Avril 2014

La violence dans le soin

Auteur(s) : ALBERT CICCONE ET AL.
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Le soin peut être porteur de violence. L’objet de cet ouvrage est de tenter de comprendre les enjeux de cette violence, d’en dégager les sources, d’en préciser les formes, d’en proposer des voies de sortie. Il s’agit toujours de violences clandestines, souvent inconscientes, en grande partie méconnues de leurs auteurs et parfois de leurs victimes. Les contributions des différents coauteurs, tous praticiens confirmés du soin psychique, psychanalytique, décrivent des « scènes de violence » et en explorent les enjeux, dans des contextes différents.

Éd. Dunod, avril 2014, 26 €.

 

La violence dans le soin : une fatalité ?

Interview d' Albert Ciccone

Qu’est-ce que la violence dans le soin ? Comment se manifeste-t-elle dans tous les champs du soin ?
Comment la reconnaître quand on est « soignant », la prévenir, la réduire ? Éclairages d’Albert Ciccone sur un ouvrage pluriel.

– De quels types de violences traite votre ouvrage ?

Cet ouvrage traite des violences souvent clandestines, parfois méconnues de leurs auteurs voire de leurs victimes. Il s’agit de formes de violences banalisées, qui infiltrent les pratiques soignantes, dans tous les domaines, et qui tiennent au fait que les sujets auxquels s’adresse le soin ne sont pas toujours reconnus dans leur subjectivité. Ces formes de violence sont toujours faites « pour le bien » des gens, et sont parfois incluses dans des théorisations du soin qui les rationalisent et dénient leur portée violente. Mais ce sont toujours des violences inutiles.

– Quels éclairages apportent les différents contributeurs ?

Les contributeurs éclairent les formes et les sources de ces violences. Globalement, trois axes sont explorés : les logiques sociopolitiques auxquelles les soignants sont soumis ; les logiques institutionnelles et organisationnelles qui déterminent un certain nombre et une certaine part des praxis ; enfin les logiques interindividuelles qui mobilisent des mouvements transférentiels et contre-transférentiels.

Chaque co-auteur développe également une approche clinique, dans un champ particulier, dans laquelle on retrouve l’une ou l’autre ou plusieurs de ces sources et formes de violence. Ces champs concernent la folie et la psychiatrie, le handicap, l’enfance en danger, la maladie somatique grave, l’hôpital général, les institutions médico-sociales, l’exclusion et l’errance, l’intimité de la relation psychothérapeutique et psychanalytique.

– Pour les soignants confrontés eux-mêmes à la mort, au handicap, aux conditions de survie des SDF, la violence n’est-elle pas le symptôme de leur douleur ?

Bien sûr, c’est là un aspect essentiel pour comprendre la violence dans le soin. Les situations elles-mêmes auxquelles les soignants sont confrontés sont porteuses de violence. Ceux-ci sont traversés par des éprouvés d’impuissance, de culpabilité, de dévalorisation auxquels ils ne peuvent pas toujours faire face, et qu’ils ne peuvent pas toujours élaborer. Mais d’autres sources doivent être prises en compte également, les sources sociales, politiques, institutionnelles, et individuelles aussi. Ne tenir compte que de la lourdeur de la pathologie, de la folie, de la maladie, et du désespoir que ces situations génèrent a une fonction « d’innocentation » du social, des institutions, et des soignants eux-mêmes.

– Quelles voies s’esquissent pour réduire la violence notamment du côté des soignants ?

L’idée centrale développée dans ce livre consiste à dire qu’au bout du compte, toutes les formes d’impasses dans le soin et de violence du soin proviennent toujours d’un manque d’élaboration « contre-transférentielle », que ce soit au niveau d’un soignant, ou d’une équipe, d’une institution, voire d’un groupe social. C’est dans le travail de pensée à partir de la pratique que les soignants comme les institutions et comme le social peuvent sinon trouver une issue aux violences inutiles qui infiltrent le soin, au moins les atténuer et en prévenir un certain nombre. Mais les conditions de possibilité pour un tel travail ne sont pas toujours réunies, et il n’est pas sûr que cela s’améliore par les temps qui courent !…