Viols : typologie et variations géographiques

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SOCIOLOGIE. Une étude s’appuyant sur le dépouillement de 425 affaires de viol jugées aux assises explore les caractéristiques de ce crime de plus en plus dénoncé.

Les sociologues Véronique Le Goaziou et Laurent Mucchielli, tous deux chercheurs au CNRS (Centre de Recherches Sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales – CESDIP), ont réalisé une étude originale intitulée « Les viols jugés en cours d’assises : typologie et variations géographiques ». En effet, les viols sont de loin le crime le plus couramment jugé en Cours d’assises et celui que la justice sanctionne le plus sévèrement. En 1984, seules 18 % des peines de prisons prononcées pour sanctionner ce crime étaient supérieures à 10 ans, en 2008, ce pourcentage est passé à 43 %. Cette sévérité accrue s’accompagne de la dénonciation de plus en plus fréquente d’un crime très peu déclaré par les victimes.
Les chercheurs se sont intéressés à la diversité des viols (jugés dans trois Cours d’assises au cours des années 2000 : Paris, Versailles, Nîmes) qui peuvent différer tant sur le plan matériel, que sur la durée et les circonstances; ces différents facteurs influant sur les circonstances aggravantes.
Leur étude révèle également une grande variété de relations entre les auteurs (des hommes à 98 %) et les victimes : liens familiaux, amoureux, d’amitié, de service, de voisinage… Ainsi, dans l’échantillon étudié, auteurs et victimes se connaissent dans 83 % des cas et on peut même parler d’une relation « forte » ou « de proximité » dans 70 % des cas. Les chercheurs soulignent par ailleurs qu’environ 90 % des auteurs de viols jugés sont issus des milieux populaires. Les chercheurs distinguent cinq types de viols : les viols intrafamiliaux « élargis » (47 % des affaires), les viols conjugaux (4 % des affaires), les viols de « forte connaissance » (17 % des affaires), les viols collectifs (5 % des affaires) et les viols de « faible connaissance » ou commis par des inconnus (27 % des affaires).
Les trois juridictions étudiées mettent également en évidence un enseignement majeur : la spécificité de la grande ville, Paris. Les chercheurs soulignent que « si les viols par inconnus y sont nettement plus nombreux dans l’ensemble des viols jugés, c’est peut-être qu’ils sont plus fréquents, mais c’est aussi que les autres types de viols sont considérablement moins dénoncés par des milieux sociaux aisés surreprésentés dans la capitale. »
Enfin, l’étude indique un poids équivalent des viols collectifs dans les trois juridictions, ce qui va à l’encontre du stéréotype associant ce type de viols aux jeunes « issus de l’immigration » et aux grands ensembles HLM.

Le Goaziou V., Mucchielli L., « Les viols jugés en Cour d’assises : typologie et variations géographiques », Questions pénales XXIII. 4, septembre 2010; www.cesdip.fr