Une mission d'évaluation de la loi du 27 septembre 2013 sur les droits, la protection et la prise en charge des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques est lancée à l'Assemblée nationale. Les députés ont d'ores et déjà commencé leurs auditions, notamment d'associations de défense des droits des usagers en psychiatrie.
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a mis en place en décembre dernier une mission d'évaluation de la loi du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Le député Denys Robiliard (SER*, Loir-et-Cher), d'ailleurs rapporteur de la proposition de texte aboutissant à la loi votée en septembre 2013, a été nommé rapporteur de cette mission d'évaluation, et Denis Jacquat (LR, Moselle), corapporteur. Les parlementaires ont récemment commencé leurs auditions. Pour rappel, la loi de 2013 introduit plusieurs modifications notables, telles que l'abrogation du statut légal des unités pour malades difficiles (UMD) pour les faire entrer dans le droit commun de l'hospitalisation sans consentement (HSC) ou la règle de la tenue des audiences foraines à l'hôpital, au cours desquelles un juge des libertés et de la détention (JLD) contrôle la régularité des mesures de soins. Elle prévoit aussi l'assistance systématique d'un avocat lors des audiences.
Des évolutions législatives proposées aux députés
Début janvier, la mission a notamment entendu des représentants d'associations de défense des droits des usagers en psychiatrie, dont ceux du Cercle de réflexion et de proposition d'action sur la psychiatrie (CRPA). Ces derniers ont pu exprimer leurs positions sur plusieurs dispositions de la loi et proposer des évolutions législatives. En premier lieu, "le démantèlement, partiel certes mais néanmoins effectif, du régime dérogatoire instauré par la loi de 2011 sur les patients médico-légaux, et sur les personnes hospitalisées sans leur consentement en UMD, ainsi que la suppression de la recherche d’un antécédent de ce type sur un laps de temps de dix ans, est une très bonne chose", a estimé le président du CRPA, André Bitton. Il a également salué l'introduction de la représentation obligatoire par avocat lors des contrôles judiciaires de plein droit des mesures d'HSC comme "une très bonne mesure". Mais l'effectivité de l'accès au droit et aux voies de recours pour les personnes sous mesure de contrainte est en revanche "bien problématique", ont souligné des représentants de l'association, avec des témoignages de patients à l'appui. D'ailleurs, les lois de 2011 et 2013 ne statuent que sur la régularité des mesures de soins sans consentement, a déploré l'association, et "sont laissées en zones grises les problématiques de l’atteinte à la vie privée, des traitements, des droits de visite également par exemple". Plus globalement, pour le CRPA, il serait "intéressant et productif", pour les droits fondamentaux des personnes "psychiatrisées", que le processus de judiciarisation enclenché depuis les lois de 2011 et 2013 soit amplifié. Alors que les recours en justice se multiplient en matière de droits des patients, conduisant à "une jurisprudence actuelle sur ce terrain […] en pleine expansion, […] cela devrait être de nouveau au législateur d’intervenir et de fixer un cadre renforcé", a estimé André Bitton. Un appel aux parlementaires donc à légiférer à nouveau sur le sujet, pour renforcer davantage la protection des usagers de la psychiatrie.
Une "inflation" des mesures d'urgence, selon le CRPA
Le CRPA s'est plus précisément penché, entre autres points, sur le certificat médical unique dans le cas des mesures d'urgence décidés par les directeurs d'établissements psychiatriques. L'association a estimé que le fait que certaines mesures, telles celles de soins sur demande d’un tiers d’urgence (SDTU) puissent avoir cours sur la base d’un certificat médical d’un praticien de l’intérieur de l’hôpital d’accueil, n’est pas "une bonne chose". Ceci "puisque ainsi le praticien certificateur peut aussi bien être le psychiatre traitant de la personne hospitalisée d’urgence sur demande d’un tiers, cela sans regard extérieur". "Dans la mesure où les JLD ont, dans l’ensemble, tendance à corroborer les certificats et avis médicaux produits dans la procédure sans leur porter un regard critique, a estimé le président du CRPA, cela ne peut que conduire à des résultats ravageurs et à des maintiens abusifs en hospitalisations sous contrainte". Enfin, il a affirmé que "les données statistiques disponibles sur ce type de mesure font apparaître une nette inflation" des mesures prises au titre du péril imminent sans tiers, ainsi que dans le cas des mesures de SDTU, "liée au fait que, dans ces mesures d’urgence, un seul certificat médical est exigible".