Ces dernières années, la couverture médiatique de cas sensationnels, tels que la découverte de huit corps de nouveau-nés dans le nord de la France en juillet 2010, laissait supposer une augmentation des néonaticides, ces décès de bébés survenant le jour de leur naissance. Parce qu’il existait peu de données pour évaluer l’ampleur de ce phénomène et son évolution dans le temps, Anne Tursz et Jon M. Cook de l’Unité Inserm 988 « CERMES 3 » se sont penchés sur ces décès peu connus et souvent associés, dans les médias, au « déni de grossesse ». Leur étude rétrospective s’est basée sur les données judiciaires de 26 tribunaux correspondant aux décès de nouveau-nés survenant entre 1996 et 2006 dans 3 régions françaises (Bretagne, Ile-de-France, Nord-Pas de Calais).
Par recoupement avec les statistiques officielles de mortalité, les chercheurs ont pu établir qu’il existait une sous-estimation globale des homicides de nouveau-nés. Ils signalent en effet 2,1 néonaticides pour 100000 naissances contre 0,39 dans les statistiques officielles, soit 5,4 fois plus que dans les données judiciaires. Les auteurs rapportent également les principales caractéristiques des mères auteur d’infanticides : 26 ans en moyenne, multipares, en couple, en activité professionnelle, n’utilisant pas de moyens de contraception, présentant de fortes carences affectives mais pas de troubles mentaux… Pour Anne Tursz, « identifier le profil de ces mères permettra de mieux cibler à l’avenir les femmes vulnérables afin de leur proposer des solutions adaptées. Les données recueillies suggèrent que l’action préventive exclusivement tournée vers les jeunes, les pauvres, les femmes seules, sans emploi ou avec un déni de grossesse, comme on le voit dans les médias, n’est pas appropriée ». Une étude que les auteurs veulent compléter pour développer une action préventive ciblée, grâce notamment à l’identification scientifiquement solide de facteurs de risque maternel.
Tursz et coll. « A population-based survey of neonaticides using judicial data », Archives of Disease in Childhood, 6 décembre 2010; http://fn.bmj.com/content/early/2010/11/25/adc.2010.192278.abstract