecté). Sans hésiter elle a accepté malgré le fait de rester confinée entre son stage et l'hôtel sans rentrer chez elle. Cette génération que l'on disait "égocentrée", "peu concernée par le travail d'équipe", avec des "valeurs qui nous échappaient", prouve le contraire !
Pour les formateurs, la situation est de plus en plus inconfortable. nous devons assurer la continuité pédagogique (au même titre que l'éducation nationale et l'enseignement supérieur)en mettant à disposition des contenus en distanciel. Nous assurons également la gestion des stages, les demandes de "renfort" et l'écoute des ESI (et parfois de leurs parents…). Dans mon Ifsi, les L2 et L3 sont en stage et en renfort. Nous assurons donc les cours pour les L1 en mettant l'accent sur l'hygiène : précautions standard, précautions complémentaires, port des masques, habillage, mode de contamination… Ils partiront bientôt pour leur premier stage : est-ce bien raisonnable ?
Cette "continuité pédagogique" a t-elle vraiment du sens ? Si encore la fermeture des Ifsi avait duré 1 ou 2 semaines… mais cela fait maintenant 4 semaines que nous enseignons à distance. Je doute de l'efficacité de ce dispositif sur une telle durée. Certes nous avons les outils technologiques à notre disposition : webseminaire, sériousgame, contrôles de connaissances en distanciel… mais tout cela à des limites. Cette continuité pédagogique était légitime pour amoindrir les problèmes posés pour la suite et la validation des formations. Mais maintenant… Les problèmes sont là : quand, comment rattraper ce qui n'a pas été fait ? Comment ne pas priver les étudiants d'une partie de la formation qui leur est due ? Comment faire pour ne pas retarder l'obtention du diplôme pour les L3 ? Quelles incidences pour les parcours de stage ?…). Mais ces problèmes sont-ils si importants aujourd'hui ?
A ce stade de l'épidémie les choses seraient peut être plus claires (et notamment pour nos collègues infirmiers qui se demandent bien ce que nous faisons), si étudiants et formateurs étaient mis à disposition de la réserve sanitaire et la formation suspendue.
D'un point de vue pédagogique, une fois cette catastrophe passée, nous devrons faire fructifier les apprentissages expérientiels des étudiants et éviter que la formation ne reprenne son train train habituel…
Albert, cadre formateur en Ifsi