Alcool : le réquisitoire de la cour des comptes contre l’Etat

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Dans son rapport L'évaluation des politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool, paru le 13 juin, la Cour des comptes dresse un véritable réquisitoire contre les politiques de lutte contre les consommations nocives d'alcool.

Alors que la lutte contre les consommations nocives d’alcool devrait être une priorité de l’action publique, un rapport la Cour des comptes dénonce le laxisme de l’état et dresse les contats suivants :
– il n’existe pas en France de consensus sur le bilan économique global des consommations nocives d’alcool et la notion volume / risque. La puissance publique n’aide pas à la construction de ce consensus en se gardant d’attacher une priorité à la question.
– la baisse de la consommation globale n’empêche pas l’augmentation de comportements à risques en particulier chez les jeunes, les femmes et les populations précaires. Cette baisse doit être en partie reconsidérée à la lumière des études les plus récentes qui montrent qu’une consommation régulière et non excessive comporte aussi des risques. La politique de prévention ne doit pas se limiter à la prévention des « excès ».
– l'insuffisance de recherches ne permet pas de documenter les effets nocifs des différentes formes de consommation d’alcool, pour mieux définir les stratégies appropriées de santé. Cette connaissance trop incertaine des enjeux explique que les professionnels de santé soient peu informés et mal formés et donc faiblement mobilisés pour prendre en charge convenablement les comportements addictifs.
– l’action publique peine à modifier les comportements. Elle n’utilise pas assez les leviers existants (prévention avec des messages ciblés, utilisation de l’outil fiscal ou des réglementations en matière de publicité ou d’accès au produit). Même en matière de sécurité routière la conduite en état d’alcoolisation n’est pas aujourd’hui réprimée avec les mêmes résultats que la vitesse excessive, faute d’une chaîne de contrôle/sanction efficace.
– les réponses sanitaires sont tardives et mal coordonnées aux consommations nocives d’alcool. Cela commence dès la détection des consommateurs à risque par le médecin généraliste sous forme de repérage précoce et d’intervention brève. Ensuite, les prises en charges sanitaires restent très cloisonnées entre les différentes structures médicales et le secteur sanitaire et médico-social.
– il n’existe pas de feuille de route claire pour les différents acteurs, sous forme d’un programme national spécifique dédié à l’alcool, ni de pilote disposant d’une autorité assez forte pour défendre les intérêts de la santé publique face aux acteurs économiques et assurer la nécessaire coordination interministérielle des actions menées.
En conclusion, la Cour des comptes formule 11 recommandations, selon trois grandes orientations :
– élaborer, au sein du plan contre les addictions, un programme de lutte contre les consommations nocives d’alcool, fondé sur les preuves scientifiques et porté au plus haut niveau gouvernemental. Doté d’indicateurs permettant un suivi rigoureux des actions dans la durée, il serait régulièrement évalué et adapté en fonction des résultats obtenus ;
– provoquer une prise de conscience et prévenir les risques des consommations nocives d’alcool par une information et des actions de prévention appropriées et mises en cohérence avec les avancées de la science.
– renforcer l’impact des leviers d’action existants qui s’avèrent souvent peu efficients. Alors que certains méritent une attention particulière car ils sont aujourd’hui sous-utilisés (comme le repérage précoce ou l’action sur les prix et la fiscalité), d’autres pourraient être plus simplement rénovés et adaptés aux besoins de l’action publique (comme la réglementation de la distribution, du lobbying et de la publicité ou le contrôle et les sanctions de la conduite en état d’alcoolisation).