La toxicité de l'alcool sur le système nerveux des enfants à naître peut être sévère, pour les neurones comme pour les vaisseaux sanguins du cortex cérébral. Au cœur de ce mécanisme : l'autophagie des cellules. Une découverte qui permet d'avancer sur la piste d'un futur traitement…
L'exposition du fœtus à l'alcool est délétère pour la maturation du système nerveux central, que ce soit au niveau des neurones ou des microvaisseaux qui irriguent le cortex cérébral. Cette toxicité dépend de la quantité d’alcool consommée par la mère et de la période à laquelle le foetus y est exposé (fenêtre de vulnérabilité).
Au niveau du système nerveux, on sait que l’alcool augmente la mort neuronale (notamment par apoptose), et altère l’autophagie (voir ci-dessous). Cependant, les mécanismes régissant sa toxicité vis-à-vis des cellules endothéliales qui composent la couche interne des vaisseaux corticaux étaient jusqu’ici inconnus. Ils le sont désormais un peu moins ! Une équipe rouennaise (équipe NeoVasc*, dirigée par Bruno Gonzalez) vient en effet d’établir qu’une altération de l'autophagie s’observe également dans ces cellules endothéliales après une exposition prénatale à l’alcool. Cette équipe avait déjà montré qu’une telle exposition induit une altération de l’arborescence de la vascularisation cérébrale. Or, il est établi que l’arborescence vasculaire est un prérequis pour la migration de certaines populations neuronales au cours du développement. Avec les nouveaux résultats obtenus, il apparaît que ces anomalies vasculaires s’accompagnent d’une augmentation de la mortalité des cellules endothéliales et d’une accumulation de vacuoles autophagiques dans ces cellules.
C’est quoi l’autophagie ?
L’autophagie est un phénomène de nettoyage et de recyclage des cellules, dont le décryptage a été récompensé par le prix Nobel de médecine en 2016.
L'autophagie est indispensable à la survie de toutes les cellules, hormis celle des globules rouges. Elle consiste en une autodigestion d’une partie du contenu des cellules (le cytoplasme) qui est séquestrée sous forme de vacuole appelée autophagosome. Cette vacuole fusionne ensuite avec un lysosome qui contient les enzymes en charge de la dégradation. Après fusion, l'autophagolysosome qui en découle a une durée de vie courte, au cours de laquelle les enzymes dégradent les composants de cette vacuole.
Pour un repérage plus précoce
Le syndrome d'alcoolisation fœtale (SAF) constitue la forme la plus sévère des troubles engendrés par la consommation d'alcool des femmes enceintes. C’est la première cause de paralysie cérébrale d'origine non génétique chez l'enfant. Ce syndrome concerne environ 1,3 enfants pour 1 000 naissances vivantes en France. Mais ce nombre passe à 9 pour 1 000 en considérant l'ensemble des troubles liés à l'alcoolisation fœtale : troubles du comportement avec agressivité et auto-agressivité, difficultés d'apprentissage… "Si les enfants atteints de SAF sont repérés dès la naissance par des signes physiques caractéristiques, il n'en est pas de même pour ceux qui ont des troubles moins importants, explique Soumeya Bekri, de l’équipe NeoVasc. Le diagnostic est souvent posé avec retard, après plusieurs années, une fois que tous les processus de maturation cérébrale ont abouti". Résultat : aucune prise en charge ne peut plus leur être proposée.
"Le travail de l’équipe a consisté à comprendre les mécanismes cellulaires expliquant ces anomalies", avec un objectif ambitieux : "Identifier un marqueur périphérique de la toxicité cérébrale qui serait utilisable à la naissance pour repérer une anomalie et, à terme, proposer un traitement précoce aux enfants concernés". En collaboration avec le service de Pédiatrie néonatale, réanimation, neuropédiatrie du CHU de Rouen (dirigé par Stéphane Marret), l’équipe NeoVasc cherche désormais à caractériser des biomarqueurs permettant un diagnostic précoce et à identifier des cibles thérapeutiques.
En savoir plus : communiqué Inserm du 4 avril 2017
*unité 1245 Inserm/Université de Rouen, dirigée par Thierry Frébourg