Dans un rapport daté de décembre 2018, qui vient d'être publié, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) évalue le dispositif actuel des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA). Face à une « insuffisance criante de moyens », la mission propose, parmi 18 recommandations, de créer environ 150 places en Ile-de-France, Paca, Occitanie et Normandie, et éventuellement en Bourgogne-Franche-Comté.
Les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), instituées par la loi de 2002, accueillent des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Elles sont implantées au sein d’établissements de santé et sécurisées par l’administration pénitentiaire. Les neuf premières unités ouvertes, entre 2010 et 2018, regroupent 440 places.
Les Inspections générales des Affaires sociales (Igas) et de la Justice (IGJ) ont été chargées d’évaluer l’efficience des UHSA, leur apport dans la prise en charge psychiatrique des détenus et l’identification des implantations prioritaires à envisager pour une seconde tranche d’installation.
La mission a visité l’ensemble des UHSA et s’est entretenue avec les acteurs concernés, notamment les équipes soignantes et pénitentiaires sur place et un certain nombre de patients détenus.
Le rapport souligne les apports indéniables de ces unités, même si les premières créées se révèlent hétérogènes tant dans leur conception matérielle que dans leur organisation des soins.
Au moment où se prépare une seconde tranche d’installation, la mission formule des propositions afin d’améliorer le parcours de soins du patient-détenu et de mieux graduer l’offre de soins.
Les recommandations
– Recommandation n° 1. Rappeler aux procureurs de la République l’obligation de visite annuelle des UHSA.
– Recommandation n° 2. Maintenir les dispositions de l’article D.398 du code de procédure pénale, au-delà du déploiement de la seconde tranche des UHSA.
– Recommandation n° 3. Au titre des dispositions de l’article D. 398 du code de procédure pénale et afin de fluidifier les admissions, mettre en place un comité paritaire départemental, présidé par le préfet, en présence du procureur de la République et réunissant les directions des établissements pénitentiaires du ressort et le ou les établissements chargés d'assurer les soins psychiatriques sans consentement.
– Recommandation n° 4. Mettre en place un observatoire dédié et commun à la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) et à la direction générale de l’offre de soins (DGOS) pour connaitre les caractéristiques des personnes poursuivies par la justice pénale affectées par des troubles mentaux.
– Recommandation n° 5. Engager une réflexion interministérielle spécifique sur la prise en charge des patients détenus affectés par des troubles mentaux en outre-mer.
– Recommandation n° 6. Renforcer les moyens de prise en charge des problématiques somatiques en développant notamment la télémédecine en UHSA et en mettant en place un plateau technique minimum permettant de répondre aux besoins les plus fréquents, en particulier dentaires.
– Recommandation n° 7. Pour optimiser les transports n’exigeant pas la présence de personnels soignants, doter chaque UHSA de deux véhicules pénitentiaires de transport de personnes détenues.
– Recommandation n° 8. Encadrer les conditions d’un usage raisonné de la visioconférence judiciaire.
– Recommandation n° 9. Intégrer les UHSA dans le périmètre de la nouvelle concession de service public relative à la téléphonie en cellule. S’assurer de l’activation rapide des comptes nominatifs des patients détenus dans les unités.
– Recommandation n° 10. Rappeler par instruction interministérielle la nature hospitalière des missions liées au fonctionnement quotidien des UHSA (distribution des cantines ou prise en charge du linge des patients). N’aménager ce principe qu’après discussion d’une convention type de répartition des charges.
– Recommandation n° 11. Renforcer la présence des SPIP dans les UHSA par la désignation d’un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) référent, et prévoir une organisation de travail à jour fixe. Définir dans une convention locale leurs modalités d’intervention.
– Recommandation n° 12. Planifier la localisation et les capacités des UHSA en se fondant sur une meilleure connaissance des besoins et de l’offre psychiatrique et somatique de droit commun.
– Recommandation n° 13. Valoriser et généraliser les initiatives de rencontre entre les prescripteurs et les structures d’accueil afin d’améliorer l’identification, la compréhension et l’usage des UHSA dans le parcours de soins des patients détenus.
– Recommandation n° 14. Identifier les localisations prioritaires d’UHSA et redéployer des moyens vers les EPSM dans le cadre d’un appel à projet destiné à créer des unités sanitaires spécialisées dans l’accueil de personnes détenues.
– Recommandation n° 15. Limiter les hospitalisations évitables en UHSA en renforçant les moyens des unités sanitaires en milieu pénitentiaire (USMP).
– Recommandation n° 16. Évaluer le fonctionnement des SMPR comme acteur de niveau 2, afin d’en améliorer l’efficience.
– Recommandation n° 17. Créer un service à compétence nationale (SCN), sous double tutelle Santé/Justice, couvrant la totalité du champ de l’offre sanitaire destinée aux personnes placées sous main de justice. Lui confier la coordination et l’évaluation des actions des correspondants « santé des détenus » en ARS et en DISP. Y associer la publication d’un rapport annuel.
– Recommandation n° 18. Confier à la Haute Autorité de Santé, la conduite d’une conférence de consensus, sur les pratiques professionnelles mobilisées dans la prise en charge des personnes sous main de justice souffrant de troubles mentaux et associant toutes les parties prenantes : médicales, judiciaires, pénitentiaires et services de l’Etat.
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Evaluation des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les personnes détenues, J.Emmanuelli et F.Schechter (Igas), V.Delbos, A.Danel et S.Durand-Mouysset (IGJ), rapport Igas, décembre 2018, à télécharger sur le site de l'Igas