Très attendu des professionnels, les textes (deux décrets et deux arrêtés) sur la pratique avancée infirmière sont enfin parus. Ce nouveau cadre d'exercice ouvre des perspectives pour la profession et les soins. La France rejoint ainsi plusieurs autres pays qui ont déjà développé l’exercice infirmier en pratique avancée. Si la santé mentale et la psychiatrie restent exclues des domaines actuellement concernés, les négociations sont en cours et devraient aboutir en 2019…
Un décret relatif à l'exercice infirmier en pratique avancée précise ainsi :
– L'infirmier exerçant en pratique avancée « dispose de compétences élargies, par rapport à celles de l'infirmier diplômé d'Etat, validées par le diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée délivré par les universités ».
– Il participe à la prise en charge globale des patients dont le suivi lui est confié par un médecin. Dans le respect du parcours de soins du patient, l'IPA « apporte son expertise et participe, en collaboration avec l'ensemble des professionnels concourant à la prise en charge du patient, à l'organisation des parcours entre les soins de premier recours, les médecins spécialistes de premier ou deuxième recours et les établissements et services de santé ou médico-sociaux. » Les interventions et échanges entre le médecin et l'infirmier, l'information du patient… sont définis dans un protocole d'organisation.
– L'IPA exerce dans 3 domaines d'intervention : les pathologies chroniques stabilisées, dont la liste est établie par arrêté du ministre chargé de la santé ; l'oncologie et l'hémato-oncologie ; la maladie rénale chronique (dialyse, transplantation rénale).
– Dans son domaines d'intervention, l'infirmier exerçant en pratique avancée est compétent pour :
• conduire un entretien, effectuer une anamnèse de sa situation et procéder à son examen clinique ;
• conduire toute activité d'orientation, d'éducation, de prévention ou de dépistage ;
• effectuer tout acte d'évaluation et de conclusion clinique ou tout acte de surveillance clinique et para-clinique, ;
• effectuer des actes techniques ;
• prescrire des médicaments et dispositifs médicaux non soumis à prescription médicale obligatoire et certains examens de biologie médicale ;
• renouveler, en les adaptant si besoin, certaines prescriptions médicales.
La liste des actes techniques et dispositifs médicaux que l'IPA est autorisée à effectuer sans prescription médicale, les cates de suivi et de prévention sont détaillés dans un arrêté qui précise également les prescriptions médicales que l'IPA est autoriser à renouveler ou adapter pour les pathologies dont il assure le suivi et enfin, le cas échéant, l'autorise à interpréter des résultats.
– Au sein de l'équipe, l'IPA « contribue à l'analyse et à l'évaluation des pratiques professionnelles infirmières et à leur amélioration ainsi qu'à la diffusion de données probantes et à leur appropriation. Il participe à l'évaluation des besoins en formation de l'équipe et à l'élaboration des actions de formation. » Il contribue également à la recherche.
– Enfin ce décret détaille 3 conditions pour l'exerce de pratiques avancées :
• « Obtenir le diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée délivré par les universités (…), dans la mention correspondant au domaine d'intervention ;
• Justifier de trois années minimum d'exercice en équivalent temps plein de la profession d'infirmier ;
• Etre enregistré auprès du service ou de l'organisme désigné à cette fin par un arrêté du ministre chargé de la santé. »
Il est complété par un second décret relatif au diplôme d'état d'infirmier de pratiques avancées et d'un arrêté qui précise le régime des études en vue du diplôme d'éta d'infirmier en pratique avancée
Pour Patrick Chamboredon, Président de l’Ordre national des infirmiers :
« La création de la pratique avancée en soins infirmiers ouvre la voie à de nouvelles règles de partage entre professionnels de santé. Même si les textes auraient pu aller plus loin en donnant davantage d’autonomie aux futurs infirmier(e)s en pratique avancée, la création de ce nouveau professionnel de santé constitue une réelle avancée pour la profession, d’une part, mais surtout pour l’amélioration de l’accès aux soins. En raison notamment du vieillissement de la population, de l’explosion des maladies chroniques et polypathologies, de l’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire et donc du développement des "déserts médicaux", notre système de soins a besoin de cet intermédiaire entre les médecins et les infirmiers. L’infirmier(e) en pratique avancée pourra ainsi contribuer à combler un déficit dans l’offre de soins, jouer un rôle plus important dans la coordination entre la médecine de ville et l’hôpital, renforcer le suivi et l’observance des traitements de patients stabilisés (renouvellement de prescriptions ou prescriptions d’examens complémentaires), accompagner le développement de la télémédecine… Pleinement inscrite dans une logique d’universitarisation de la profession, la création des infirmier(e)s en pratique avancée confirme également la meilleure reconnaissance du rôle des infirmiers auprès des patients. Il s’agit désormais de mettre en place au plus vite l’offre de formation afin d’être en mesure de former dès la rentrée prochaine les premiers infirmier(e)s en pratique avancée. »
Pour Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé et Frédérique VIDAL, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, il s’agit "d’une innovation majeure pour notre système de santé "
Les infirmiers en pratique avancée disposeront de compétences élargies, à l’interface de l’exercice infirmier et de l’exercice médical. Ils pourront suivre (avec leur accord) des patients confiés par un médecin de l’équipe de soins au sein de laquelle ils exerceront, sur la base d’un protocole d’organisation établi pour préciser les modalités de leur travail en commun. Ainsi, les infirmiers réadresseront leurs patients au médecin lorsque les limites de leur champ de compétences seront atteintes.
Dès lors, les infirmiers en pratique avancée auront la responsabilité du suivi régulier des patients pour leurs pathologies et pourront prescrire des examens complémentaires, demander des actes de suivi et de prévention ou encore renouveler ou adapter, si nécessaire, certaines prescriptions médicales.
Un nouveau diplôme d’Etat reconnu au grade de master sera délivré à l’issue d’une formation universitaire de deux ans. Les premiers étudiants seront accueillis dès septembre prochain dans une dizaine d’universités accréditées, dont la liste sera officialisée dans les prochains jours. Des dispositifs de validation de l’expérience et des connaissances déjà acquises par les infirmiers seront également mis en place par ces universités.
Cette nouvelle pratique et ces nouvelles compétences bénéficieront d’une reconnaissance en termes de statut et de rémunération, aussi bien dans le cadre de la fonction publique hospitalière qu’au sein des équipes de soins primaires.
L’exercice infirmier en pratique avancée est une première étape : Agnès BUZYN et Frédérique VIDAL confirment qu’elle sera étendue à d’autres prises en charge et à d’autres professions paramédicales. Elles en attendent une amélioration de l’accès aux soins et un meilleur service rendu aux usagers, particulièrement à ceux atteints de maladies chroniques.
- Décret n° 2018-629 du 18 juillet 2018 relatif à l'exercice infirmier en pratique avancée, JO du 19 juillet
- Décret n° 2018-633 du 18 juillet 2018 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée, JO du 19 juillet
- Arrêté du 18 juillet 2018 relatif au régime des études en vue du diplôme d'Etat d'infirmier en pratique avancée, JO du 19 juillet
- Arrêté du 18 juillet 2018 fixant les listes permettant l'exercice infirmier en pratique avancée en application de l'article R. 4301-3 du code de santé publique, JO du 19 juillet