« Regagner du pouvoir pendant les rendez-vous médicaments avec votre psychiatre »

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Patricia Deegan, Ph.D. est Docteure en psychologie et chercheur, Professeur-adjointe à l'École de médecine de Dartmouth et à l’Université de Boston. Elle travaille actuellement comme consultante indépendante spécialisée dans le domaine du rétablissement (recovery) et de la reprise du pouvoir (empowerment) auprès de personnes ayant des troubles psychiques. Elle a vécu elle-même un processus de rétablissement après avoir été diagnostiquée ‘’schizophrène’’ à l’adolescence. Elle est ensuite devenue, par son action militante, une des pionnières du mouvement du rétablissement dans le monde. Elle propose dans un petit guide cinq stratégies pour reprendre du pouvoir d'agir lors des consultations sur le médicaments avec un psychiatre.

" Les «rendez-vous médicaments» avec un ou une  psychiatre sont généralement des moments qui nous font ressentir une grande impuissance. Ils durent habituellement 15 ou 20 minutes. Au cours de l'entretien, nous sommes censé·es répondre à quelques questions sommaires et repartir avec une prescription de puissants médicaments pouvant considérablement altérer la qualité de nos vies. Dans ces entretiens, le ou la psychiatre détient une position de pouvoir et nous jouons généralement le rôle attendu du ou de la patiente passive, calme et qui ne pose pas de questions. Nous serons par la suite félicité·es pour nous être contenté·es d'être coopérative·ifs ou bien grondé·es/puni·es si nous n'avons pas suivi le traitement prescrit. Au fils des ans j'ai développé un certain nombre de stratégies pour palier aux inégalités de rapport de force lors des entretiens de gestion de médicaments avec des psychiatres. Je voudrais partager quelque-unes de ces stratégies avec vous :

Apprenez à porter un autre regard sur les médicaments

– Apprenez à porter un autre regard sur vous-même

– Portez un autre regard sur les psychiatres

– Préparez la rencontre avec votre psychiatre

– Prendre les commandes de l'entretien

 

Lana qui souffre de schizophrénie depuis l'âge de 17 ans vit aujourd'hui avec un traitement mais quasiment sans symptômes. Elle a lu ces "recommandations" et livre sur son blogschizo le commentaire suivant :

"Ce soir, j’ai lu ces ressources très intéressantes pour reprendre un peu de pouvoir face à son psychiatre dans la gestion de son traitement. J’aurais aimé les lire plus tôt dans mon parcours. Maintenant, ce sont des choses qui me paraissent évidentes, mais ça fait 22 ans que je suis malade.

Quand je repense à moi quand j’étais en crise, je me donne l’impression d’avoir été une vraie moule. J’ai toujours été considérée comme rebelle à l’école et dans ma famille, mais une fois face à un médecin, je me sentais toute petite et je n’osais rien dire. Il faut rappeler aussi que j’étais malade, et que toute mon énergie passait dans le fait d’essayer de tenir debout, au sens propre, et d’arriver à parler.

Je ne sais pas si les soignants s’en rendent compte, mais rien que le fait de prendre un rendez-vous est toute une aventure quand on a une maladie mentale, de même que passer la porte d’un cabinet médical.

Je n’ai rien dit face au psychiatre qui me jugeait et m’appelait « ma petite fille » mais j’ai décidé de ne plus jamais voir de psychiatre, je n’ai rien dit quand un psychiatre m’a tendu des neuroleptiques en disant juste « tu prendras ça » mais j’ai pleuré en lisant la notice seule chez moi, je n’ai rien dit face à l’ORL qui m’a ordonné d’arrêter mes neuroleptiques pour le lundi suivant mais je suis sortie en panique. Tant de fois je n’ai rien dit, tant de fois je m’en suis voulue.

Je me battais contre la maladie, je me battais contre les secrétaires pour arriver à avoir des rendez-vous médicaux, pourquoi fallait-il aussi se battre contre les médecins pour qu’ils ne vous mentent pas sur les effets secondaires, qu’ils prennent en compte votre ressenti, qu’ils vous donnent un diagnostic (ou disent qu’ils n’en ont pas), qu’ils répondent à vos questions? De mes dix-huit à mes vingt-quatre ans, j’ai eu l’impression de me battre contre une chape de plomb. Certes, je ne disais rien ou pas grand-chose, mais j’avais quand même l’impression de me battre contre tout ça, même si c’était en changeant de médecin ou en abandonnant mon traitement.

Tout ce dont parle ces ressources, ça devrait être normal. On ne devrait pas avoir à s’affirmer alors qu’on tient tout juste en vie, on ne devrait pas avoir à se battre contre un système et le pouvoir médical alors qu’on se bat déjà contre une maladie dévastatrice. On ne devrait pas s’en vouloir de ne pas y arriver.  Je ne me suis pardonnée ma passivité face à certains soignants que parce que mon généraliste m’a dit qu’à l’époque je ne pouvais pas faire autrement.

Lisez ces ressources, mais surtout ne vous en voulez pas si vous n’arrivez pas à les appliquer, ce n’est pas vous le problème."

 

Télécharger gratuitement sur le blog participatif Zinzin Zine : "Regagner du pouvoir pendant les rendez-vous médicaments avec votre psychiatre" (Reclaiming your power during medication appointments with your psychiatrist)